150e anniversaire des Bourbaki
Solidarité et humanité célébrées entre passé et futur
Samedi dernier, la foule était présente pour suivre le défilé officiel, pour commémorer le 150e anniversaire de l’internement de l’Armée de l’Est en Suisse, entre Les Verrières-de-Joux et Les Verrières. Mais dès la matinée, le public a répondu présent pour les différentes activités et manifestations proposées. Récit d’une journée durant laquelle le Courrier du Val-du-Travers hebdo a arpenté les deux villages transfrontaliers.
Il est où le président de la Suisse,
demande une enfant des Verrières-de-Joux à ses parents. Symbole dʼune certaine impatience, à lʼarrivée du conseiller fédéral Ignazio Cassis, parmi les habitants de la commune frontalière, mais pas seulement, car les plusieurs centaines de personnes qui avaient fait le déplacement aux Verrières-de-Joux pour accompagner le cortège officiel venaient des deux côtés de la frontière et même de plus loin. En effet, et lʼimpatience sʼest muée en effervescence lorsque le président de la Confédération a été accueilli par Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué au tourisme, des Français de lʼétranger et de la francophonie, le président du Conseil dʼÉtat neuchâtelois, Laurent Favre et la pléiade dʼélus présents pour ce 150e anniversaire de lʼinternement de lʼArmée de lʼEst en Suisse, célébré 151 ans après en raison de la pandémie. « Cʼest celui avec une écharpe rouge », explique la mère à son enfant. Malheureusement, la foule dense empêche dʼapercevoir parfaitement le Tessinois. Mais la présence présidentielle nʼétait pas le seul motif du public.
Déjà le matin dès dix heures, plusieurs dizaines de personnes étaient présentes dans la cour du collège des Verrières pour admirer lʼimposante peinture murale de Benjamin Locatelli inspiré par lʼépisode historique, pour découvrir la prise en charge, des soldats désœuvrés, blessés et affamés, par la Croix-Rouge en 1871 ou pour voir le film explicatif de lʼépisode historique. Lʼexposition sur la guerre de 1870 aux Verrières-de-Joux rencontre aussi le succès. Au restaurant de lʼHôtel de Ville, une dizaine de personnes visitent la petite exposition « Bourbaki » et demeurent silencieuses et pensives devant la reproduction du panorama dʼédouard Castres. Les auteurs dʼouvrages présents passionnent les visiteurs avec leurs explications érudites. « Cela permet un coup de projecteur sur la commune avec des personnalités politiques importantes », reconnaissent Mike Simon-Vermot et Joël Petitpierre, conseillers communaux des Verrières, croisés à lʼextérieur. En fin de matinée, ils sont une cinquantaine de visiteurs à assister aux fifres et tambours de la Vieille garde impériale de 1806 et à accepter la soupe offerte par la Batterie 14. Rencontré un peu plus tôt dans la cour du collège, Christian Mermet, président de lʼassociation Bourbaki Les Verrières, se montre ravi de lʼaffluence matinale et se dit chanceux pour lʼinstant avec le temps ensoleillé.
Liste impressionnante dʼinvités
Le ciel est devenu gris lorsque sʼengage le cortège officiel en début dʼaprès-midi depuis les Verrières-de-Joux. Mais, le rafraîchissement de lʼair ne décourage pas le public. Entre les deux villages frontaliers, ils sont plusieurs centaines à suivre le défilé avec un arrêt à la douane helvétique pour une partie officielle et une dépose symbolique des armes.
La longue liste dʼinvités importants dit le sens accordé à cette commémoration,
a résumé Christian Mermet, dans son allocution. En effet, en plus du président de la Confédération, du ministre délégué de lʼambassadeur de France en Suisse et du président du Conseil dʼÉtat, sont notamment présents plusieurs conseillers nationaux, la conseillère et le conseiller aux États, le Conseil communal in corpore des Verrières et des représentants des conseils communaux de Val-de-Travers et de La Côte-aux-Fées. La « volonté solidaire » de lʼacte de 1871 est rappelée par le président de lʼassociation Bourbaki. Lors de sa prise de parole, Laurent Favre a abondé en ce sens et relevé une « générosité » qui a prévalu « sur le rude hiver » et une « formidable assistance humaine » à lʼimage du Canton et de la Suisse. Un acte dont on peut sʼinspirer encore aujourdʼhui selon le président du Conseil dʼÉtat et qui voit dans la frontière non pas une séparation mais un lieu « dʼéchange et de réunion ». Comme le fut celle-ci en 1871, un lieu de refuge.
Mémoire pour le futur
La générosité et la bienveillance de lʼaccueil de lʼArmée de lʼEst ont aussi été soulignées par Jean-Baptiste Lemoyne dans son discours au temple des Verrières. Avec solennité, le ministre délégué a aussi rappelé les cinq siècles de paix perpétuelle entre la France et la Suisse et que la convention dʼinternement signée aux Verrières était centrale dans la naissance de la vocation humanitaire de notre pays et de la jeune Croix-Rouge de lʼépoque. Également, il a souhaité que la mémoire de cet événement soit une aspiration à « surmonter les périls » actuels et futurs entre deux « peuples frères et nations sœurs » qui sont solidaires. Une solidarité « sans faille » et des « liens inaliénables » quʼa aussi reconnus Ignazio Cassis dans son allocution.
Le président de la Confédération sʼest interrogé si un tel acte dʼaide sera aujourdʼhui possible, en pensant à la population de la région qui a revu ses propres besoins pour être solidaire et aider les soldats de lʼArmée Bourbaki. Un questionnement légitime alors que « la détresse existe toujours » mais sous dʼautres visages, auquel le président de la Confédération a répondu que la générosité des Suisses demeurait « forte face à la souffrance des autres ».
Vivre en paix nʼest pas une chose qui va toute seule,
a déclaré Ignazio Cassis en ajoutant que celle-ci découle des volontés humaines. Enfin, le président de la Confédération a appelé à ne pas oublier la profonde amitié franco-suisse qui va « au-delà » des aléas politiques. Un devoir du souvenir quʼà parfaitement résumé le président du Souvenir Français, Serge Barcellini : « La mémoire est le fondement du vivre ensemble ». Une mémoire nécessaire dont la nature de lʼacte humanitaire des Verrières résonne avec les problématiques actuelles et futures.
Succès au-delà des espérances
Deux jours après cette grande journée commémorative, le président de lʼAssociation Bourbaki Les Verrières, Christian Mermet, est comblé par le déroulement de ce 150e anniversaire. Il relève la grande qualité des discours des invités et notamment celui du président de la Confédération. « Monsieur Ignazio Cassis a apporté un message fort. En rappelant la proportion de réfugiés, 3% de la population de lʼépoque, cela constituerait aujourdʼhui 270ʼ000 personnes. Ce chiffre fait réfléchir », note-t-il. Les célébrations furent aussi lʼoccasion de rappeler les liens et la communauté de destin dʼune région frontalière et de deux villages.
Également, le président de lʼassociation souligne que le nombre dʼinvités ayant répondu présent était exceptionnel et que cela atteste dʼune thématique qui résonne dans des cercles très larges. Et lʼimportante affluence ravit Christian Mermet. « Même dans nos rêves les plus fous, nous nʼespérions pas un tel succès », avoue-t-il, en relevant une belle ambiance. Maintenant, passé le cap des 150 ans, lʼassociation veut continuer de faire vivre ses valeurs et sa thématique qui est encore « hautement » dʼactualité avec au minimum une manifestation chaque année. Et toujours avec lʼobjectif de construire lʼavenir sans oublier le passé.