Sacrifierons-nous nos aigles royaux sur l‘autel d’une fausse bonne conscience écologique ?
Voilà plus de 200 ans que l’aigle royal avait disparu de la portion du Jura allant de La Chaux-de-Fonds à La Vallée-de-Joux. Il y a un peu plus d’un an, une nouvelle inespérée faisait la une des journaux de toute la Suisse : « Un aigle royal est né dans le Val-de-Travers » titrait alors le 24 Heures du 22.06.2020. Depuis, la jeune « Artemis » s’est envolée à la recherche d’un autre territoire. Chanceux seront celles et ceux qui auront pu l’apercevoir s’élever au dessus de nos si beaux paysages.
Pour mon humble part, la matinée du 18 février ici au Mont-des-Cerfs restera à jamais gravée dans ma mémoire quand en levant les yeux, elle m’apparût… Longue vie à elle !
Les parents eux sont restés et ont donné naissance à un nouvel aiglon cette année. Il devrait d’ailleurs très prochainement quitter l’aire (nid) pour ses premiers vols si tout se passe pour le mieux. Par le biais de cette merveilleuse nouvelle, nous pouvons faire le constat de la bonne santé du milieu naturel qui compose tout l’arc Jurassien. En effet, il faut que toute la chaîne alimentaire soit suffisamment riche pour que de tels oiseaux arrivent à se reproduire et puissent nourrir leur descendance. En l’état actuel des choses, nous devons, nous humains, tout faire pour permettre à ces oiseaux de développer leur population le plus sereinement possible.
Cette histoire semble idyllique, malheureusement il y a un bémol, et pas des moindres…
L’aménagement de centrales éoliennes est prévu sur tout le Jura et il n’est pas compliqué de comprendre que grandes hélices et grands rapaces ne pourront pas faire bon ménage sur les pâturages d’altitude qui constituent leurs territoires de chasse. Ces oiseaux seront très certainement contraints de quitter notre belle région ou pire, se feront percuter par une pale avant d’aller s’écraser au sol et d’ agoniser de longues heures pour ensuite perdre la vie.
Il faut rappeler ici que tous les rapaces sont des oiseaux protégés. Planant le regard au sol pour chasser, ils entreront très certainement un jour ou l’autre en collision avec une pale. Aigles et milans royaux en seront assurément les premières victimes. Bon nombre de chauves souris, et oiseaux migrateurs seront également blessés et tués.
Il est simplement hypocrite et inadmissible d’oser parler d’écologie en occultant ce fait car vouloir d’une part améliorer notre mode de consommation tout en détruisant l’habitat naturel de centaines d’espèces tombe sous le non-sens et représente une incohérence absolue. Il serait bien trop long de faire ici l’énumération de la triste liste de toutes les espèces animales et végétales également impactées par l’énormité des travaux d’aménagement.
Nous sommes en train de pousser à l’extinction de nos fragiles forêts Jurassiennes certaines espèces spécifiques et emblématiques telles que le Grand tétras, la Gélinotte des bois tout particulièrement. L’énergie prétendument « verte » de l’éolien y contribuera fortement.
Pourtant, il n’est pas trop tard et nous pouvons encore empêcher l’absurdité de vouloir transformer ce qu’il reste de ce patrimoine sauvage en de malheureuses et surdimensionnées centrales électriques au nom d’une fausse conscience écologique, meurtrière et malhonnêtement mensongère.
Jean-Loup Fuchs, Sainte-Croix