Une histoire qui « conte » vraiment
En cette période de fêtes de fin d’année, les contes de Noël et autres films ronflants de cette veine abondent de toute part. Et avec eux, des scénarios cousus de fil blanc sans relief et toujours identiques. Rien de tel qu’une bonne histoire bien réelle pour donner un peu de corps à ce mois de décembre. Cette histoire, c’est celle pleine de rebondissements de Yann Gremaud. Littéralement mis à terre par la vie, passé proche de perdre une jambe et malmené par le sort, il s’est relevé et a dû réapprendre à marcher à 33 ans. « L’âge du Christ », évoque-t-il en symbole.
Ce n’est pas Yann Gremaud qui m’a sollicité pour écrire cet article, l’homme cultive au contraire la discrétion et aspire à une vie simple. C’est moi qui ai souhaité donner de la lumière à un exemple de résilience. Pas pour donner de leçon, pour montrer que dans la vie réelle tout ne se passe pas toujours comme dans un conte de Noël. Mais avec un bon état d’esprit, toutes les épreuves sont surmontables et c’est ce message d’espoir qui est important. Car la réalité vaudra toujours plus que la fiction.
Personne ne frappe aussi fort que la vie,
corrobore le Fleurisan.
Tout va très vite et tout peut rapidement dépasser la fiction. Que ce soit dans le bon ou le mauvais sens. Par exemple, j’ai perdu trois enfants d’un côté et j’ai deux merveilleuses filles de l’autre (Alizée et Karissa). Dans tous les cas, il ne faut jamais arrêter d’avancer et garder foi en l’avenir.
Colonne vertébrale sauvée par un Tupperware
Cette philosophie de vie, le Vallonnier de 40 ans l’a rapidement appliquée au domaine professionnel après avoir effectué toutes ses classes au Vallon.
J’ai passé mon CFC de maçon en 2002 avant de faire mon école de recrues et celle de sous-officiers. Par la suite, j’ai voulu obtenir le grade de 1er lieutenant mais ça n’a pas fonctionné comme je le souhaitais et je suis donc revenu à la maçonnerie.
Il y est resté onze ans avant de se lancer dans un nouveau challenge au sein de l’entreprise Rolex à Bienne en 2011.
Malheureusement, au bout de trois semaines, j’ai eu l’accident qui a changé la suite de ma vie.
Cet accident est aussi bête qu’il n’a été dévastateur. Une seconde d’inattention, une mauvaise chute dans un escalier et des années à en payer le prix.
Je me suis tordu la cheville, la malléole a touché le sol à 90 degrés, je n’ai pas réussi à me rattraper et j’ai chuté. J’ai frappé l’os de la nuque sur le nez d’une marche et ça m’a séché instantanément.
À l’hôpital, les médecins ont eu peur pour sa colonne vertébrale mais elle n’a finalement rien eu grâce… au Tupperware que Yann Gremaud avait dans son sac à dos pour le repas de midi.
Après deux semaines d’arrêt, on pensait que tout était réglé et j’ai pu reprendre le travail.
En fait, il ne le savait pas mais le pire était encore à venir.
Ça n’allait clairement pas, je n’arrivais pas à marcher normalement. Ma cheville gauche me lâchait constamment et je tombais. Quand je marchais, c’était comme si mes doigts de pied regardaient vers la gauche et mon pied se surélevait.
12 centimètres de tendon d’Achille sectionnés
Voyant que leur employé boitait et avait du mal à travailler debout, Rolex l’a alors licencié.
Le directeur est venu me parler et il m’a dit de me soigner et de revenir le voir lorsque ça irait mieux. Je pensais que ça allait prendre trois mois mais ça a mis trois ans. J’ai eu exactement 37 mois d’assurance.
Sa malheureuse chute avait laissé des traces profondes. Son nerf sciatique était sorti de sa gaine et empêchait tout point d’équilibre. De longs mois de béquilles avec jusqu’à 80 gouttes de Tramal par jour ont donc été nécessaires.
Comme j’avais une trentaine d’années, je souhaitais qu’on trouve un moyen moins radical que l’opération. Mais mon chirurgien a insisté pour tenter de régler le problème et j’ai accepté.
Douze centimètres de tendon d’Achille lui ont alors été retirés et la douleur sciatique a disparu. Pour protéger son tendon d’Achille fragilisé, il a marché deux mois avec un Vacoped au pied gauche (orthèse de maintien, entre la bande et le plâtre).
Contre toute attente, il a repris le karaté
C’était très important car si vous perdez l’usage du tendon d’Achille vous perdez l’usage de votre jambe. Ce qui aurait pu être mon cas. Après le Vacoped, j’ai réappris à marcher à 33 ans en clinique de réadaptation en Valais (2014). Petit à petit, j’ai retrouvé mes sensations et tout est presque comme avant aujourd’hui.
Dès avril 2015, il a pu renouer avec le monde du travail à travers différents stages mis sur pied par l’assurance invalidité (qui n’est jamais intervenue financièrement en sa faveur). Il a ensuite œuvré à la Villa Florius durant près de 3 ans et il est maintenant engagé par l’antenne d’Oseo à Travers.
Depuis février 2021, je forme les requérants d’asile pour tout ce qui est technique et entretien de bâtiment.
Et alors que ses médecins lui avaient dit qu’il ne pourrait plus faire de sport de contact, ce passionné de karaté n’a rien lâché de ce côté-ci non plus.
J’ai commencé par faire du ping-pong en 2017. Après deux ans, j’ai senti que mon corps pouvait aller plus loin et j’ai repris le karaté à Buttes. J’ai aussi pu reprendre le ski. Cela m’a fait un bien fou. Vous savez, j’étais tout en bas sur le plan personnel, sur le plan physique et sur le plan mental. Et quand on est tout en bas, la seule chose à faire est de remonter.
Et même s’il a pris des coups dans cette remontée, Yann Gremaud n’a jamais flanché, comme sur un dojo ! Son happy end, c’est à lui qu’il la doit et à personne d’autre.
Kevin Vaucher