Les invisibles du cœur
Non les invisibles du cœur ne se réfèrent pas aux célibataires de la Saint-Valentin ! Quelque part à Saint-Sulpice, la nuit vient de tomber et une poignée de « petites mains » s’activent à l’abri des regards pour le bien des plus fragiles. Dans un local loué à la commune à un prix avantageux, les bénévoles des Cartons du Cœur garnissent les cartons de denrées alimentaires et autres biens de première nécessité. Une fois les colis préparés, c’est en véhicules volontairement « banalisés » que les livraisons se font jusque chez les bénéficiaires. Jusqu’à quatre livraisons par semaine tout au long de l’année. S’ils cultivent la discrétion, ces « invisibles du cœur » n’en exécutent pas moins pour autant un travail exceptionnel.
Précisons immédiatement que la détresse et la pauvreté ne sont pas des crimes et qu’ils n’ont rien de honteux en soi. La quinzaine de bénévoles de l’antenne vallonnière des Cartons du Cœur tiennent à agir dans l’ombre pour leurs bénéficiaires qui n’ont pas à voir leur situation étalée aux yeux des autres. Voyez ça comme un style de secret de fonction. « Cette discrétion représente le lien le plus solide qui nous lie aux gens que l’on aide. Sans elle, beaucoup n’oseraient probablement pas nous solliciter », explique la responsable pour le Val-de-Travers Florence Moulins. Savoir se fondre dans la masse pour agir, c’est l’un des atouts majeurs de l’association depuis qu’elle est née en fin 1992 – début 1993. Aujourd’hui, elle compte une grosse centaine de bénévoles sur le canton pour 2000 personnes aidées par année. L’antenne du Vallon a bien évolué au fil des ans (voir encadré) et elle n’a cessé de gagner en efficacité grâce à plusieurs responsables successifs et notamment sous l’aile du couple Marinette et Yves Antoniotti
Un mois de provisions d’un seul coup
Après de nombreuses années de dévouement, le couple fleurisan a transmis la responsabilité de l’antenne à Florence Moulins début 2022. La Vallonnière ne découvre pas la maison ou le local pour autant.
Je livrais déjà depuis plusieurs années, mes tâches ont simplement un peu évolué. Il y a notamment un travail de synchronisation à faire avec l’association cantonale des Cartons du Cœur.
C’est effectivement par-là que chaque dossier doit passer pour être ouvert. Et en fonction du lieu des personnes dans le besoin, il est ensuite confié à l’un des trois secteurs suivants : Montagnes, Littoral/Val-de-Ruz et Val-de-Travers. Les demandes se font via le site internet cartonsducoeur-ne.ch.
Pour pouvoir aider un maximum de gens réellement dans le besoin, chaque demande est étudiée avant tout octroi de « marchandises ». Ce n’est pas une sélection mais un garde-fou utile afin d’éviter les abus. Par exemple, quelqu’un qui souhaiterait faire l’économie d’un mois de courses pour pouvoir s’acheter le dernier smartphone à la mode. Car oui, c’est bien d’un mois de courses dont on parle.
C’est une aide conséquente sous forme de nourriture et de produits d’hygiène. C’est pourquoi on livre généralement une fois par année chaque foyer dans le besoin. Il peut toujours y avoir des cas exceptionnels mais ce mois de provisions gratuites soulage déjà un grand nombre de familles. » Cette grande quantité de produits livrés en une fois est l’autre gros atout de l’association.
La Migros puis la Coop comme partenaires
En 2021, les Cartons du Cœur ont atterri chez plus de deux cents Vallonniers pour un total de septante livraisons effectuées. À noter que les personnes seules comme les familles sont soutenues et que le rayon d’action va de Noiraigue jusqu’à La Côte-aux-Fées en passant par Les Verrières. Bref, c’est tout le Vallon qui est concerné.
Pour ce qui est des cas particulièrement nécessiteux, d’autres associations comme les Paniers Solidaires peuvent intervenir plus régulièrement.
En définitive, l’idée est de tisser une toile de protection commune la plus solide et avec le moins de « trous » possibles. Aux Cartons du Cœur, tout fonctionne grâce à l’apport de donateurs (contact : cartonsvdt@gmail.com) et aux soutiens de différents distributeurs.
Le fonds de stock qui garni les cartons (produits secs et hygiène) est commandé à la Migros ou à la Coop avec qui il existe des partenariats à l’échelle romande, ce qui permet de bénéficier de prix préférentiels. Les différents dons reçus au fil de l’année proviennent d’entreprises et de personnes privées au profit de l’antenne cantonale. Spécialité vallonnière, les apports financiers de certaines sociétés de notre région comme le Lions Club ou l’Union philanthropique sont utilisés uniquement dans les commerces du Vallon sous forme de bons.
Cela permet à nos bénéficiaires d’aller acheter des produits frais, de la viande ou du pain au plus près de leur domicile. Cette aide concrète, c’est une des raisons pour lesquelles je me suis engagée dans l’association.
Florence Moulins n’est donc pas prête à arrêter de faire « ses cartons ».
Kevin Vaucher
Le journaliste et l’équipe de foot
C’est en 1992 que Laurent Borel, journaliste de son état, a écrit la charte fondatrice de l’association.
Il s’était entouré de jeunes footballeurs de Peseux pour organiser une livraison de nourriture à une vingtaine de familles pauvres pour le Noël de cette année-là. Dans son élan, il avait ensuite décidé de lever des fonds pour aider les plus démunis, expose Pascal Boillat,
vice-président des Cartons du Cœur Neuchâtel. Pour le Val-de-Travers, aucune date précise n’a été retrouvée mais la mémoire du bénévole retraité lui indique que ce devait être à la même période.
L’antenne avait été mise entre les mains d’un commerçant qui faisait la distribution lui-même, puis il y a eu un dépôt dans une association caritative de Couvet.
Mais comme la charte précisait que l’association devait rester laïque, un changement de lieu et de bénévoles avait alors dû avoir lieu.
Après ce sont ceux des Montagnes qui ont assuré un moment la distribution au Val-de-Travers avant que des locaux ne soient retrouvés à Fleurier puis à Saint-Sulpice.