À la rencontre de «l’historien de Facebook»
Sur la table de Jimmy Montandon, trente bons kilos de livres sur l’histoire du Val-de-Travers sont préparés pour notre entretien. « Il y en a au moins encore le double à la cave et au galetas », prévient-il. Le rendez-vous risque de durer un peu… Si vous avez une question sur l’histoire du Val-de-Travers, le Vallonnier de 62 ans la trouvera 99 fois sur 100 dans sa collection de bouquins. Même s’il partage volontiers ses connaissances sur Facebook, l’homme est pourtant loin de se considérer comme un historien. Rencontre avec l’un des passeurs de savoir du Vallon.
Nous ne sommes pas encore entrés dans l’appartement fleurisan de Jimmy Montandon, que l’histoire du Val-de-Travers s’affiche déjà sur les murs. Sur la droite de son entrée, une lithographie des Grands-Marais de Couvet, datée de 1894, annonce la couleur. Si l’homme refuse le costume d’historien qu’on lui tend parfois, il ne réfute pas celui de passionné et de collectionneur. Il aurait d’ailleurs un peu de peine à le faire tout en restant crédible : « Dans cette chambre, on y trouve tout ce qui concerne les pièces de monnaie et dans la suivante se trouve tout ce qui concerne les trains. Une grande passion pour moi. »
Un train de souvenirs
C’est même beaucoup plus que ça. Jimmy Montandon a 44 ans de carrière ferroviaire derrière lui. « Je suis le seul cheminot de Suisse à avoir œuvré sur les 7 gares vallonnières ouvertes dans les années 1990. J’ai un tas d’anecdotes sur toutes ces années. » À la volée, il évoque les fûts de truites qu’il transportait jusqu’à Fleurier où les clients pouvaient choisir leurs poissons, toujours en train d’onduler dans l’eau en magasin. Il se rappelle aussi des moutons qu’il déposait à la gare de Buttes pour qu’ils se fassent vacciner. Mais prenons les choses dans l’ordre, comment est né ce désir de collectionner ?
Les pièces en argent subtilisées dans les automates
« C’est comme un magnifique engrenage. Cela vient petit à petit et ça prend de l’ampleur avec le temps. Comme j’ai toujours fait beaucoup de brocantes, les objets s’accumulent vite. » Pour les pièces de monnaie par exemple, il a commencé grâce aux automates à billets présents dans les gares. « La production des pièces en argent s’est arrêtée en 1967 mais on en trouvait toujours dix ans plus tard en vidant les machines. Alors c’était toujours un peu la bagarre pour vider les automates et subtiliser les pièces en argent (en les échangeant avec des pièces nouvellement frappées dans un alliage de cuivre et de nickel). » Dans cette première collection, on peut aussi y trouver un jeton de l’Abbaye de Buttes de 1770.
Le besoin de comprendre
Dans une seconde collection, Jimmy Montandon recense plus de 1000 cartes postales de la région au format numérique. Mais sans conteste, la passion qui lui prend le plus de place est celle des livres qui relatent le Val-de-Travers à travers les âges. Tout part encore une fois depuis un quai de gare : « Je discutais avec mes collègues. Ils me parlaient de l’usine Dubied qui faisait tourner les commerces du village grâce à son réfectoire où mangeaient 250 à 300 personnes tous les midis paraît-il. Bien sûr, il n’y avait pas internet pour vérifier ce qu’ils me racontaient alors j’ai cherché à engranger du savoir sur tous les aspects du Val-de-Travers pour constituer une base de données historiques fiables. »
Il construit son petit réseau
Cela fait 45 ans que le Vallonnier accumule des trouvailles écrites sur le Vallon. Au fil des ans, il a même constitué un petit réseau : « Le Cora de Fleurier et le bric-à-brac de Couvet me contactent dès qu’un livre refait surface. Cela me permet d’enrichir constamment ma collection. » Cette collection, Jimmy Montandon n’hésite pas à la partager sur le réseau social Facebook à travers les différents groupes dédiés au Val-de-Travers. En dix ans, il a ainsi publié plus de 800 contenus sur la Toile. De quoi lui tailler la réputation d’historien de Facebook.
Le joker encyclopédique Alain Stoller
Les Vallonniers le contactent régulièrement pour avoir réponse à telle ou telle histoire de la région. Certains lui déposent même des livres ou des cartes postales dans sa boîte aux lettres. S’il repousse fermement le grade d’historien, il n’en reste pas moins qu’il participe grandement à la circulation du savoir sur le Val-de-Travers. Et que fait-il s’il ne trouve pas la réponse à une question ? « Eh bien je contacte la vraie ‹ encyclopédie › du Vallon. Je veux parler d’Alain Stoller. Il sait tout sur tout sur notre histoire. » D’histoire en histoire et d’historien en historien, le Val-de-Travers témoigne de l’immensité de son patrimoine actuel et passé.
Kevin Vaucher