Énergies renouvelables
AeeNeuchâtel veut passer à la vitesse supérieure
Vendredi dernier, la section neuchâteloise de l’Aeesuisse, l’organisation de l’économie des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique, avait choisi l’usine hydroélectrique du Plan-de-l’Eau sur l’Areuse, pour se présenter à la presse. L’occasion de dresser les chantiers et les objectifs en matière de développement de ces énergies, et notamment pour la SEVT.
Une Areuse verte et moutonnante et le vieux bâtiment de la centrale hydroélectrique à l’arrêt du Plan-de-l’Eau : la section neuchâteloise d’Aeesuisse avait parfaitement choisi son cadre, vendredi dernier, pour s’afficher pour la première fois devant la presse et exprimer les défis du tournant énergétique vers les productions renouvelables. Créée à l’automne dernier, cette nouvelle section cantonale est composée de professionnels des énergies renouvelables, de plusieurs députés au Grand Conseil issus des rangs vert’libéraux, écologistes, socialistes et UDC et est présidée par Pascal Murith, directeur de la société électrique du Val-de-Travers (SEVT). Le but d’AeeNeuchâtel : « améliorer les conditions cadres pour les énergies renouvelables dans le canton », comme l’a résumé son président.
Membre du comité et députée Les Vert-e-s, Christine Ammann Tschopp a expliqué qu’Aeesuisse est une « super-faîtière » rassemblant 38 associations professionnelles et 35’000 entreprises actives dans la transition écologique et rappelé l’objectif de l’association : parvenir à respecter les accords de Paris sur le climat inscrits dans la stratégie 2050 de la Confédération. Son programme possède quatre axes : l’amélioration énergétique du parc immobilier, le développement d’une vision des infrastructures énergétiques et du marché de l’électricité en faveur du renouvelable et la formation des professionnels de la transition. « Cela ne peut pas se faire que sur le papier », a imagé Aël Kistler, député vert’libéral, en soulignant le besoin de main-d’œuvre dans le domaine et la nécessité d’une « interface » entre les entreprises du terrain et les politiques pour « appliquer la réalité » de la transition énergétique.
L’Areuse : potentiel non exploité
Pour AeeNeuchâtel, les solutions pour augmenter la production d’énergie renouvelable dans le canton existent (actuellement seuls 20% de la consommation cantonale est couverte par une énergie indigène et renouvelable), mais elles se heurtent à certains obstacles. Pour preuve, les centrales hydroélectriques du Furcil et du Plan-de-l’Eau sont à l’arrêt en raison de leur vétusté depuis respectivement 2019 et 2017. Une perte de production hydraulique depuis 2019 de 10.8 GWh/an, comme l’a relevé Pascal Murith. « En 2011, une étude pour un projet de renouvellement pour faire une seule centrale était lancée », a explique le directeur de la SEVT en soulignant que la production estimée de 15 GWh par année, constituerait 50% de la consommation du Val-de-Travers.
Toutefois, depuis, le projet a rencontré des contraintes administratives, qui peuvent paraître déconcertantes parfois, comme le fait que les bâtiments sont protégés, et ce malgré leur état de délabrement avancé. « Nous avons bon espoir de relancer la procédure encore cette année », estime Pascal Murith, en indiquant que si celle-ci devrait aboutir, la production ne pourrait reprendre avant 2027. « On ne peut tout de même pas attendre 2040 », note le président d’AeeNeuchâtel en relevant la nécessité urgente d’énergie régionale et verte. Et le projet de nouvelle centrale de la SEVT devrait être éligible à une subvention fédérale, puisque produisant plus que le minimum de 12 GWh par an requis.
Autre piste de production d’énergie renouvelable, le solaire, comme l’a montré Cyril Dubois, directeur d’e-solaire à La Chaux-de-Fonds. « C’est le meilleur moyen à court terme pour pallier les difficultés énergétiques », a expliqué celui qui est vice-président d’AeeNeuchâtel, en soulignant la très bonne rentabilité et l’amortissement rapide des installations. L’écueil principal tient à la formation des professionnels, la filière devra créer trois fois plus d’emplois à l’avenir pour répondre à la demande. « Un palier doit être franchi au niveau de l’apprentissage », a insisté Cyril Dubois. Pour ce faire, deux nouvelles formations dans le domaine vont être lancées.
Mix énergétique nécessaire
Le biogaz agricole était aussi mis en avant par AeeNeuchâtel, vendredi dernier. Directeur et fondateur d’Agri Bio Val SA à Fleurier, Simon Eschler a insisté sur la valorisation des déchets agricoles et des déchets verts de la commune de Val-de-Travers. L’entreprise produit de l’énergie thermique pour le CAD pour environ 120 appartements, de l’énergie électrique grâce à des panneaux solaires et plaquettes pour le CAD. Néanmoins, dans ce domaine aussi, Simon Eschler a déploré nombre d’oppositions, alors que « les matières sont là » et qu’il s’agit d’une production de proximité, alliant écologie, maîtrise des prix et stabilité de l’approvisionnement.
Enfin, le directeur du bureau d’ingénieur Gitech à La Côte-aux-Fées, Nathanaël Alber, a rappelé l’importance de l’efficacité énergétique des processus industriels et des bâtiments. « C’est le moyen le plus rapide et le moins onéreux pour réduire notre impact environnemental », a-t-il noté tout en constatant l’existence de plusieurs « freins administratifs ». Pour l’ingénieur en génie thermique, il faudra user de l’énergie, « là où il le faut, quand il le faut et pas plus qu’il n’en faut ». « C’est un processus ambitieux mais à traduire sur le terrain avec des ressources financières et humaines », a conclu Nathanaël Alber, avec optimisme. Un programme presque herculéen, mais qui, s’il est réalisé, pourrait être un succès. Pour Pascal Murith, à l’horizon 2040 ou 2050, le canton de Neuchâtel pourrait tendre vers l’autonomie énergétique. Ce avec « un mix de toutes les énergies renouvelables », a conclu le président d’AeeNeuchâtel. Le potentiel est présent, reste à le réaliser.
Gabriel Risold