Antenne 5G au Creux du Van
La résistance s’organise en vue d’une bataille judiciaire
Elodie Ruhaut a 35 ans. Elle a trois enfants. Elle habite à Champ-du-Moulin. À première vue, son « paysage quotidien » est relativement calme et serein. Mais voilà ! Depuis quelque temps, un gros point noir obscurcit le champ de vision de ce bonheur apparent. Les opérateurs Swisscom et Salt ont déposé, en avril 2023, une mise à l’enquête pour construire l’une des plus puissantes antenne 5G de Suisse dans la réserve naturelle du Creux du Van. Aussitôt l’annonce faite, le combat s’est déclenché avec une partie des citoyens qui rejette catégoriquement ce projet. Le Courrier fait le point de la situation.
Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette antenne de 25 mètres de haut ne passe pas inaperçue avant même qu’elle ne soit possiblement construite. À la suite de l’annonce de la mise à l’enquête de sa construction, prévue sur la commune de Rochefort (au lieu-dit Pré Punel), plus de 2200 signatures avaient été récoltées pour s’opposer à ce projet d’antenne de téléphonie 5G. Pas moins de treize cantons étaient représentés. Est-ce que cette mobilisation a porté ses fruits ?
Permis de construire à venir ?
« Je répondrais oui et non. Cela a fait pas mal de bruit, ce qui a permis de sensibiliser loin à la ronde. Le permis de construire n’a pour l’heure pas été octroyé mais nous savons que ce sera quasiment impossible qu’il ne le soit pas », déplore Elodie Ruhaut. En face, les opérateurs Swisscom et Salt entendent bien mener le projet à son terme. « Une commune du canton de Vaud a tenté de faire refuser le permis de construire mais les opérateurs ont immédiatement répliqué en portant plainte contre elle. » On le remarque aisément, le climat est électrique entre les deux camps. « Cela fait plusieurs mois que nous essayons de savoir si le permis de construite va être accordé car il faudra aller vite pour répliquer à notre tour. »
Lourds frais judiciaires en vue
Les opposants auront alors 30 jours pour faire recours contre cette décision. Bref, la bataille juridique semble sur le point de s’intensifier. Un groupement de citoyens s’est associé à l’association Stop 5G pour fourbir leurs armes avant cette confrontation face aux géants de la téléphonie Swisscom et Salt. « Nous savons que nous aurons besoin de moyens financiers importants pour aller au bout de la bataille. Un recours engendre des frais considérables en termes d’avocat, d’expertise et de procédures judiciaires. Nous aurons besoin de 15’000 francs pour entamer les démarches auprès du Tribunal cantonal et de 30’000 francs supplémentaires pour aller jusqu’au Tribunal fédéral », prévoit Elodie Ruhaut.
Cagnotte de soutien
Une cagnotte en ligne a ainsi été lancée sur le site « Wemakeit » en vue de ces dépenses à venir. « Nous sentons un fort soutien de la population derrière nous et il nous motive énormément à continuer. Nous, habitants de Champ-du-Moulin, Fretereules, Brot-Dessous, Rochefort et environs, avons besoin de vous pour lutter contre ce projet démesuré. » Au 25 juin, une cinquantaine de contributeurs avaient déjà fait monter la cagnotte à plus de 4300 francs sur un objectif de 12’000 francs. « Je pense que nous devrions tous nous sentir concernés par les impacts de la 5G sur la faune, la biodiversité et sur les humains. Des études de l’Université de Neuchâtel ont mis en évidence l’impact des ondes sur les insectes. Les abeilles en perdent leur capacité de géolocalisation par exemple. »
Quel impact sur la santé ?
Quant à lui, l’impact sur l’homme donne lieu à beaucoup de discussions. « Sans consensus, je pense que le principe de précaution doit s’appliquer. Tant que nous ne sommes pas sûrs qu’il n’y a aucun effet négatif sur notre santé, nous devons refuser de telles installations. Lorsque je vivais à Fleurier avec mon mari, nous habitions en face d’une antenne 5G et nous avions constamment mal à la tête. Or, les maux de tête ont disparu depuis que nous nous en sommes éloignés. Je pense qu’il y a clairement un lien avec les ondes de la 5G. » Le groupement de citoyens pointe aussi le choix de l’emplacement : « Une antenne d’une telle puissance n’a rien à faire dans une réserve naturelle. On ne vient pas au Creux du Van pour télécharger un film et être ultra-connectés. On y vient pour profiter de la beauté de la nature et de son calme. » Un sanctuaire naturel en danger ou non ? Nous posons la question…
Kevin Vaucher