Économie locale
Après huit ans et désormais «millionnaire», le Val’ a réussi
Avec sa dernière vente promotionnelle du mois de décembre, l’association de commerçants Val’Action a dépassé le million en francs de Val’ émis. Retour sur la création et les huit années d’existence de cette monnaie locale qui, a posteriori, constitue une petite réussite.
La semaine dernière, les membres de l’association de Val’Action annonçaient un succès pour la vente en promotion de billets de 20 Val’ en décembre dernier, permettant de dépasser le million en francs émis (lire article ci-dessous). Un montant et une réussite pour la monnaie locale du Val-de-Travers jamais espérés par leurs initiateurs à son lancement en janvier 2017.
Fabien Currit, président de Val’Action
Rembobinons quelque peu l’histoire. À l’automne 2016, l’association vallonnière de commerçants reçoit des demandes de la part de deux entreprises du Val-de-Travers pour regarder à la mise en place « d’un papier-valeur » valable dans les commerces régionaux.
À l’époque, Fabien Currit et plusieurs commerçants viennent de suivre les ateliers participatifs organisés par la commune qui mettaient en avant l’importance du commerce local et sa valorisation. « En plus, j’avais vu le film ‹ Demain ›, qui parlait des monnaies locales », ajoute le président de l’association, soulignant avoir retenu le chiffre de fois quatre pour des dépenses dans une région grâce à cet outil monétaire. « Nous avions toutes les compétences à disposition, alors on s’est dit let’s go, on lance un truc ! », poursuit-il. En six semaines sont conçus et imprimés 1010 coupures de Val’, valant 20 francs chacune, soit une valeur de 20’200 francs émis, et acceptés dans la plupart des commerces du Vallon, soit environ 160 enseignes.
Le Covid en « tremplin »
Ce lancement, soutenu par la
Commune de Val-de-Travers qui finance la première impression des Val’, n’a pas provoqué de réaction particulière dans la population vallonnière, selon les souvenirs de Fabien Currit. Entre la curiosité et l’indifférence comme pour toutes les nouveautés. « Dans ces années-là, il y avait aussi un effet de mode pour ce genre de monnaie locale », se remémore-t-il. En effet, en 2017, se créait en Valais, le Farinet, dans l’arc lémanique, le Léman avait vu le jour en 2015 et en 2018 le Nord vaudois voyait naître l’Épi comme moyen de paiement. « Les Val’ avaient souvent fonction de cadeau », relate Jean-Pierre Cattin, administrateur de la monnaie au sein de Val’Action. « Dès le départ, le problème fut de rendre cette monnaie sexy ! », renchérit Fabien Currit.
Alors que l’objet monétaire vit un peu en catimini depuis sa création, la pandémie mondiale du Covid va paradoxalement permettre aux planètes de s’aligner. « Ce fut un vrai tremplin », résume Fabien Currit. Acte précurseur, l’action d’un club de Crossfit régional qui récolte près de 30’000 francs pour l’association. « Après réflexion, au lieu de redonner quelques maigres sommes aux commerces locaux, nous avons choisi d’utiliser ce don pour financer un rabais de 20% sur une vente de Val’ », détaille le président de Val’Action. Cela marqua un « gros décollage » au printemps 2020, avec une nouvelle impression de billets, après celle d’origine. Quatre autres séries suivront jusqu’à aujourd’hui.
Entreprises qui jouent le jeu
Un deuxième effet du Covid fut également la difficulté, voire l’impossibilité, des entreprises d’organiser des repas de fin d’année. Celles-ci se sont tournées vers les Val’ pour remercier leurs collaborateurs. « En 2021, nous avons eu plus de 273’000 francs de ventes, dont 170’000 juste pour une entreprise », détaille Jean-Pierre Cattin. Faits qui se sont poursuivis en grande partie après la pandémie. Ainsi, les sociétés industrielles présentes au Vallon jouent le jeu du commerce de proximité et de la monnaie locale et sont incitées par la Commune de le faire, comme le souligne l’administrateur. « Le Val’ est un bon moyen pour soutenir l’économie locale », estime-t-il.
Caissière de l’association, Mélanie Renaud voit un autre facteur « Covid » en faveur de la monnaie vallonnière : cette dernière étant perçue comme moins « sale » que le cash alors qu’on nous intimait de payer par carte. « Et il y a zéro charge ou frais pour le commerçant sur un billet de 20 Val’ », précise-t-elle, en évoquant les commissions non négligeables sur les paiements cashless. Depuis 2020, l’association a régulièrement reproduit sa vente promotionnelle grâce à de nombreux donateurs qui financent les « rabais » à l’achat du Val’. Ce qui a permis l’impression de 51’418 billets de 20 Val’ depuis sa création.
Pas pleinement dans les mœurs ?
Après huit ans, et alors que des monnaies locales ont été retirées, comme le Farinet, le Val’ est toujours bien vivant. « C’est aussi le reflet qu’au Vallon, on se tient les coudes », note Mélanie Renaud. Fabien Currit, qui a pu échanger avec certains créateurs du Farinet, ajoute que probablement le bassin de population du Val-de-Travers lié au nombre de commerces était favorable à l’implantation de cette monnaie, plus qu’en Valais. Toutefois, nos trois interlocuteurs notent que le Val’ n’est peut-être pas encore pleinement entré dans les mœurs de chaque consommateur.
« Il y a toujours une partie qui n’est pas au courant de son existence, ni de la manière de l’utiliser », relève Mélanie Renaud. « Et une autre qui sait que l’on peut payer presque partout avec les Val’ et est à l’aise avec », complète Fabien Currit. Néanmoins, la monnaie circule et selon l’estimation du président de Val’Action, en matière de flux d’argent, le cap du million de francs était déjà franchi avant la vente de décembre. En avril 2019, Fabien Currit déclarait à nos confrères d’ArcInfo qu’il faudrait quelques années pour voir si l’idée du Val’ « en valait la peine ». « Aujourd’hui, on peut considérer que oui », sourit-il. « En quelque sorte, nous avons réussi à museler plus d’un million de francs, ici, au Vallon ! ».
Un alignement de planètes, disions-nous.
Gabriel Risold
Opération de Noël : succès sur toute la ligne !
Cent mille Val’ vendus en l’espace de 15 jours ! C’est le gros coup de force réalisé par Val’Action en fin d’année 2024. « Cette vente de Val’, avec un rabais exceptionnel de 20%, est devenue notre grosse opération annuelle. Elle a l’avantage de ne faire que des gagnants », expose Fabien Aimonetti. « Les commerces locaux d’abord. Puisqu’en échange de 80 francs, les acheteurs recevaient 100 Val’ à utiliser uniquement au Vallon. Les familles ensuite ! En offrant de l’argent moins cher, on soutient le pouvoir d’achat de la population durant les fêtes. Une période pas forcément facile à gérer pour les familles à revenus modestes ».
Surfer sur la dynamique
Depuis 2017, le comité Val’Action a vendu l’équivalant de plus d’un million de Val’. « C’est énorme et cela nous conforte dans notre action. Nous aimerions surfer sur ce succès en proposant de nouvelles idées dans le futur. » Fabien Aimonetti pense aussi pouvoir profiter de la récente décision concernant les achats réalisés de l’autre côté de la frontière : « La valeur journalière des marchandises exemptées de TVA, traversant la frontière, est passée de 300 francs à 150 francs. C’est potentiellement une bonne nouvelle pour nos commerces. » Le tourisme d’achat pourrait s’en retrouver freiné.
Un billet de 5 ou de 10 Val’ ?
La semaine dernière, les membres du comité n’avaient donc que des raisons de sourire au moment de tirer le bilan de cette opération. « Il y a aussi eu de l’émotion avec la présence de Benjamin Locatelli. C’est lui qui est à l’origine du design du billet de 20 Val’ qui est aujourd’hui entré dans les mœurs vallonnières. On s’est remémoré ensemble le chemin parcouru et c’était un moment très fort. » Pour l’autre petite histoire, savez-vous qu’il avait été question de réaliser un billet de 5 ou de 10 Val, il y a quelque temps ? « Cela n’avait finalement pas vu le jour pour ne pas embrouiller l’esprit des gens. Instaurer une monnaie locale sur un territoire est déjà un défi assez grand comme ça ».
Kevin Vaucher
Le comité de Val’Action remercie ses généreux donateurs qui lui ont permis de proposer cette action de 100’000 Val’ assortie d’un rabais de -20% :
Commune de Val-de-Travers Couvet, Waeber HMS SA Fleurier, Mobilière Suisse Assurance La Chaux-de-Fonds, L’Auberge de Noiraigue Noiraigue, SEVT Couvet, Kiosque de Couvet Couvet, Administration communale Les Verrières, Au Tour du Bois Sàrl La Côte-aux-Fées, Crêperie Bach & Buck Fleurier, Fromagerie Duo-Vallon Les Bayards, Goût & Région SA Couvet, Naser-Ackermann SA Couvet, Discount ABC Travers, A.F. Agritech Sàrl Travers, Administration communale La Côte-aux-Fées, AMS garage agricole Sàrl Môtiers, Bezençon Boissons Sàrl Fleurier, Boucherie « Au Gourmet » Fleurier, Boucherie Alves Fleurier, Ferme Robert Sàrl Noiraigue, Gérance Michel Fleurier, Matthey Pierre-André Fleurier, Outilplus quincaillerie Sàrl Couvet, Prodemo SA Fleurier, Roland Keller Les Bayards, Viv’ Sàrl Travers, OFAC Genève, Restaurant Pizzeria Chez Alice Fleurier.
Amélie Aeschbacher a gardé les bons réflexes lorsqu’il s’agit de poser.
