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Arrête ton char !
Alors que beaucoup s’embourbent l’esprit de pensées négatives sur le futur, d’autres s’engagent pour soigner le passé. C’est notamment le cas de Charles Michel de Boveresse. Il préside l’association Profortins qui restaure et protège le patrimoine militaire du Val-de-Travers laissé à l’abandon depuis tant d’années. à l’époque de 1939-1945, ce type d’ouvrage devait freiner une éventuelle attaque d’un pays étranger et une possible déferlante de chars ennemis notamment.
En préambule, il faut déjà savoir pourquoi le Val-de-Travers a été autant fortifié aux environs de la Seconde Guerre mondiale. Il s’agissait d’un axe hautement stratégique tant pour l’Allemagne d’Hitler que pour la France et ses alliés qui envisageaient de prendre à revers leur ennemi en traversant notre territoire.
De nombreux plans d’invasion avaient été établis par ces pays, particulièrement en 1940. La Suisse se devait de défendre son sol,
détaille Charles Michel. Dans cette optique, les gardes-frontière ont été épaulés par des compagnies de volontaires dès 1936. La frontière neuchâteloise était couverte par la Brigade Frontière 2.
Survient alors la mobilisation générale le 1er septembre 1939. 450’000 soldats sont déployés en l’espace d’un jour. Des barrages sont formés sur les routes, les ponts et les tunnels sont minés et les quelques fortins déjà construits sont occupés.
Mais où sont cachés ces fortins ?
L’utilité de ces fortins était de freiner l’avancée ennemie durant 24 à 48 heures.
Pour tenir plus longtemps, il y avait pratiquement toujours deux fortins sur une même position, l’un protégeant l’autre et inversement.
Était-ce une tactique efficace ? Nous ne le saurons jamais, puisqu’aucune nation n’a osé violer la neutralité helvétique armée. En tout cas, cette stratégie « du doublon » a permis de retrouver un peu plus facilement certaines constructions une fois la menace de la Deuxième Guerre mondiale et de la guerre froide derrière nous.
Avant de pouvoir rénover un fortin, il faut déjà le trouver car l’armée n’a jamais voulu révéler les endroits où ils avaient été bâtis. Pire, certains ont été ensablés et les portes soudées afin de les rendre inutilisables. Des passionnés dévoués ont passé et passent encore des jours entiers à écumer le territoire dans le but de les dénicher. Notre association a été créée en 2001 pour la sauvegarde de ce patrimoine. Nous le devons bien à nos aînés. C’est un devoir de mémoire
,précise celui qui est à la tête de Profortins depuis 2011. La quarantaine de membres consacrent annuellement plus de 3600 heures pour l’entretien des quinze fortins dont ils s’occupent (treize au Val-de-Travers et deux à Valangin).
800 jours de mobilisation au Vallon
L’homme de bientôt 75 ans n’a pas fait carrière dans l’armée mais il a honoré son obligation de service militaire jusqu’au bout.
J’aurais pu grader mais si je le faisais, mon employeur me licenciait. Je suis donc resté dans la mécanique pendant trente ans avant de basculer dans la sécurité jusqu’à ma retraite. J’ai notamment été commandant des pompiers à Boveresse. Mon papa, lui, a été mobilisé durant 800 jours dans les fortins du Val-de-Travers.
Le voilà le lien de départ avec cette passion ! Pour honorer la mémoire de ceux qui ont servi, la transmission est une part importante de la mission de Profortins.
Au fil du temps, nous avons recueilli près de mille livres et documents et nous avons ouvert un musée-mémorial en l’honneur de la Brigade Frontière 2 à Valangin. Nous organisons des visites comme nous le faisons aussi avec les fortins. Nous avons eu plus de 500 visiteurs en 2019, c’est vingt pour cent de plus que l’année précédente. Cela tend à montrer qu’on ne fait pas tout ça pour rien.
Chaque année, des journées « passeport-vacances » sont organisées pour les jeunes et les étudiants de l’Université de Neuchâtel sont également conviés à une journée découverte depuis 2016. Ils sont une septantaine à répondre présent tous les ans.
À suivre
Kevin Vaucher