AVIVO
Anne-Catherine Lyon : « Les retraités n’arrivent pas forcément en gambadant à la retraite »
Mercredi 28 août dernier, se sont réunis, à Couvet, les comités suisse et des sections régionales d’AVIVO. Les coprésidentes du comité national, Anne-Catherine Lyon et Béatrice Métraux, ont accordé un entretien au Courrier du Val-de-Travers hebdo.
La semaine dernière, le comité suisse et les comités régionaux d’AVIVO, association de défense et de détente des retraitées et retraités, se retrouvaient à Couvet, pour un séminaire de réflexion. Hasard du calendrier, quelques jours plus tôt, l’Office fédéral de la statistique (OFS) publiait son rapport sur la vieillesse et le vieillissement dans la société contemporaine dans le cadre de son étude « Panorama de la société suisse 2024 ». Le Courrier du Val-de-Travers a pu échanger à ce sujet avec les coprésidentes d’AVIVO Suisse, Anne-Catherine Lyon et Béatrice Métraux.
Le rapport de l’OFS décrit qu’une grande majorité des retraités sont actifs plus longtemps et ont le sentiment d’être « vieux » plus tardivement. Ces premières conclusions sont-elles une surprise ?
Anne-Catherine Lyon (A-C. L.) : elles ne sont pas une surprise car on les ressent par les membres de l’AVIVO ou par les personnes qui veulent adhérer à l’association, qui le feront sûrement plus tard qu’à l’âge de 64-65 ans. Ceci dit la population générale vit, bien sûr, plus longtemps et en meilleure santé. Mais, il ne faut pas oublier qu’une association, telle que la nôtre, défend les retraités et aussi les gens aux conditions modestes. Ils ne vivent pas forcément la même vie présentée dans ce rapport.
Béatrice Métraux (B. M.) : il fait un décalage. Les progrès de la médecine, de la prise en charge des maladies, font que l’on a une population retraitée plus en forme.
Justement, ce rapport démontre aussi qu’une part importante des retraités vit dans la précarité ?
A-C. L. : des gens qui ont commencé à travailler à 14 ou 15 ans arrivent fatigués à l’âge ordinaire de la retraite. Il y a cet élément entre la population générale, en bonne forme, et la vendeuse qui a travaillé toute sa vie debout dans un magasin, un ouvrier du bâtiment ou des personnes qui ont eu des activités stressantes et mal rémunérées. Elles n’arrivent pas forcément en gambadant à la retraite. Cet élément est à ajouter à la perception des seniors. Dans les sections Vaud ou Genève d’AVIVO, nos services sociaux viennent à l’appui de nos membres et de la population et nous voyons des personnes en grande difficulté. Cela est à ajouter à ce rapport pour l’affiner.
B. M : toujours l’affiner, celui-ci dit et je cite le communiqué de presse : « Des inégalités se manifestent en matière de situation financière, de santé et de participation à la vie sociale ». Cette lutte contre l’inégalité, les situations financières difficiles et le manque de participation, fonde l’engagement et les prises de positions d’AVIVO. Les retraités sont peut-être en meilleure forme, mais, selon les chiffres lors des débats sur la 13e rente AVS, il y a tout de même 230’000 retraités en Suisse vivant sous le seuil de pauvreté. Il faut voir ce que ce rapport dit en entier. Pour nous, il est important de prendre en charge ces précarisés. Toute la population senior n’a pas une retraite aisée.
La classe politique a-t-elle conscience de cette réalité des seniors ?
A-C. L. : les partis rose-rouge-vert ont sans doute une attention à ce sujet. Les autres partis observent peut-être plus le côté soleil du rapport, mais tout n’est pas blanc ou noir. Ce qui me frappe, que l’on soit de gauche ou de droite, c’est que le monde politique n’a pas conscience de ce que représente, en termes de nombre, la force des personnes retraitées, qui restent citoyennes et citoyens jusqu’au bout de leur vie. AVIVO veut raviver le fait que si on est citoyen un jour, on l’est pour toujours. À l’horizon 2030, soit demain, 25 à 27% de la population suisse sera à l’âge AVS et plus.
B. M. : on a l’impression qu’une partie du parlement, notamment à droite, ne se préoccupe que peu des retraités, or nous sommes une force politique. On s’est mobilisé pour la 13e rente comme jamais, on se mobilise contre la réforme LPP, parce que même si une partie de nos membres sont déjà à la retraite, cela concerne les jeunes et futurs retraités. On a le sentiment que le parlement traite les questions des seniors sans en connaître vraiment la substantifique mœlle.
Le rapport met en exergue que les aînés ont une forte implication bénévole, au sein d’associations ou auprès des proches, de la famille. Pallient-ils un manque de services publics ?
B. M. : totalement !
A-C. L. : une jolie phrase dit que la plus grande crèche et garderie de Suisse se sont les grands-parents. Selon les chiffres de l’OFS, les grands-parents offrent 160 millions d’heures de garde par année. Si elles étaient rémunérées cela serait 8 milliards de francs chaque année et cela ne concerne que la garde des enfants. Ensuite, il y a la thématique, et nous commençons à y travailler, des proches-aidants. Selon les chiffres de cette année, 600’000 personnes en Suisse, dès l’âge de 9 ans, sont proches-aidantes. Ces heures ne sont pas comptées dans les 8 milliards déjà cités. Certes, des grands-parents aiment avoir leurs petits-enfants, mais quand ceci devient systémique, cela pallie le manque d’infrastructures. Il faut que le monde politique se saisisse du sujet. Ce qu’on observe, c’est que, régulièrement, la droite du parlement fédéral veut couper dans les quelques millions prévus à l’appui des cantons pour créer ces structures, alors que le monde économique, lui, veut des crèches et garderies. C’est un mauvais calcul.
B. M. : dans nos associations, on a énormément de bénévoles. À AVIVO Vaud, on a près de 200 bénévoles sans qui on ne peut pas fonctionner. Si nous n’avions pas ce type d’organisation structurée avec des statuts, des objectifs, des sections cantonales où l’on fait part des difficultés rencontrées, où l’on imagine des solutions, pour l’impôt, le social, la mobilité, qui le ferait ?
A-C. L. : et aussi dans les dimensions de détente, de convivialité et de lien social.
Propos recueillis par Gabriel Risold
Mercredi dernier, AVIVO avait convié Sarah Fuchs-Rota, conseillère communale de Val-de-Travers en charge notamment de la cohésion sociale et de la santé, au repas de midi. Le Courrier du Val-de-Travers hebdo en a profité pour l’interroger sur le champ d’action communal auprès des retraités.
À l’échelle communale, quelles sont les actions qui peuvent être menées en faveur des aînés?
Sarah Fuchs-Rota: Notre marge de manœuvre communale n’est pas énorme, mais nous avons tout de même quelques lignes budgétaires et plusieurs prestations pour les retraités au sein de la commune. Nous avons la course des aînés de la région ou encore une soirée pour les nouveaux retraités pour leur présenter toutes les prestations auxquelles ils peuvent faire valoir et les possibilités d’engagements bénévoles. Également, nous organisons, une à deux fois par année, une plateforme de réseautage, avec toutes les entités concernées, comme le CORA ou AVIVO, pour les 65 et plus, afin de les mettre en lien. Surtout, il y a notre site internet, VDTSeniors, où toutes les manifestations et activités sont indiquées et agendées. D’ailleurs, c’est un outil que l’on souhaite développer plus avant à l’avenir. GR