Bartim’Habits
Dans l’intimité du «vestiaire»
Bartim’Habits, ce nom fait penser à une petite échoppe coincée dans un souk lointain. Et pourtant, ce n’est ni un souk ni lointain. Bartim’Habits est logé à l’étage de l’ancienne église de la rue Saint-Gervais 8, à Couvet. Le Foyer l’étoile de Sœur Odette et Bartim’Habits sont colocataires. B’H occupe la majorité de l’espace supérieur. Il s’agit d’un vestiaire solidaire où des habits de seconde main profitent aussi bien aux défavorisés qu’à ceux qui souhaitent limiter l’impact environnemental lié à la surconsommation. Le Courrier a poussé la porte du vestiaire le plus passant du Vallon.
Lorsque je pousse la porte du vestiaire, je tombe immédiatement sur une ébullition inhabituelle dans pareil lieu. Il faut dire que ce n’est pas un vestiaire au sens premier du terme. Ici, on ne vient pas pour poser ses habits mais pour repartir avec de nouveaux vêtements. « C’est de la seconde main mais il y a du choix. Ici, nous avons une salle de tri où les vêtements qui nous sont apportés sont triés par Marie-Claude. » Ma « guide » Valérie Andrié-Bigler est soudain interrompue. Un couple d’Ukrainien lui demande s’il peut repartir avec une table. Je m’interroge : aurais-je finalement atterri dans un bazar ?
Une ancienne salle de culte
Pas du tout, il y a bien un peu de vaisselle, quelques jeux et des piles de bouquins mais l’essentiel de l’espace est occupé par des habits, soigneusement rangés sur des porteurs. Une fois que Valérie Andrié-Bigler a précisé au couple que la table était utilisée pour présenter des habits, on continue la visite. « L’espace est divisé en plusieurs salles. Ici, c’est la plus grande de toutes. C’est une ancienne salle de culte. C’est la fondation La Prévoyante qui nous met gracieusement à disposition ses locaux. » Chaque recoin est maximisé pour pouvoir proposer un maximum d’articles. Un galetas permet de ranger les affaires d’hiver en été et inversement. « C’est pas triste quand on doit changer de saison », rigole-t-elle.
Ouvert en 2016 en raison du conflit syrien
Une douzaine de bénévoles se chargent de la gestion de ce vestiaire ouvert en février 2016. « C’était pour venir en aide aux réfugiés syriens qui fuyaient leur pays en proie à des conflits. Puis, quand le centre covasson de requérants a fermé en 2018, on a ouvert le vestiaire à toute la population. » Les réfugiés ont accès gratuitement aux chaussures et aux vêtements. Des cartes individuelles (7 francs pour 5 passages, 10 articles maximum par passage) et familles (10 francs pour 5 passages, 20 articles max) sont proposées au reste de la population. Quatre à cinq personnes sont présentes en même temps que nous. Le vestiaire est censé avoir fermé ses portes il y a 35 minutes mais peu importe, la battante est toujours ouverte quand il y a quelqu’un pour l’ouvrir.
Jusqu’à 60 visiteurs en même temps
Le mardi matin est réservé aux réfugiés ukrainiens et le vendredi après-midi (15 h – 17 h) est ouvert à tous. « C’est pour limiter le nombre de personnes présentes en même temps. On a eu jusqu’à 60 visiteurs à la fois. Ça fait beaucoup ! » Effectivement, tout est très bien rangé (par taille, style de vêtements, âge,…) mais l’espace se fait rare. Des panneaux écrits en français et en ukrainien permettent d’orienter plus efficacement les visiteurs. Finalement, le plus compliqué est presque de comprendre le nom de l’association. Pourquoi Bartim’Habits ? « Parce que le bâtiment a abrité un établissement qui s’appelait le Bar Timé à l’époque. On a joué là-dessus pour nommer notre association. »
« Salut l’étranger »
Bartim’Habits s’est fait un nom en à peine six ans. Elle vient de recevoir le Prix interculturel neuchâtelois « Salut l’étranger » (5000 francs). Ce prix a été inauguré en 1995 par le Conseil d’État et il récompense, chaque année, ceux qui œuvrent en faveur du dialogue interculturel et de la cohésion sociale. Toute cette semaine, B’H ouvre sa porte tous les soirs entre 17 h et 19 h. « C’est une ouverture exceptionnelle car nous accueillons l’équipe de la RTS Cœur à Cœur (radio et tv) ce vendredi 23 décembre. Nous lui ferons don de l’argent que nous aurons récolté durant la semaine. Nous invitons donc tout le monde à passer. » Si des bénévoles souhaitent entrer dans l’intimité du vestiaire, ils sont les bienvenus aussi.
Kevin Vaucher