Biographie
Le passionnant récit de vie « ordinaire » de Jean-Pierre Jelmini
Sous la forme d’un livre d’entretiens avec l’écrivain Julien Knoepfler, l’historien neuchâtelois et natif du Val-de-Travers, Jean-Pierre Jelmini, revient sur son parcours de vie. Un passionnant témoignage d’une grande sincérité d’un homme se considérant comme « ordinaire ». Les deux coauteurs dédicaceront leur ouvrage dimanche prochain à Couvet.
De l’historien Jean-Pierre Jelmini, le public connaît l’inlassable défenseur et vulgarisateur de l’histoire et du patrimoine régional, l’ardent passeur du passé local et cantonal qui fut conservateur du Musée d’art et d’histoire de Neuchâtel (MAHN) pendant vingt-huit ans, mais qui sait que jusqu’à ses dix-huit ans, le Traversin se destinait à la prêtrise, vocation mise à mal par la lecture de La peste de Camus ? C’est l’un des très nombreux éléments que l’on découvre à la lecture d’Éloge de la verticalité : carnets de route d’un sédentaire, le dernier ouvrage de Jean-Pierre Jelmini, coécrit avec Julien Knoepfler. Une autobiographie, sous la forme d’un livre d’entretiens, au cours de laquelle nous entreprenons avec l’historien « une passionnante relecture » de lui-même.
L’homme de lettres reconnaît un intérêt de toujours pour l’étude des récits de vie et est d’ailleurs à l’origine de la création des Archives de la vie ordinaire en 2002. « J’avais le devoir moral de laisser un témoignage d’un homme ordinaire à cheval sur deux siècles », explique Jean-Pierre Jelmini. Ordinaire, l’intéressé tient au terme, même si ce récit est souvent tout sauf ordinaire et le parcours de vie non linéaire qui va d’une enfance simple au Val-de-Travers dans les années quarante au sein d’une famille ouvrière aux origines italiennes, aux dernières contributions à l’histoire neuchâteloise, en passant par le petit séminaire, l’enseignement, les actions au MAHN « pour sortir un musée de sa léthargie » ou des contributions comme chroniqueur gastronomique.
Un « regard sage sur le passé »
L’idée de l’ouvrage germe en 2018, lorsque l’écrivain Julien Knoepfler contacte Jean-Pierre Jelmini pour lui consacrer une biographie. Après quelques discussions, le biographe et l’historien s’accordent sur cette forme de livre, plus proche du témoignage, mais l’AVC de ce dernier, en 2019 met en pause le projet. « D’une certaine manière, l’accident nous a poussés aussi à accélérer », relate Julien Knoepfler. « Il était temps de réaliser ce livre », confirme Jean-Pierre Jelmini.
Au final, cet ouvrage s’avère subtilement rythmé, les entretiens à deux voix offrant parfois le ton de la confidence. « Cela s’est fait dans l’échange, j’ai uniquement invité quelques fois Jean-Pierre à s’exprimer sur certains sujets », précise le biographe, dont la plume ne fait que guider l’historien au gré des souvenirs.
Malgré toute sa pudeur, Jean-Pierre Jelmini offre d’émouvantes réflexions emplies de sagesse, et parfois de poésie, sur sa famille, sa conception du monde au fil des années, la naissance de sa vocation d’historien ou sa vie affective, comme lorsqu’après huit années passées en tant que petit séminariste, le Traversin « découvre » les codes de la vie estudiantine du début des années 60. « J’étais une météorite tombée dans une classe de gymnase », estime l’historien, pour qui la « substantifique moelle » du livre est un « regard sage sur le passé ». Regards également d’un « pauvre localier vissé à sa terre », qui a fait son devoir de mettre ses talents à disposition de la société, sur des temps révolus, un monde en constante évolution et une riche existence. Magistral.
Gabriel Risold
Séance de dédicace, 8 décembre Kiosque de Couvet de 10 h à 12 h.