Sur les traces des trésors cachés du Val−de−Travers
Type de mission: pister les déchets du Vallon pour identifier le circuit d’élimination
Distance estimée jusqu’à l’objectif: donnée inconnue
Lieu et date: Couvet, tout au long du mois de mai 2023
Observations du terrain: prévoir du temps pour localiser chaque ramification du réseau. Utiliser des puces GPS pour les «filatures»
Pourquoi autant d’entreprises se donnent la peine de s’investir dans l’élimination et la valorisation des déchets ? Qu’est-ce qu’elles y gagnent ? C’est l’interrogation de départ de cette nouvelle mission. Parler du circuit des déchets du Val-de-Travers, c’est aussi parler de réalités peu connues des habitants et de métiers peu valorisés dans la société. Cette mission a donc une double utilité. Et vous le verrez, cet univers est loin d’être quelque chose de « sale » ! Peu de gens le savent mais les déchets ont une valeur inestimable. C’est donc un secteur très prisé !
Un molok = 20’000 francs
Il y a 182 moloks sur le sol de la commune de Val-de-Travers. Trois personnes s’occupent de les vider 2 à 3 fois par semaine. Une tournée couvre environ 52 kilomètres. Grâce à un logiciel interne, les employés connaissent en temps réel le taux de remplissage de chaque molok. C’est sur ce même logiciel que les alarmes retentissent en cas de panne (par exemple si la porte de l’un d’eux est bloquée). Depuis l’installation de ce système, en 2010, les hommes de terrain de la commune ont permis de réduire considérablement le nombre de pannes constatées (2 à 3 par semaine). Le coût d’un molok est de 20’000 francs. Voilà les premiers éléments que je parviens à rassembler sur le sujet. Maintenant, taillons dans le vif !
Première ramification : Vadec
Grâce à la complicité de l’employé de voirie Blaise Coulot et de celle du chauffeur de camion-poubelle Noam Borel, je vais pouvoir pister le trajet d’un sac d’ordures ménagères depuis son introduction dans le molok jusqu’à son élimination. Une fois le sac à l’intérieur du molok, Noam se charge de le transférer dans sa « benne à ordures roulante ». Un molok de sacs-poubelles plein représente 250 kilos de déchets. Ceux-ci s’accumulent dans la benne grâce à un fond amovible qui recule au fur et à mesure de la tournée. Lorsqu’il touche le fond (c’est-à-dire la cabine du chauffeur), c’est plein ! Sa capacité maximale est d’environ 14 tonnes. Qu’advient-il exactement de ces déchets ? Je trouve la réponse à cette question en pistant le camion-poubelle jusqu’à son point d’arrivée. C’est sur le site de « Vadec Colombier » que le mastodonte a filé. Il y vient trois fois par semaine avec 12 à 14 tonnes de déchets vallonniers (qui englobent le contenu des 230 corbeilles urbaines). Une cellule de pesée est intégrée à la grue de levage du camion-poubelle afin d’envoyer en temps réel le poids des déchets récoltés. Ces données sont envoyées au service communal des déchets.
Blaise Coulot glisse un sac dans un molok à Couvet. à moi de le pister désormais. En 2022, ce sont 2000 tonnes de déchets incinérables qui ont été déposés sur les communes de Val-de-Travers, La Côte-aux-Fées, Les Verrières et La Brévine.
Noam Borel embarque les ordures du Vallon
Direction Vadec Colombier où le sac termine dans « la fosse »
Pour le papier et le carton, Cédric est au poste de contrôle qualité
Et les recyclables ?
Les déchets recyclables ne suivent pas la même filière que les sacs-poubelles du Vallon. Eux, ils sont envoyés vers la déchetterie de Saint-Sulpice. Ils sont ensuite redirigés vers une multitude de filières de transformation. Le sort final des cartons se fait à Vadec Colombier. Le Pet s’en va au Mont-sur-Lausanne (PetRecycling) tout comme l’alu et le fer blanc (Trb Bader). Le verre est quant à lui redirigé vers Vétrorecycling à Saint-Prex. Finalement, le papier trouve sa voie du côté de Moudon (Papirec).
Je m’infiltre dans «la fosse»
C’est dans « la fosse » de Vadec Colombier que je retrouve la trace du sac-poubelle déposé dans le molok de Couvet. C’est là, dans ce trou de 18 mètres de haut, et d’une capacité de 850 tonnes, que les ordures ménagères vallonnières terminent leur vie. Enfin presque. à partir de là, c’est depuis un poste en hauteur que Michel vient déposer son grappin sur les déchets pour les glisser dans l’un des deux fours du site de Colombier. 190 tonnes sont brûlées chaque jour. Un portique de sécurité est installé à l’entrée afin de vérifier qu’aucun déchet radioactif n’entre dans Vadec et ne termine en fumée. Les fours tournent 24 heures sur 24 et sept jours sur sept. Comme il n’y a pas de déchargements d’ordures le week-end, la fosse est chargée à son maximum le vendredi afin de tenir jusqu’au lundi. Ce qui explique en partie sa taille énorme. Mission validée avec succès ! Je rentre au Courrier ! Cet article s’autodétruira dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années. Tout dépend dans quelles mains il tombera !
La mine d’or des déchets recyclés
C’est en salle de commande que deux personnes s’occupent en permanence de tout ce qui concerne les fours. Car les déchets brûlés sont transformés en énergie pour alimenter le chauffage à distance et les poussières sont notamment récupérées et envoyées à Lausanne pour lavage à l’acide afin d’en récupérer le zinc qui est ensuite revendu. À quelques mètres de là, le centre logistique régional accueille quant à lui tout ce qui est recyclable. Là encore, tout est transformé pour être revendu.
C’est notamment le cas du papier et du carton. Et moins il y a d’impuretés, plus les clients achètent cher la matière. D’où l’importance du tri. À Colombier, c’est une énorme machine (intervention humaine en fin de chaîne) qui se charge de séparer le papier et le carton (300 tonnes par semaine). Pour le verre (100 tonnes par semaine), Vadec reçoit 80 francs par tonne pour du verre trié et « uniquement » moitié moins s’il n’est pas trié. Voilà pourquoi on vous demande de séparer le verre par couleur dans les écopoints. Vu les quantités de matières traitées, on comprend vite l’intérêt des déchets en termes de valeur. Et cela peut vite grimper. C’est 4000 francs la tonne pour l’étain et même 5000 francs pour le laiton.