Sur les traces des trésors cachés du Val−de−Travers
Type de mission : faire le point sur le « putsch » des Bayards
Renseignements sur l’objectif : magasin prisé, lieu stratégique du village
Localisation de l’objectif : Les Bayards – Date : 1er août 2023
Observations du terrain : terre vallonnière avec des habitants solidaires entre eux. Privilégier les contacts directs et procéder avec tact !
La géopolitique mondiale est actuellement marquée par le coup d’état au Niger. L’attention des médias se partage entre cet événement et la guerre russo-ukrainienne. Dans l’ombre, dans le petit village des Bayards, une autre prise de pouvoir fait parler d’elle. Noëmie Erb a succédé, le 1er août dernier, à Danièle Chevalier dans le lieu le plus couru du village : sa supérette. Après dix ans en haut de l’affiche, « Chez la Danièle » laisse la lumière « Au p’tit Moulin » de Noëmie. Un nom qui ne doit rien au hasard tout comme l’arrivée de la jeune femme de 26 ans aux manettes du magasin des Bayards.
De retour… 10 ans après !
Soyons précis dès le début, ce n’est pas une arrivée mais un retour aux affaires. Noëmie Erb a déjà travaillé dans le magasin il y a dix ans de cela. « J’ai déménagé au Val-de-Travers à l’âge de 9 ans et j’ai ensuite fait mon apprentissage ici, au magasin », précise l’Alsacienne d’origine. « J’ai fait 6 mois avec les anciens gérants (Sylvia et Frédéric Matthey) et j’ai ensuite été la 1re apprentie de Danièle Chevalier. Les gens s’en rappellent encore et j’ai l’impression qu’ils me considèrent un peu comme leur petite protégée. Ils me disent que ça n’aurait pas été pareil si quelqu’un d’autre que moi avait repris le commerce. C’est rassurant pour moi ! » Et c’est rassurant pour eux aussi. La population est donc en faveur de cette succession. Noëmie a gardé les mêmes produits, l’employée qui travaillait là (Patricia) et elle s’appuie aussi sur une apprentie (Gwenaelle).
Même fermé, le magasin fait le plein
Finalement, le plus grand changement réside dans le nom pour le moment. La nouvelle patronne a décidé de rebaptiser le lieu « Au p’tit Moulin ». Pourquoi ce choix ? « Je ne voulais pas copier et faire quelque chose du style Chez la Nono. J’ai choisi ce nom car le bâtiment abritait un moulin avant que le couple Matthey ne le transforme en magasin », lâche-t-elle (voir encadré). Cette appellation est particulièrement bien choisie. Lors de l’une de mes « reconnaissances », le magasin était censé être fermé. Mais la lumière a attiré les clients comme elle attire les moustiques un soir d’été. En cinq minutes, quatre clients avaient poussé la porte et deux autres s’étaient installés dans le chalet pour s’offrir une petite absinthe. Ni une ni deux, Noëmie a servi chacun d’eux sans même leur dire que le magasin était initialement fermé. « C’est comme ça ici, c’est chouette comme ambiance ! Le magasin est aussi là pour dépanner. » Quatre yaourts pour l’un, un morceau de fromage pour l’autre et un paquet de cigarettes avant de rentrer à la maison. Ainsi tourne le petit moulin des Bayards !
« J’ai ce village dans le sang ! »
Avant son ouverture officielle, le « p’tit Moulin » a bénéficié de quelques coups de pinceau, de nouveaux frigos et d’un grand nettoyage notamment. « Les gens du village m’ont donné de sacrés coups de main. C’est génial. Je sens qu’ils tiennent beaucoup à ce lieu. D’ailleurs, j’habite Fleurier et je n’ai aucune crainte car je sais que le magasin est bien gardé quand je n’y suis pas. Un voisin est prêt à bondir à la moindre alarme et les habitants le surveillent de loin mais de près en même temps. Ce n’est pas pour rien que des clients sont venus aujourd’hui alors que c’était fermé. Ils ont vu de la lumière et ils sont passés. Personnellement, j’adore ça car je déteste être seule. Je n’aime pas non plus être inactive et travailler ici, c’est comme faire dix métiers en un. Et puis, j’aime ce village, je l’ai dans le sang. » Sur ces belles paroles, la mission est validée avec succès ! Cet article s’autodétruira dans quelques semaines, dans quelques mois ou dans quelques années. Tout dépend dans quelles mains il tombera !
Noëmie pose dans son « chalet ». Un nouvel espace de rencontre créé à l’entrée du magasin. « C’est bien plus qu’un commerce, c’est un lieu de partage où il fait bon venir boire un verre. »
Une semaine de travaux a suffi pour passer de « Chez la Danièle » « Au p’tit Moulin ». « Les habitants m’ont beaucoup aidée, c’était adorable. »
À l’intérieur du magasin, tout a rapidement été mis en place. Noëmie Erb a choisi de travailler « façon Danièle », avec un maximum de produits locaux.
Un ancien moulin à farine
Pas facile de remonter la piste du moulin à farine. « C’est que ça commence à dater », rigole Sylvia Matthey. La Vallonnière a tenu le magasin, avec son mari, du 18 décembre 1987 au 31 décembre 2012. « Le moulin a tourné avant nous. Nous avons transformé l’espace en magasin mais je n’étais pas présente lors des travaux. Du coup, je ne sais pas ce qu’il est advenu du moulin. Il a probablement été démonté en 1987. » Comme traces, il reste une simple poulie au galetas et quelques souvenirs.
« Je me rappelle que la famille Ryser tenait une boulangerie en face du magasin. J’avais 5 ans quand nous sommes arrivés aux Bayards en 1961. À cette époque, le moulin devait tourner (en lieu et place du magasin actuel) car je vois encore les véhicules venir charger des sacs de farine pour être livrés aux agriculteurs. » Enquête en cours…
Ce moment, elle en a rêvé deux fois !
Après son apprentissage « Chez la Danièle », Noëmie Erb a travaillé cinq ans en boulangerie du côté du Val-de-Ruz, tout en habitant toujours au Vallon. Puis elle est passée dans quelques buvettes d’alpage avant de rejoindre la fromagerie de Provence pour trois ans (en parallèle de sa boutique déco de Couvet). « Durant tout ce temps, je n’ai jamais oublié le magasin des Bayards. De temps en temps, je faisais une allusion à Danièle du genre ‘si tu arrêtes, tu penses à moi hein’. Mais je ne pensais pas que cela arriverait un jour. » Pourtant, en fin d’année 2022, tout s’est accéléré. « Le lendemain d’une nouvelle allusion, Danièle est venue sonner chez moi et elle m’a dit ‘ok, je te passe le témoin’. Je lui ai répondu que j’avais besoin d’un jour pour réfléchir alors que c’était déjà tout réfléchi. Avant cet épisode décisif, j’avais même rêvé deux fois de ce moment. Comme quoi, j’avais vraiment cette envie au plus profond de moi. » Maintenant qu’elle est en place, l’une de ses autres envies est de créer un système de « drive » lorsque le magasin est fermé (mercredi après-midi et dimanche après-midi). Pour vous, je suivrai le dossier de près…