Sur les traces des trésors cachés du Val−de−Travers
Type de mission : infiltrer les ateliers de production de la haute chocolaterie
Renseignements sur l’objectif : Jacot Haute Chocolaterie compte sept boutiques en Suisse
Localisation de l’objectif et date : Noiraigue et Môtiers, décembre 2024
Observations du terrain : l’entreprise vallonnière a récemment ouvert l’espace Jacot à Môtiers. Pour le moment, la production se fait encore à l’emplacement historique de Noiraigue
Toutes les bonnes choses se méritent, paraît-il ! L’adage se confirme dans cette mission où je dois aiguiser mon sens de l’orientation pour localiser le lieu de production de Jacot Haute Chocolaterie. Cette entreprise a beau exporter loin à la ronde la renommée du Val-de-Travers grâce à ses produits, elle n’en est pas moins restée à taille humaine. Une petite « affaire familiale », basée dans un petit village d’une petite commune du canton de Neuchâtel : ce beau conte de fées (c’est vallonnier) a de quoi plaire aux clients. La réalité dépasse parfois la fiction et il est bien difficile de trouver le lieu de création néraoui. C’est finalement chose faite, dans un coin du village, niché au cœur du calme et du silence. Mais une fois la porte d’entrée poussée, on bascule alors dans un autre monde…
2018 : un trio d’actionnaires sauve l’entreprise de la faillite
Comment y est l’ambiance ? Chocolatée ! Son odeur se répand instantanément au fond des narines et vient chatouiller un peu plus mon envie de découverte. C’est dans ces lieux que Marcel Jacot a fondé l’entreprise en 1949. Ce qui était initialement une boulangerie-biscuiterie s’est transformé en chocolaterie sous l’impulsion de son fils Francis. Désormais à la retraite, Francis Jacot garde toujours un pied « dans le chocolat » puisqu’il habite à l’étage du lieu de production. Commercialement, l’homme a passé la main en 2013. Mais des choix malheureux ont mis en péril l’entreprise qui a finalement été sauvée par un trio composé de Andreas Schalch, Nicolas Joye et Daniel Knöpfel. Les deux derniers en sont toujours actionnaires. N’hésitant pas à qualifier le chocolat Jacot comme le « meilleur du monde », Daniel Knöpfel exemplifie à merveille l’attachement régional à cette entreprise qui emploie 25 à 30 employés dont 11 sur le site de production de Noiraigue. Propriétaire de plusieurs garages BMW, l’homme est ainsi passé du haut de gamme mécanique au haut de gamme de la chocolaterie. Très investie elle aussi, son épouse Sophie a, quant à elle, transité de la haute horlogerie à la haute chocolaterie. Oui, pas de doute. Ce que j’ai découvert dans les ateliers vallonniers relève bien de la haute chocolaterie.
Le dernier investissement : un tunnel réfrigéré !
À l’intérieur du bâtiment de Noiraigue, le maître chocolatier s’appelle Edouard Morand. C’est lui qui crée les recettes avec ses équipes. Jacot s’est par ailleurs spécialisé dans la personnalisation du chocolat. Certains clients demandent aussi un emballage, un peu comme pour un beau bijou. Haute bijouterie ou haute chocolaterie, on s’y perdrait presque. Ici, les petites mains s’agitent six jours sur sept autour d’une fontaine en chocolat et de nombreuses machines. « Toutes les tâches essentielles sont faites à la main. Les machines sont là pour certaines étapes clés comme injecter de la matière dans des moules et doucher des pralinés d’une fine robe chocolatée », expose Sophie Knöpfel en s’emparant vite fait d’un morceau qui lui faisait de l’œil. « Notre dernier investissement est ce tunnel réfrigéré qui permet de cristalliser le chocolat sans même passer par la ‹ case frigo ›. » Le chocolat étant une matière « vivante », tout est très minuté en production. Les petites mains de l’entreprise n’ont parfois que quelques secondes pour agir à bonne température. Le soin du détail est poussé à l’extrême, comme sur ce produit dont le décor est travaillé à l’aide d’une petite fourchette.
40 tonnes de chocolat par année
De la précision, il en faut aussi pour préparer les ganaches ! Ce jour-là, c’est Baptiste qui est aux fourneaux. Un tournus régulier permet à chaque employé d’occuper des postes différents au fil des semaines, ce qui diversifie et enrichit leur expérience professionnelle. « Ici, je dois chauffer la préparation à 31 degrés, très exactement. Il faut être concentré et appliqué. » Pour donner du goût à cette ganache, de la menthe y a été infusée 24 heures à l’avance. Gardez ce secret pour vous, hein ! Un peu plus loin, une table vibrante répartit uniformément le chocolat à l’intérieur des moules de Noël. Des « cadeaux gourmands » sont glissés dans les pièces moulées pour apporter de la profondeur gustative. En fonction de votre choix (pive de Noël, père Noël,…), vous aurez la chance de tomber sur un läckerli ou sur une truffe par exemple. Nous vous laissons la surprise ! En revanche, on peut vous dévoiler un chiffre impressionnant en guise de conclusion. 40 tonnes ! C’est la quantité de chocolat qui coule dans la petite entreprise de Noiraigue chaque année. Mission accomplie, je rentre au Courrier ! Cet article s’autodétruira la prochaine fois que vous croquerez dans un chocolat de chez Jacot…
Kevin Vaucher
La Question à ne pas poser
En tant qu’employés, n’est-ce pas trop difficile de baigner dans le chocolat toute la journée sans jamais y toucher ? « Qui vous dit que nous n’y touchons pas ? », rigole l’une des « petites mains » de production. « Plus sérieusement, cela nous arrive de nous laisser tenter de temps en temps et de manger un bout de chocolat dans les pièces avec défaut qui sont ensuite refondues. Nous essayons quand même de faire attention. Personnellement, je préfère être à un poste de production avec des pièces de chocolat que j’aime moins que d’autres, ce qui éloigne un peu les tentations. Mais tout est bon alors c’est compliqué », rapportent les employés. Le chocolat est une vraie valeur refuge. Refuge émotionnel d’abord par son effet réconfortant. Refuge financier ensuite. La fève de cacao est cotée en bourse et son cours est d’environ 10’000 dollars la tonne.
Môtiers : transformation de la fève à la tablette
Depuis quelques mois, Jacot Haute Chocolaterie est aussi installé à Môtiers. Bienvenue à l’Espace Jacot ! Des ateliers garnissent notamment ce lieu à part où il règne un fumet de création à chaque recoin. « C’est ici que nous faisons l’entier du processus de transformation du chocolat, bean-to-bar », pose Sophie Knöpfel. Bean-to-bar signifie de la fève à la tablette (à la plaque de chocolat). L’entreprise vallonnière est désormais totalement indépendante au niveau de sa production. Les fèves arrivent de plusieurs pays différents (Pérou, Venezuela, Mexique,…) par sacs de 70 kilos. « Cette richesse donne des saveurs naturelles différentes au chocolat, sans arôme artificiel. Nos fèves sont bio et nous certifions leur qualité grâce à une sourceuse qui se rend directement dans les pays producteurs. » Elle vérifie au passage les conditions de travail des personnes qui œuvrent dans les cultures. Une fois à Môtiers, la fève est torréfiée et broyée sans la peau pour former le grué. Cette étape débouche sur une perte d’environ 30% du produit. Ensuite, le grué passe plusieurs fois dans une machine spéciale pour ressortir en copeaux qu’on appelle la masse. C’est toujours du cacao à ce stade. Le chocolat s’obtient en faisant tourner la masse dans une conche (une machine qui extrait lentement la matière grasse des fèves), avec différents ingrédients (sucre, sucre de canne, beurre de cacao, poudre de lait…). Il faut 6 jours pour produire 100 kilos de chocolat.