Cercle scolaire du Val-de-Travers
Quand le 7e art est vecteur de valeurs
La semaine dernière, les classes de 4e, 6e, 8e et 10e années du Cercle scolaire du Val-de-Travers suivaient l’activité «le cinéma apprend à vivre» au cinéma Colisée de Couvet, en collaboration avec la Lanterne magique. Le Courrier du Val-de-Travers a été convié à se joindre à une des projections.
Le septième art figurait en bonne place au planning du Cercle scolaire du Val-de-Travers, la semaine dernière. Quatre degrés d’élèves participaient à l’activité, en lien avec la Lanterne magique, « le cinéma apprend à vivre », qui a pour objectif de montrer aux élèves des courts et longs-métrages en lien avec la charte de l’école « Mieux Vivre Ensemble ». Le Courrier du Val-de-Travers a été invité à suivre une de ces projections, celle des 10e années, suivie d’un débat. À l’entrée de la salle, le directeur adjoint, Thierry Baillods, souffle que la principale frustration pour les élèves est « l’absence de popcorn ». Toutefois, il est probable qu’aucun élève n’aurait souhaité un encas durant la projection, le film de cet après-midi ne s’y prêtant pas.
L’association la Lanterne magique et le Cercle scolaire avaient choisi le film d’animation du réalisateur Ari Folman, datant de 2021, « Où est Anne Frank ! », une adaptation très libre, sous la forme d’un conte fantastique, du « Journal d’Anne Frank ». Dans l’Amsterdam de nos jours, l’amie imaginaire à laquelle la jeune adolescente adressait ses écrits, Kitty, prend soudainement vie et part à la recherche d’Anne, de son histoire jusqu’à Bergen-Belsen, de la destinée de son œuvre et de la portée de son message dans notre monde contemporain qui pourtant reproduit des formes d’exclusion et de racisme face à l’autre.
Film au-delà du Journal
Avant la séance, Adeline Stern, médiatrice culturelle de la Lanterne magique, indiquait aux jeunes spectateurs que le film d’animation « n’était pas que pour les enfants », mais « permettait une mise à distance » et de traiter les sujets les plus durs et les plus horribles. Et, cela fut nécessaire. À part quelques bruissements de commentaires et paroles, le jeune public demeura captivé par le film. « Souvent, lorsqu’il y a des gestes amoureux, il y a des rires mais là, presque rien », relate la médiatrice culturelle à la fin de la séance en signalant avoir perçu plusieurs pleurs et reniflements au fil de la projection. À la fin de celle-ci, des applaudissements signalaient que le film a convaincu.
Première question posée par Adeline Stern, avez-vous déjà lu le Journal d’Anne Frank ? Certains élèves ont levé la main. La grande majorité a apprécié une trame aisée à appréhender, malgré les différentes strates du récit et même peut-être dédramatisée par celles-ci. Un élève a eu le courage devant l’assemblée de dire que cela peut rappeler le conflit des Balkans. « Un rappel à toutes les guerres », notait la médiatrice. « Un sujet difficile sur lequel on ne peut pas rigoler », a osé un autre élève, encouragé par l’encadrante.
La représentation des SS du film, personnages sans visage distinct, des « Dark Vadors » portant des svastikas, est interrogée. Une élève l’a trouvée effrayante, peut-être plus que dans d’autres films. La forme de l’œuvre a véritablement interloqué.
Lumière et obscurité
La médiatrice culturelle a lancé une dernière question : qu’en est-il du message final du film : rien ne sert de pleurer sur autrefois, si on ne pleure pas aujourd’hui sur les mêmes choses ? « Tout le monde a droit à sa place, surtout les gens qui ont connu la souffrance », a relevé une élève. Cela sera la dernière remarque des élèves de cette séance. « À Couvet, vous ne parlez pas trop, mais quand vous prenez la parole vous la prenez bien ! », a souligné Adeline Stern, en remerciant le jeune public.
Après le départ des élèves, la médiatrice culturelle notait leur qualité d’écoute et d’attention très forte, en soulignant qu’un tel film, très émotionnel, engendre une certaine pudeur, d’où le peu d’orateurs et d’oratrices. « Un flot de sentiments » qui fait prédire à Adeline Stern que chaque élève fera certainement un travail sur lui-même pendant quelque temps. Néanmoins, plus que tout, cette projection aura permis de montrer que l’art et le fantastique permettent d’aborder les temps et les idéologies les plus sombres, ainsi que leurs réponses les plus lumineuses.
Gabriel Risold