Union philantropique
À la fin de cette année, Daniel Hugli prendra sa retraite après trente années comme agent général de La Mobilière à Fleurier. Même s’il ne le conçoit pas ainsi, il s’agit peut-être pour certains Vallonniers et Vallonnières d’une page qui se tourne, car son arrière-grand-père était déjà agent général de l’assurance au Val-de-Travers.
L’information, parvenue à nos oreilles, étonnait et personne ne pouvait clairement la confirmer : quatrième génération à la tête de l’agence La Mobilière du Vallon. Cela paraissait un peu exagéré et fou. Ainsi, il fallait commencer par cela et demander au principal intéressé.
En effet, c’est mon arrière-grand-père, Wilhem Sutter, qui a ouvert la première agence générale La Mobilière au Val-de-Travers en 1893,
confirme Daniel Hugli en souriant. à l’époque, son arrière-grand-père cumule les fonctions d’agent général de l’assurance, qui s’appelle encore « Société suisse pour l’assurance du mobilier contre l’incendie », et de banquier, tout comme le fera de 1922 à 1956, le grand-père de Daniel Hugli, René Sutter. Puis, le beau-fils, Jean Hugli, reprit la tête de l’agence de Fleurier.
Mon père fut le premier à être 100% agent général, les règlements ne permettant plus de double fonction,
explique Daniel Hugli, en soulignant que son père était aussi issu du domaine de la banque.
À évoquer cette suite de générations, on en vient à supposer que le « destin » professionnel de Daniel Hugli était tout tracé. L’actuel agent général de La Mobilière avoue que rien n’était planifié. Après des études d’économie, il travaille d’abord dans le domaine bancaire, comme son père et ses aïeuls, un « clin d’œil » qui l’amuse. Ce n’est qu’au début des années 80, que Jean Hugli aborde avec son fils le sujet d’un changement de direction professionnelle vers les assurances.
J’ai effectué un stage de trois mois dans l’agence de Fleurier sous la direction de mon père pour voir si ce domaine pouvait m’intéresser,
relate Daniel Hugli, en soulignant que leur cohabitation ne fut parfois pas des plus évidentes. Toutefois, ce stage le convainc de poursuivre et il débute à la direction de la Mobilière en 1983 à Berne. La suite, c’est la nomination de Daniel Hugli par la direction centrale de La Mobilière à la tête de l’agence de Fleurier en 1992.
Je pense que l’ancrage local a eu probablement son importance dans le choix de la direction,
estime-t-il en relevant que l’assurance a une attention particulière au facteur régional.
ADN de l’assureur
Cependant, cette suite de générations à la tête d’une agence générale, n’est pas unique en Suisse.
En exemple, Daniel Hugli nous cite quelques agences qui ont trois générations et même quatre générations consécutives comme à Fleurier. Y aurait-il un ADN de l’assureur ?
Je crois que, comme dans tout métier en relation avec des personnes, il faut aimer les gens. Nous devons être disponibles, savoir les conseiller et répondre à leurs demandes,
répond-il, simplement. Comme après les dommages naturels des 21 et 28 juin de cet été.
Il y avait une file d’attente jusqu’à la place du Marché pour déclarer les sinistres au guichet,
se souvient Daniel Hugli en relevant que les clients de la région apprécient le contact « personnel ». Toutefois, le futur retraité identifie peut-être sur ce point une évolution de sa profession, beaucoup d’opérations pouvant se faire désormais par internet, même s’il estime que cette transformation a probablement surtout lieu en milieu urbain.
Mais cela représente moins de classement de dossiers « papier », et pour un apprenti moins de tâches fastidieuses,
plaisante-t-il, lui qui a toujours jugé la formation comme « importante ». Si bien qu’aujourd’hui de nombreux collaborateurs des sites de Fleurier, du Locle et de La Chaux-de-Fonds sont d’anciens apprentis.
En effet, car le regroupement des agences de Fleurier et du Locle en 2000, puis de celle de La Chaux-de-Fonds en 2007 ont pour instigateur Daniel Hugli, qui avait su voir les opportunités de ces « fusions » : maintien des prestations et réduction des coûts. De cinq personnes à Fleurier en 1992 à trente collaborateurs dont 10 conseillers sur les trois agences et un bassin de population de 65’000 habitants, l’agent général de La Mobilière a vu et fait évoluer considérablement l’agence originelle, désormais nommée « Montagnes et Vallées neuchâteloises ». À demi-mot, Daniel Hugli reconnaît qu’il doit être le seul agent général à avoir mené à bien deux fusions. Pour autant, il demeure fidèle à lui-même.
Certes, je suis capitaine, mais un bateau ne fonctionne pas sans équipage ! Je dis toujours « on ». On est une équipe de collaborateurs,
précise-t-il avec ce sourire qui ne le quitte pas.
Page qui se tourne ?
En raison de cet état d’esprit, Daniel Hugli n’admet pas la métaphore « d’une page qui se tourne ».
Nous sommes tous remplaçables et le changement sera relatif,
avoue-t-il avec un léger haussement d’épaules, certain que son successeur poursuivra la ligne de l’assurance sans révolution.
Même s’il faut qu’une assurance s’adapte à l’évolution de la société,
précise-t-il. Justement, a-t-il perçu une évolution du métier d’assureur au cours des quarante années au sein de La Mobilière ? Comme depuis le début de cette entrevue, Daniel Hugli sourit avec malice et évoque ses études orientées vers le domaine bancaire et répond par l’affirmative.
Avant, il y avait une certaine distance entre les mondes de l’assurance et de la banque. Aujourd’hui, il y a énormément de liens entre les deux, les assurances proposant des placements financiers et de prévoyance,
analyse-t-il. Et dire qu’à l’époque certains lui disaient que l’expérience bancaire n’avait pas d’utilité pour une carrière dans les assurances.
De quoi sera faite la vie du futur, souriant et jovial retraité ? Celui qui est encore l’agent général de La Mobilière jusqu’à la fin de l’année reconnaît vouloir,
comme tout le monde,
voyager et espère pouvoir réserver plus de temps pour le sport. Enfin, il y a ce jardin d’agrément de la maison familiale qu’il souhaite embellir. L’entrevue touche à sa fin et Daniel Hugli ose inverser les rôles :
Je peux vous demander où vous êtes assuré ?
Peut-être un réflexe professionnel. On doit avouer que ce n’est pas à La Mobilière car on a fait un peu comme papa et maman.
Je vois, mais je pense que si vous aviez vécu et étiez domicilié au Vallon, vous le seriez probablement,
rigole-t-il, toujours avec un identique sourire contagieux. Sur le parvis de l’agence, on peut imaginer que oui.
Gabriel Risold