Coaching pour personnes handicapées
L’exception qui confine la règle
Alan Manzanedo fait un métier, si ce n’est unique, au moins rarissime. Il est coach sportif pour personnes en situation de handicap. L’accès restreint au sport est l’une des nombreuses injustices avec lesquelles doivent vivre les handicapés. Que leur problème soit physique ou mental, ils trouvent un accompagnement adapté entre les mains du jeune homme de bientôt 36 ans. Cet ancien footballeur, au passé d’assistant socio-éducatif, a trouvé une activité où l’ensemble de son bagage lui est utile. Dans un milieu où le coaching de personnes valides est roi, Alan Manzanedo est celui qui confine la règle.
Le nombre de coaches sportifs a explosé ces dernières années. De sorte qu’il suffit de claquer des doigts pour en trouver un. Mais n’allez pas dire ça à une personne en situation de handicap. Dans un pays où c’est déjà un exploit d’avoir un quai de gare ou une entrée de magasin adaptés aux personnes en fauteuil roulant, imaginer des installations sportives adaptées relève presque du fantasme.
De peintre en bâtiment à assistant socio-éducatif
Il en est un qui refuse ce constat et qui a décidé de se battre pour que l’activité sportive soit plus facilement accessible pour les handicapés. Cette personne, c’est Alan Manzanedo. Rien ne prédestinait pourtant ce Jurassien d’origine à endosser ce costume. Après un CFC de peintre en bâtiment, il a donné quelques coups de main dans un centre de jeunesse avant d’avoir le déclic et de passer la formation d’assistant socio-éducatif. Et c’est à partir de là que son parcours le fait passer par le Val-de-Travers. « J’ai travaillé durant dix ans aux Perce-Neige. Grâce à mon passé de sportif (foot et boxe notamment), c’est souvent moi qui organisais des activités physiques. Et je me suis vite rendu compte qu’il n’existait quasiment aucune structure pour permettre aux handicapés de faire du sport normalement. »
Pourquoi leur refuserait-on l’accès au sport ?
Il y a trois ans, Alan Manzanedo a donc pris son bâton de pèlerin pour aller faire bouger les lignes à travers la Suisse romande. « Je me bats pour qu’ils bénéficient de réductions AI dans les salles de fitness. Je me bats pour que les salles aient du matériel adapté et pour qu’elles leur fassent une place. En vertu de quoi leur refuserait-on le droit de faire du sport ? » Son discours trouve un écho favorable auprès de la majorité des fitness où il est allé pousser la porte. Lorsque ça coince, c’est essentiellement pour une question de coûts potentiels des travaux d’adaptation.
Des salles vallonnières qui jouent le jeu
Heureusement, certaines salles de sport accueillent Alan Manzanedo et ses clients handicapés de façon humaine et enthousiaste. « Le Centre SAS m’a instantanément offert un abonnement pour que je puisse venir travailler quand je veux chez lui. Fitcoaching Studio de Boveresse m’ouvre également ses portes. Quand je vois des réactions pareilles, je suis en premier lieu heureux pour les personnes handicapées que l’on traite enfin comme tout le monde. » Preuve qu’il répond à un cruel manque en la matière, il parcourt désormais toute la Romandie pour donner ses cours adaptés à chaque handicap. Il y a trois ans, Manza Sport Handicap avait 5 clients. Aujourd’hui, il en a une trentaine.
Au-delà de l’aspect sportif
« Plus le handicap est lourd, plus le défi est beau à relever ensemble. Si on me dit que telle personne ne pourra jamais nager, on fonce directement dans une piscine pour tenter le coup et montrer que c’est faux. Ça ne se limite pas qu’à un suivi sportif, je m’implique à 100%. Je les écoute et je les aide autant que possible pour les pousser à avancer dans leur vie personnelle également. » Il s’implique tellement qu’il est souvent très proche des familles de ses clients. Un beau clin d’œil de la vie pour celui qui a eu un parcours familial difficile dans sa jeunesse.
Sport d’un côté, soin de l’autre
« Vous savez, il n’existe aucune formation spécifique pour devenir coach de personnes handicapées. Il y a juste quelques cours techniques pour s’occuper de personnes en fauteuil roulant mais c’est loin d’être suffisant. Mon bagage dans le suivi socio-éducatif m’offre des atouts que je pense indispensables. Je suis capable de soigner quelqu’un qui fait une crise et lui faire une injection par exemple. » Pascal Brand a trouvé exactement les bons mots pour qualifier son rôle : « C’est un grand frère », dit le Vallonnier de 38 ans qui travaille avec Alan Manzanedo depuis 8 mois.
L’exemple de Pascal Brand
Pascal souffre d’un léger handicap mental de naissance. Ce qui ne l’empêche pas de bouger sur différents fronts. « Je fais du basket avec les Perce-Neige, je travaille aussi comme technicien de surface et je donne différents coups de main à droite et à gauche. » à droite, c’est au sein des sapeurs-pompiers. Et à gauche, c’est pour l’association Pro Natura. Au départ, c’est pour la rééducation qu’il s’est approché d’Alan Manzanedo. Et maintenant, les deux hommes font notamment de la boxe, du fitness et de la musculation ensemble. « Le sport m’aide aussi à avancer dans la vie. C’est motivant et j’apprécie l’investissement de mon coach. » Pascal s’apprête d’ailleurs à vivre une grosse étape de sa vie en s’installant prochainement dans son propre appartement. Quand Alan Manzanedo confine les règles, ce sont ses clients qui bousculent les montagnes.
Kevin Vaucher