Commentaire
Le résultat d’une équation dépend de notre état d’esprit
Il y a quelques jours, il y a eu l’Abbaye de Buttes. Comme toujours, les élèves scolarisés au village, ainsi que ceux venus de La Côte-aux-Fées, ont défilé dans le traditionnel cortège. Le Courrier était évidemment dans le coup pour vous faire vivre ce moment. Dans notre article dédié, publié la semaine dernière, nous sommes revenus sur quelques faits marquants de cet événement convivial. Ces genres d’instants sont toujours appréciés des jeunes, des parents et du public car ils offrent une fenêtre hors du cadre scolaire où la détente et les sourires sont les bienvenus. Le sérieux et le travail sont mis sur pause le temps de la manifestation.
Un esprit bon enfant
Lors de la déambulation, dans les rues du village, des élèves portaient des chiffres et ils bougeaient au fil du cortège pour réaliser différentes opérations mathématiques. Par exemple, un enfant portait un 9, un autre jeune était affublé du 7 et encore un autre s’était mué en « croix de multiplication » (X). En passant devant nous, la multiplication donnait donc 9 x 7. Le résultat attendu était 63 bien sûr. Mais dans le feu de l’action et l’émotion du moment, une jeune fille s’est mal positionnée dans le cortège et le résultat obtenu n’était pas 63 mais… 36. Rien de grave ! Cela a même fait rire les spectateurs qui ont assisté à cette scène plutôt mignonne, dans un esprit bon enfant.
Une lettre de reproche
Dans le cadre de mon reportage, dont l’idée est de reporter des faits, je me suis donc permis de relater ce fait objectivement en m’inscrivant dans le ton bon enfant qui avait prévalu au moment où il a eu lieu. J’étais à mille lieues de m’imaginer ce qui allait suivre. À la suite de la publication de l’article, nous avons reçu une longue lettre dans laquelle il m’était reproché d’avoir évoqué ce qui était pour moi une simple anecdote, plutôt amusante. Je vais être honnête, j’ai trouvé cette réaction totalement disproportionnée en la découvrant. Pour moi, il était simplement question de relater un fait qui avait été vécu de façon tout à fait décontractée et détendue par ceux qui y ont assisté. Puis, après la stupéfaction, j’ai regardé qui avait mis son nom en bas de la lettre. Il s’agissait de la jeune fille de 10 ans.
L’avis des lecteurs est le plus important
Elle m’écrivait notamment ceci : « Je suis plutôt pas sûre de moi. Depuis que j’ai commencé l’école, je me compare aux autres et je me trouve souvent plus nulle (…). Mes parents et mes enseignants me répètent depuis 6 ans que je sais faire un tas de choses (…) mais je n’y crois pas trop. Vendredi dernier, en rentrant de l’école, j’ai vu qu’un article du Courrier parlait de l’Abbaye de Buttes. (…) J’étais fière qu’on parle de notre cortège (…) mais je me suis sentie pleine de honte lorsque j’ai commencé à lire votre article. Il n’est pas facile de supporter les rires des gens pour une enfant comme moi. Pensez que des jeunes lisent aussi vos articles. (…) Moi, cela ne m’a malheureusement pas fait rire du tout. (…) Merci quand même pour vos articles qui font vivre les événements qui se déroulent dans notre région. » Après la stupéfaction, je suis donc passé à la réflexion. J’ai toujours pensé que l’avis des lecteurs, quel que soit leur âge, est le plus important dans ce métier.
Le leçon de cette histoire
Le 99.9% des gens que je rencontre dans le cadre du journalisme me reconnaissent une capacité élevée à me mettre à la place d’autrui pour faire mes écrits. Dans ce cas précis, force est de constater que je ne me suis pas mis dans la peau d’une enfant de 10 ans. J’ai simplement reporté cette scène avec le recul bienveillant et la maturité que m’offrent mes 35 ans. J’ai eu la chance de ne pas subir de moqueries à l’école plus jeune et je n’ai pas d’enfant.
Ceci explique sans doute cela. Mais le constat est le même. Cet article a fait du mal publiquement (sans mauvaise intention) alors je m’en excuse publiquement. Vous voyez, jeune fille, tout le monde fait des erreurs, même en grandissant. L’essentiel n’est pas la réaction des autres à vos erreurs mais votre réaction à vous. Lorsque vous la « réparez » et que vous en tirez une leçon, ce n’est pas dans le camp de la honte que vous tombez mais dans celui de ceux qui assument leurs responsabilités. Et au final, le résultat de l’équation est toujours le même : vous grandissez !
Kevin Vaucher