Dans le Val-de-Travers il y a 100 ans
Le journal de Paul Leuba
L’historien neuchâtelois Philippe Henry vient de sortir, aux Éditions Alphil, le journal de Paul Leuba, qui a vécu une grande partie de sa jeunesse et de ses premières années de vie dans le Val-de-Travers. Paul Leuba raconte dans ce livre, qui se dévore comme un roman, ses années de jeunesse, son activité de postier et son activité politique, notamment ses années de conseiller communal à Travers et son mandat de député au Grand Conseil.
Prenant la plume au soir de sa vie pour laisser un témoignage à ses petites-filles, Paul Leuba (1880-1975) fait le récit de son ascension sociale : son enfance d’orphelin misérable, sa scolarité à Buttes et à Fleurier, sa formation d’employé postal, son travail de buraliste à Travers, son implication dans la vie politique et associative du même village.
Au fil des pages, il évoque ses joies et ses peines, sa vie sentimentale, sa carrière professionnelle, militaire et politique, de sa naissance à la Première Guerre mondiale, car il n’a pas eu le loisir de raconter l’entier de sa longue existence.
Sur un rythme mené tambour battant, agrémentant l’histoire de nombreuses illustrations d’époque (cartes postales et photographies notamment), Paul Leuba offre à la fois une trajectoire personnelle et un tableau de la société qui l’a vu naître. Son autobiographie allie le charme de la couleur locale au destin universel.
Le texte est introduit et commenté par le professeur honoraire de l’Université de Neuchâtel, Philippe Henry, qui met magnifiquement en perspective cette attachante autobiographie.
Pour donner un avant-goût des facéties des gamins butterans de la Belle Époque, voici un savoureux extrait : « Tous ces gosses (…)ne valaient pas mieux les uns que les autres. En troupe, selon leur humeur, les gosses peuvent être terribles. Nous n’avions aucune raison de ne pas aimer les gens de La Côte-aux-Fées, « les Niquelets », ou ceux de Sainte-Croix, « les Saintes-Crix ». Mais on ne les aimait pas et si on en rencontrait un, on le lui faisait sentir…, si on se sentait les plus forts ! On n’aimait pas les catholiques et quand on pouvait leur crier : « Catholiques apostoliques, à cheval sur la bourrique (sic), la bourrique leva le cul, le catholique fut foutu ! », on était content. À Sylvestre il y avait aussi au village des réunions de gamins. Il en est qui étaient masqués. On allait dans les ménages souhaiter la bonne année le jour de l’an. On nous donnait une pomme, (une) orange, des noix, plus rarement cinq centimes ou dix. Mais on était parfois mal reçus, même grossièrement. Alors ceux-là n’étaient pas ménagés. Une fois dans la rue, on leur criait : « Je vous souhaite une bonne et heureuse année, la moque au nez, la guille au cul pour toute l’année ! » !
Paul Leuba (1880-1975). De l’enfant placé au notable, autobiographie et microhistoire, Philippe Henry (éd.), Éditions Alphil, 2020, 2 tomes dans un coffret, www.alphil.ch