Éolien
Projet du Mont de Boveresse relancé
Il y a deux semaines, les promoteurs du projet de parc éolien du Mont de Boveresse annonçaient la reprise des mesures pour l’élaboration de celui-ci. Description des opérations avec Guillaume Favre de Thierrens, responsable du projet, Marc Spitzli, responsable projet éolien aux Services industriels de Genève et Christian Bernet, porte-parole de la société genevoise.
Comme l’indiquait une annonce dans le Courrier du Val-de-Travers hebdo du 16 février dernier, la société Ennova, propriété à 100% des Services industriels de Genève (SIG), a décidé de relancer le processus du parc éolien du Mont de Boveresse avec la pose, le mois prochain, de trois mâts de mesure. Dans la planification éolienne neuchâteloise, acceptée par le peuple en mai 2018, le site avait été identifié comme l’un des cinq parcs propices à la production d’énergie éolienne, mais son étude avait été interrompue en 2014, le temps de la finalisation du projet de parc de la Montagne de Buttes. « Les dernières décisions de justice sont favorables à l’éolien et concernant le site de la Montagne de Buttes, il y a une bonne probabilité d’un refus du recours par le Tribunal fédéral », estime Christian Bernet, porte-parole des SIG, pour justifier le timing de cette annonce.
Concrètement, la société Ennova va installer, sur les hauts de Boveresse, trois mâts, deux de 70 mètres et un de 99.5 mètres, entre mars 2023 et novembre 2024 (pour le plus élevé), afin de mesurer les vents et l’activité chiroptère, soit des chauves-souris. « Nos précédentes données sont quelque peu obsolètes depuis 2014 et ces prises de mesures permettront de les mettre à jour et de respecter les nouvelles exigences en la matière », détaille Guillaume Favre de Thierrens, chef de projet du parc éolien du Mont de Boveresse. Par ailleurs, d’autres études géologiques, techniques et environnementales auront lieu « au sol » durant ce laps de temps afin de collecter toutes les données nécessaires pour réduire au minimum l’impact d’un futur parc. Ces études sont confiées à des mandataires indépendants, à l’exception de la cartographie du terrain.
Procédures « envisagées »
Pour l’heure, impossible encore de connaître le nombre exact d’éoliennes, à l’heure actuelle les promoteurs en « imaginent une dizaine », ou leurs emplacements, car l’élaboration d’un projet ne pourra se faire qu’après cette période d’études. « En premier lieu, les données récoltées seront analysées, puis nous pourrons alors dimensionner le parc et constituer une première version du dossier », poursuit Guillaume Favre de Thierrens, en ajoutant que celle-ci sera ensuite soumise aux autorités cantonales. Une étude du canton qui débouchera très probablement sur de nécessaires « mises à jour », selon le chef de projet. Quant à une date pour une mise à l’enquête publique, l’horizon est encore relativement éloigné. « Si l’on est optimiste, peut-être encore en 2025. Si l’on est pessimiste, en 2026 », estime-t-il.
Toutefois, ces estimations demeurent du domaine des conjectures, le parc éolien de la Montagne de Buttes patientant toujours sur la décision du Tribunal fédéral. Et viennent s’ajouter à ces délais, les laps de temps des procédures d’oppositions et de recours. « Nous envisageons entre deux et trois années de procédure », reconnaît le responsable projet éolien des SIG, Marc Spitzli, parfaitement au fait des démarches anti-éoliennes au Val-de-Travers. Pour Ennova et les SIG, faire ces mesures aujourd’hui est en quelque sorte prendre de l’avance sur des années de discussions et de batailles juridiques afin d’être prêts dès leurs aboutissements.
Contexte qui « pousse à aller de l’avant »
Le chemin risque d’être encore long et rude pour le projet du parc éolien du Mont de Boveresse, mais les promoteurs sont convaincus de la plus-value de celui-ci. « Cela fait totalement sens d’un point de vue énergétique à étendre l’éolien, aujourd’hui », note Marc Spitzli, en soulignant que si le projet du Mont de Boveresse est l’équivalent de ce qui est prévu à la Montagne de Buttes, l’énergie produite représentera environ 10% des besoins cantonaux. Le responsable éolien des SIG reconnaît que la crise de l’énergie de cet hiver et la prise de conscience de la dépendance énergétique peuvent avoir un effet d’accélération pour la transition énergétique. Produire localement et être indépendant d’importations des pays voisins doit être un objectif. « Le contexte énergétique pousse à aller de l’avant », ajoute-t-il.
Évidemment, les éternels débats sur l’impact biologique et sur la rentabilité d’une telle énergie reviendront. « Pour Boveresse, notre volonté est de travailler en collaboration avec toutes les ONG qui le souhaiteront, dans l’esprit d’une table ronde », explique Guillaume Favre de Thierrens, à l’instar du projet de la Montagne de Buttes avec plusieurs associations de protection de la nature. Pour Marc Spitzli, les dernières études de l’impact physique d’un parc éolien sur la faune et la flore démontrent qu’il est de faible ampleur. Seul demeure l’aspect paysager qui est bien sûr non résorbable. Toutefois, Christian Bernet rappelle opportunément un fait. « En Suisse, le paysage a été travaillé par l’être humain, de tout temps l’homme l’a façonné », précise le porte-parole des SIG pour bien expliciter que l’éolien ne s’installe pas dans des zones vierges de toute interaction avec l’humain.
C’est aussi pour expliquer ces éléments-ci que la société Ennova et les SIG prévoient, tout au long du processus du projet, plusieurs séances et stands d’information à la population. Le premier se tenait jeudi dernier à Couvet.
Gabriel Risold
Face-à-face au premier stand d’information
Sans surprise, quelques minutes après l’ouverture des portes, des membres de l’association anti-éolienne les Travers du Vent arrivent avec banderoles « Non aux éoliennes » et pancartes « Éoliennes sans moi ». Et quelques épisodes de crachin n’ont pas démobilisé les membres et sympathisants du collectif qui sont restés durant toute la durée du stand. « La vraie surprise c’est d’apprendre que le projet redémarrait », relève le président de l’association, Thierry Ray, estimant qu’il faut mettre immédiatement la pression sur les promoteurs du projet. Ce dernier dénonce une certaine ambiguïté de la Commune de Val-de-Travers qui a depuis longtemps affirmé que le parc éolien du Mont de Boveresse était en stand-by politique et que son développement futur serait déterminé par les retours d’expérience du parc éolien de la Montagne de Buttes. « On s’interroge. Sur le programme de législature, le projet du Mont de Boveresse figure en bonne place », note-t-il. « Nous avons l’impression que la Commune et ses autorités-là cautionnent celui-ci. »
Pas un « feu vert »
Les membres de l’exécutif de Val-de-Travers ne percevaient pas leur présence à ce stand d’information comme problématique, le site prévu étant sur le territoire communal et les discussions avec Ennova, le promoteur, n’ayant jamais été suspendues. « Il s’agit uniquement de prises de mesure et d’études sur le terrain et certainement pas d’un feu vert pour le projet », précise Eric Sivignon, conseiller communal en charge du dicastère du territoire, des sports et de la culture (DTSC), en notant l’effort de communication et de transparence des promoteurs qui auraient pu se contenter d’une annonce aux autorités communales. « La Commune a toujours dit que rien ne se fera sans un retour sur le parc éolien de la Montagne de Buttes et c’est le cas », complète Yves Fatton, en charge des Infrastructure (DI).
Malgré une majorité de citoyens relativement rétifs aux éoliennes, le débat parvient parfois à avoir lieu, mais souvent les camps demeurent sur leurs positions sans vouloir entendre les arguments de l’autre. « Dans ce genre de rencontre, le plus important est que le débat reste respectueux», analyse Guillaume Favre de Thierrens, chef du projet éolien en question. Ce soir-là, c’est le cas, même si quelquefois les idées s’expriment avec vigueur. « Je n’ai pas quitté Genève pour me retrouver avec un projet industriel genevois », lance une dame. On reparle également du gaz de schiste des années 2010 et des possibilités de pose d’antenne 5G. « Ces monstres » entendons-nous pour désigner les éoliennes, même si le nombre d’entre elles n’est absolument pas encore défini, ni même illustré sur les photomontages (qui ne montrent que les trois mâts de mesure qui seront installés).
Défiance et débat peu possible
Une certaine défiance face aux informations exposées est perceptible. « Vous nous dites des mensonges », assène une visiteuse, sans que le moindre argument des responsables d’Ennova ou des SIG présents n’ait d’impact. Deux résidantes de Sainte-Croix nous interpellent. Selon elles, l’éolien n’est qu’un mirage, et de décrire le flot des bétonneuses pour la mise en place du parc éolien sur leur commune, et le CO2 engendré. Quant aux futures mesures compensatoires du site du Mont de Boveresse, cela est « complètement faux » selon elles, qui prônent le solaire et la décroissance. Le Tribunal fédéral, à la suite de son jugement sur le site éolien de Sainte-Croix, en prend aussi pour son grade. Il s’agit, selon elles, « d’une décision fallacieuse » basée sur un mensonge et elles estiment que la justice n’existe plus « et que personne ne s’insurge ».
Ainsi, jeudi dernier, la plupart des personnes étaient venues plus avec leurs réponses qu’avec leurs questions. Et parfois, le climat des échanges flirtait avec les informations erronées et les interprétations tendancieuses de la réalité. Néanmoins, certains visiteurs et certaines visiteuses se sont penchés avec assiduité sur les panneaux d’informations et ont discuté longuement avec les responsables d’Ennova et des SIG et sans opposition idéologique. Porte-parole des SIG, Christian Bernet reconnaît que les citoyens convaincus de l’éolien ne viennent que rarement à ce genre d’événement, qui cristallise plutôt la mobilisation des opposants.
Pourtant, le président des Travers du Vent est certain que depuis le vote de mai 2014 sur la planification éolienne du canton, les camps ont évolué. D’ailleurs, l’association a à l’esprit la possibilité d’une pétition qui permettrait de faire office de « thermomètre » du sentiment régional, et de révéler une éventuelle majorité silencieuse. Majorité, par nature, revendiquée par les deux camps.