Une famille millésimée
La cave de la Citadelle est propriété de la famille Jacot depuis bientôt 100 ans ! C’est en 1926 qu’Henri a racheté le commerce de vin de Fleurier à un certain Henri Colomb qui l’avait créé dans le courant du 19e siècle. En 1959, Henri passa le témoin à son fils Claude qui en faisait de même en 1997 avec son propre fils Patrick. Une saga familiale qui dure malgré les bouleversements du marché du vin au fil des décennies. Ne dit-on pas dans ce domaine que le poids des années est source de qualité ?
En tout cas, la qualité des vins proposés par Jacot et Cie SA est allée grandissante depuis 1926. à l’époque, l’entreprise misait sur deux tiers de breuvages étrangers à prix avantageux mais au goût moindre, contre un tiers de vins suisses. Cette tendance s’est peu à peu infléchie pour prendre les proportions inverses aujourd’hui.
La population ne boit plus du vin comme à l’époque, c’est devenu un plaisir pour lequel les gens sont prêts à mettre un peu plus pour déguster un bon produit de chez nous,
livre Patrick Jacot. En même temps, les bouteilles de moins bonne facture prisées à l’époque par différents corps de métiers tels que les bûcherons, les ouvriers sur les chantiers et les maçons ont vu leurs ventes s’effondrer.
Déjà six commerces de vin au Vallon en 1926
« En causes », l’encadrement toujours plus strict de la consommation d’alcool – notamment au travail – et le départ de centaines de milliers de travailleurs étrangers à la suite de la crise économique des années 1970.
Ce changement profond de notre rapport au vin, vers la qualité, a conduit à une baisse marquée des ventes en termes de quantité. Cela ne s’est pas fait en un jour mais sur plusieurs années.
Lorsque Henri Jacot a racheté le commerce en 1926, il y avait déjà six entreprises du type au Vallon : trois aux Verrières, deux à Môtiers et une à Couvet. Avec autant de concurrence sur un marché soumis à turbulences, la situation ne pouvait pas durer éternellement. Dans les années 1936-1937, celles de Môtiers disparaissaient et une autre leur a succédé dans la foulée. Plus tard, la maison Hegi des Verrières s’est reconvertie dans le fromage et laissait ainsi la place à Martin et à Landry dans ce village. à Couvet, c’est Raineri qui régnait sur la zone.
À Fleurier, mon grand-papa Henri employait trois personnes à l’époque (c’est ensuite monté jusqu’à sept aides) et il ne vendait que 10’000 litres par mois lorsqu’il s’est courageusement lancé dans la bataille.
Camions réquisitionnés pendant la guerre
Du courage, il en a encore fallu pendant la guerre 39-45. L’essence se faisait rare et il était impossible de livrer toutes les commandes. Une situation qui s’est encore durcie lorsque l’armée a réquisitionné les camions et donc les camions de livraison. L’entreprise Jacot a alors dû ruser pour s’en sortir en louant un cheval et un char. Aujourd’hui, la guerre est finie mais d’autres soucis affluent.
Je travaille avec différents acteurs. à savoir les privés, les restaurants et les manifestations telles que le comptoir du Val-de-Travers. Depuis le Covid, j’ai perdu deux de mes trois sources de vente, ce qui correspond à une diminution du chiffre d’affaires d’environ 50%. Le négoce de vin comme d’autres secteurs sont actuellement en mode veille.
Dans son malheur, Patrick Jacot a de la chance puisqu’il est le seul salarié de son entreprise.
Je tourne avec des auxiliaires habituellement et je peux compter sur l’appui de ma fille Séverine pour le travail de bureau.
L’unique enfant Jacot prendra-t-il à son tour la relève lorsque Patrick (62 ans) se retirera du circuit ?
Jusqu’où pousse-t-il le bouchon ?
On verra dans quelques années mais le côté « livraison des clients » est moins adapté à une fille qu’à un garçon selon moi. Et maintenant, notre activité comprend beaucoup de livraisons. J’ai une chaîne de mise en bouteille mais je ne l’utilise plus car elle servait surtout pour le vin étranger. Maintenant, je sélectionne des vins déjà en bouteille chez mes fournisseurs et je les floque avec mon étiquette de la cave de la Citadelle. C’est plus un travail de prospection.
Dans ses 200’000 francs de stock, plusieurs millésimes et quelque 400 nectars différents sont à disposition. Son expertise, Patrick Jacot la tire entre autres de son enfance passée dans l’entreprise familiale, de son année de perfectionnement en Allemagne dans les années 1980 et de son passage à l’école de viticulture à Changins. Sans oublier son diplôme commercial et ses 24 ans à la tête de Jacot et Cie SA. De quoi satisfaire sa clientèle qui s’étend jusqu’à Bienne et Sainte-Croix. Et oui Maurice, il n’y a pas que toi qui pousse le bouchon toujours plus loin.
Kevin Vaucher