Frelon asiatique: l’inquiétude des apiculteurs
Depuis 2018, le frelon asiatique, espèce invasive, touche la Romandie. En ce début d’été, il atteint désormais le canton de Neuchâtel et notamment le Val-de-Travers, nourrissant de graves inquiétudes.
Vespa velutina nigrithorax, voilà le nom scientifique du frelon asiatique qui est désormais l’inquiétude première des apiculteurs du Val-de-Travers. L’hyménoptère originaire d’Asie, déjà présent à Genève depuis 2018-2019, continue malheureusement sa progression. Depuis le début 2023, 70 observations en Suisse ont été confirmées, dont 12 dans le canton de Neuchâtel. Au Val-de-Travers, des spécimens ont été observés à Noiraigue, aux Verrières et entre Saint-Sulpice et Fleurier. « Cela n’est pas encore critique car aucune colonie d’abeilles n’a été perdue en Suisse romande », relève Carine Vogel, membre de la Task force suisse frelon asiatique. Néanmoins, la biologiste souligne que le moment est décisif pour ralentir la propagation de l’espèce.
La période d’avril-mai à la mi-juillet est celle où l’espèce construit un nid primaire, de la taille d’un petit melon, composé d’une quinzaine d’individus. Ensuite, la colonie migrera vers un second nid, nettement plus grand et situé dans la cime d’un arbre et engendrant 10’000 ouvrières et 500 reines. « C’est maintenant qu’il faut agir », explique-t-elle, et ce afin de détruire toute possibilité de reproduction en masse. Sur les reines d’un nid secondaire, environ 10% survivent à l’hiver et recommencent un cycle de reproduction. Une évolution exponentielle observée dans d’autres pays n’ayant pas pris le «mal» à la racine.
Risque pour la biodiversité
Contre la menace, le Service de la faune, des forêts et de la nature (SFFN), en collaboration avec la Task force, a formé 19 référents à cette problématique, principalement des apiculteurs. Le frelon chassant les abeilles dès l’été, ceux-ci sont les principaux lanceurs d’alerte. « Mais il est aussi un risque important pour l’ensemble de la biodiversité », relève Marco Ventrici, président de la Société d’apiculture du Val-de-Travers (SAVDT). L’insecte invasif est vorace et attaque tout hyménoptère pour nourrir ses larves. S’il prolifère, il impactera aussi fortement la production fruitière, se nourrissant de fruits maturés et aura une incidence non négligeable sur la santé publique, surtout dans le travail forestier.
Depuis son arrivée malencontreuse en France en 2004, le frelon asiatique, sans prédateur, a démontré sa faculté à se propager partout. Et le piégeage ne fonctionne pas, car il n’atteint principalement que des ouvrières qui seront remplacées. « Le procédé détruit aussi la biodiversité et notamment le frelon européen seul à pouvoir un peu concurrencer son cousin d’Asie », détaille Carine Vogel. D’où la nécessité de signaler toute suspicion de présence du frelon asiatique ou la découverte d’un nid primaire.
Rôle de la population
Dans cette lutte, Carine Vogel et Marco Ventrici souhaitent impliquer l’ensemble de la population. « Plus il y a d’yeux qui cherchent, plus on a de chances de trouver », résume la biologiste qui invite chacun à examiner ses avant-toits, ses appentis et tout espace protégé. Et parfois, l’espèce s’installe là où on ne le pense pas, comme dans un nichoir découvert en ville de Neuchâtel la semaine dernière.
Ce frelon est plus fin que celui européen, sa robe noire et l’extrémité jaune de ses pattes et de l’abdomen le rendent caractéristique. En cas d’observation, celle-ci est à indiquer sur le site www.frelonasiatique.ch. Là, on peut géolocaliser l’observation, avec une image ou une vidéo du spécimen afin de permettre à la Task force de l’identifier. « Une unité entre la population, les autorités et les apiculteurs est nécessaire afin de lutter contre l’espèce », clament Marco Ventrici et Carine Vogel.
Gabriel Risold
Opération recherche
Le 9 juillet prochain, la SAVDT organise une opération de recherche à Noiraigue. Le nombre d’observations à cet endroit indique certainement la présence d’un nid. Tous les habitants du Val-de-Travers souhaitant aider sont conviés ce dimanche-là, à 8 h devant la gare de Noiraigue. « Cela n’est pas dangereux », précise Marco Ventrici, le frelon asiatique n’étant pas plus virulent que son cousin indigène. Et les apiculteurs du Vallon seront reconnaissants pour toute aide apportée.