Gastronomie
Le gin de l’Hôtel de Ville de Crissier vient de Couvet
Depuis plusieurs décennies, l’Hôtel de Ville de Crissier est un des hauts lieux de la gastronomie en Suisse romande. Désormais, les clients qui demanderont un gin en fin de repas pourront déguster un élixir estampillé de l’enseigne, élaboré et produit par Romain Wanner, distillateur à Couvet.
Pour les gastronomes et amateurs de grande cuisine, l’Hôtel de Ville de Crissier tient presque du sanctuaire et des chefs qui s’y sont succédé, Frédy Girardet, Philippe Rochat, Benoît Violier et Franck Giovannini, de grands maîtres perpétuant, au fil des décennies, l’excellence avec trois macarons Michelin et 19 points sur 20 au guide Gault et Millau. Depuis cet été, la clientèle de l’institution peut commander le gin de la « Maison ». Un spiritueux qui a été élaboré en partie et produit par Romain Wanner, de la distillerie éponyme à Couvet. « C’est une immense fierté », avoue le Covasson, « fier d’avoir crée ce produit avec des notes herbacées et de la fraîcheur, si changeant des gins traditionnels et industriels ».
Le distillateur n’en est pas à sa première expérimentation en matière de cet alcool que l’on veut britannique. Dès sa reprise de l’entreprise familiale au tournant 2021-2022, Romain Wanner se lance dans la production de spiritueux, autres que l’absinthe, et notamment de gins. Le premier sera un gin blanc, nommé n°29, soit le numéro de la recette, au profil très floral, un autre suivra aromatisé au safran de Genève. « Nous distillons avec de l’alcool suisse et avons recours essentiellement à des plantes et des épices suisses », explique-t-il, ajoutant que le poivre du Sichuan, présent dans la recette de l’Hôtel de Ville, est aussi issu d’une micro-production en Suisse romande.
Au commencement, une blague
Par ses fonctions de journaliste pour GastroJournal, Romain Wanner connaissait déjà les cuisines du restaurant de Crissier. En 2016, il avait notamment suivi le parcours de Filipe Fonseca Pinheiro, sous-chef à l’époque, au Bocuse d’or, rencontré Franck Gioviannini et l’équipe du restaurant. Après avoir repris la distillerie, il va ainsi presque naturellement proposer ses produits à l’institution. « Je venais présenter mes absinthes et on a commencé à discuter », relate Romain Wanner. « Et une fois, sur le ton d’une blague, j’ai demandé quand je ferai un gin pour eux ». Des propos pris au sérieux, puisque les chefs sommeliers de l’Hôtel de Ville, Charline Pichon et Thibaud Gardette, le recontactent en novembre 2023.
Une première rencontre a lieu à Couvet, où le sommelier et la sommelière choisissent les plantes qui leur semblent intéressantes, telles mélisse, verveine ou hysope, et quelques épices. Ce premier essai est loin d’être parfait. « C’était OK, mais il manquait de la longueur, de la générosité et ce n’était pas assez relevé », se rappelle Romain Wanner. Alors durant cinq mois, le distillateur teste ses idées, au travers de cinq essais différents. Surtout, il ajoute une note d’agrume, notamment de l’écorce de citron séché, à l’élixir. Travailler en collaboration avec une telle entité de la gastronomie n’a pas spécialement effrayé Romain Wanner. « Mais avant de livrer le premier lot, j’ai eu un petit coup de panique. Est-ce qu’il est vraiment bon ? », reconnaît-il, ajoutant qu’il a ouvert une bouteille et goûté avant de se convaincre de la qualité de son produit. Un dernier doute levé par l’approbation finale des sommeliers et du chef, l’été dernier.
Infinité de possibilités
Ainsi, désormais les hôtes de Crissier peuvent déguster un gin produit uniquement pour la grande maison. « Je crois que leurs clients apprécient déguster un spiritueux ou un cocktail en fin de repas », ajoute Romain Wanner, en annonçant qu’une nouvelle production sera faite probablement en fin d’année. Et le jeune distillateur est prêt pour créer des gins personnalisés pour d’autres restaurants, ou encore des fabriques d’horlogerie, des entreprises. Actuellement, il élabore un gin pour la Brasserie de Montbenon à Lausanne, à la suite de la Gin Fest, événement autour du spiritueux, où il était exposant.
Lors de cette occasion, les visiteurs pouvaient voter pour les ingrédients qu’ils souhaiteraient dans une recette et les résultats furent surprenants. Mais cela n’effraie pas Romain Wanner. « Pour un gin, la seule base c’est le genièvre, après on peut presque tout essayer. Il faut juste ne pas se perdre », relève-t-il, ajoutant qu’il faut que le produit respecte un certain équilibre comme lors de l’élaboration d’un plat. D’ailleurs, ce « fan » de technologie a même expérimenté ChatGPT pour créer une recette de gin, dont certains éléments proposés ont retenu l’attention du distillateur. Après le gin de l’Hôtel de Ville, le gin de l’intelligence artificielle s’élaborera peut-être à Couvet.
Gabriel Risold