Harceler peut tuer !
Matteo était un garçon plein de vie. Il n’avait que 13 ans et l’avenir devant lui. Mais voilà, Matteo était roux et avait des taches de rousseur. Des signes perçus comme des différences par certains de ses camarades d’école qui l’ont pris pour cible. Épuisé par ce harcèlement physique et moral, il avait fini par mettre fin à ses jours il y a quelques années. Des cas comme celui-ci, il y en a partout. La Suisse n’est pas épargnée. 15% des jeunes sont touchés par ce fléau et 85% des cas de harcèlement scolaire ne sont pas dénoncés. Face à ce constat, former et informer reste l’une des meilleures réponses.
Le harcèlement est un mécanisme sournois qui ne dit souvent pas son nom. Tabou ou incompris, beaucoup préfèrent souvent l’ignorer pour ne pas avoir à l’appréhender. Jusqu’au jour où un proche est concerné par le sujet. Et à ce moment-là, il est trop tard et les personnes concernées ne savent pas comment réagir car elles n’ont pas voulu voir le problème avant. L’importance d’en parler avant
que ça n’arrive est donc primordiale.
110 personnes dans la salle
Conscient du problème, le Service de l’accueil de l’enfance, attaché à la Commune de Val-de-Travers, a décidé de prendre le sujet à bras le corps pour mieux le mettre dans les cordes. Il a donc naturellement décidé d’axer sa première conférence sur le harcèlement. « C’est une nouvelle prestation. L’idée du Service de l’accueil de l’enfance est de rééditer l’expérience avec d’autres thématiques », confie Camille Ahmetaj de l’accueil de l’enfance communal. En tout cas, la population a répondu présent pour cette première qui a réuni quelque 110 personnes, mardi soir, à la salle Fleurisia. L’intervenante était l’éducatrice et formatrice d’adultes Valérie Lassueur.
Le 3e point du triangle : les témoins
Elle s’est exprimée devant un public constitué de parents et de professionnels qui sont au contact des enfants au quotidien (prof, médiateur,…). Elle a notamment évoqué le triangle du harcèlement. On a tendance à l’oublier mais il n’y a pas que le harceleur et le harcelé qui entrent en ligne de compte dans ce phénomène. Il y a également les témoins, ceux qui rigolent souvent devant une scène de harcèlement. « Il ne faut pas nécessairement leur en vouloir car ils souffrent eux aussi. Ils font face à un conflit de loyauté qui consiste à répondre à la question d’intervenir ou non pour prendre la défense de la victime », expose-t-elle. Bien souvent, la peur d’être maltraités à leur tour et d’être rejetés pousse les témoins à ne pas réagir.
Un manque d’outils pour y faire face
S’ils ne réagissent pas, c’est qu’ils n’ont pas appris à le faire et qu’ils n’ont pas les outils adéquats pour gérer une telle situation. « Très tôt, on apprend aux enfants à traverser sur le passage pour piétons par exemple. Mais on ne leur explique pas ou pas assez comment désamorcer un harcèlement. » Les adultes sont parfois aussi démunis. Pourtant, c’est à eux qu’il convient d’agir car ils ont un double rôle à jouer. Celui de médiateur et celui d’exemple. En bas âge, les enfants agissent beaucoup par mimétisme. En ayant les bonnes réactions, un adulte fournit donc indirectement des outils aux plus jeunes, pour faire face au harcèlement. « Il est possible de faire des jeux de rôle à la maison, avec vos enfants, pour leur apprendre à réagir de la bonne façon si leur sœur ou leur copain est harcelé. »
Harceler pour s’élever
Attention, il convient toutefois de bien différencier « taquiner » et harceler. Dans le second cas, il y a une notion de domination qui entre en ligne de compte. Les jeunes qui sont vus comme trop quelque chose (gros, excentrique,…) ou pas assez (ouvert, sociable,…) sont des sujets à risque. « Souvent, un harceleur explique son geste en disant qu’il voulait casser l’autre », détaille Valérie Lassueur. « Il harcèle car il ne sait pas comment appréhender telle ou telle différence. »
En réalité, il est lui-même en position de souffrance car c’est quelqu’un qui manque d’estime de soi et de confiance en soi. Rabaisser l’autre est le seul moyen qu’il a trouvé pour s’élever un peu. En réalité, le fait de harceler quelqu’un est un signe d’extrême faiblesse personnelle, vous l’aurez compris. Mais là où le cercle est vicieux, c’est que la personne harcelée perd confiance en elle. Et elle peut à son tour devenir harceleuse pour augmenter son estime de soi. Ce cercle peut tuer. Le briser, c’est peut-être sauver des vies.
Kevin Vaucher