Histoire
Jean-Pierre Jelmini ressuscite le récit de Jonas Henri Berthoud
L’historien natif du Val-de-Travers, Jean-Pierre Jelmini, redonne vie aux mémoires de l’horloger covasson Jonas Henri Berthoud (1743-1831). Son édition de ces Souvenirs était présentée ce mercredi par l’historien et la Nouvelle Revue Neuchâteloise qui a décidé d’en faire le premier volume d’une nouvelle collection consacrée aux ego-documents.
L’histoire n’est pas qu’hagiographie et étude des grandes personnalités ou de grands événements du passé. Depuis les percepts de l’École des Annales, elle se doit d’être holiste et aborder d’autres champs d’analyses comme la vie quotidienne au travers des ego-documents, les écrits personnels. C’est précisément l’apport du travail d’édition et d’annotation de Jean-Pierre Jelmini aux mémoires de l’horloger covasson Jonas Henri Berthoud (1743-1831), publiées par la Nouvelle Revue Neuchâteloise sous le titre Souvenirs, une vie au Val-de-Travers entre 1743 et 1831. L’historien, natif du Val-de-Travers, s’est plongé pendant plus d’une année dans le déchiffrage, la transcription et le commentaire d’un superbe manuscrit, rédigé probablement entre 1818 et 1822.
Le manuscrit du récit autobiographique de Jonas Henri Berthoud était connu, mais s’était perdu au fil des générations. Au hasard d’une succession, il est réapparu au début de l’année 2020. Un antiquaire approche Jean-Pierre Jelmini pour estimer sa valeur historique. « Pour tout ce qui est neuchâtelois, on pense à moi », note-t-il, sur le ton de la plaisanterie. Pour autant, le document ne tient en rien de la blague, et l’historien constate immédiatement son importance. « L’auteur possède une écriture d’un style et d’une connaissance de la langue française remarquable », analyse Jean-Pierre Jelmini, en relevant la modernité de la langue pour le début du 19e siècle. Très vite, l’historien originaire du Vallon conçoit la nécessité d’une transcription et d’une édition de ces mémoires.
« Un témoin vivant et signifiant »
Associée dès le départ au travail de Jean-Pierre Jelmini, la Nouvelle Revue Neuchâteloise (NRN), et son comité, voyant le projet s’étoffer, a choisi de faire de Souvenirs le premier volume d’une nouvelle collection dévolue aux ego-documents et intitulée Écrits personnels. Le document de Jonas Henri Berthoud a une indéniable valeur historiographique tant par sa qualité rédactionnelle que par sa rareté. Comme le souligne Jean-Pierre Jelmini, peu de témoignages de cette époque de « personnes ordinaires » ont été conservés. « Berthoud est un témoin vivant et signifiant de la fin de l’Ancien Régime et du passage vers une république », relève l’historien, en osant l’hypothèse, forte probable, qu’il s’agit éventuellement du premier récit autobiographique neuchâtelois.
Au travers de ses mémoires, Jonas Henri Berthoud retrace son voyage dans le Paris de Louis XV pour perfectionner son métier d’horloger, le vote des autorités de Couvet auquel il prend part pour conférer le titre de « communier » à Jean-Jacques Rousseau ou encore le récit « extraordinaire » d’un procès et de l’exécution insoutenable de brutalité du condamné. Toutefois, son témoignage offre également nombre de renseignements sur les aléas de la vie quotidienne et communale ou encore les troubles politico-religieux neuchâtelois de la seconde moitié du 18e siècle. L’édition commentée et annotée de ces Souvenirs par Jean-Pierre Jelmini est ainsi une grande contribution à l’histoire cantonale et du Val-de-Travers. Ce volume inaugural de la nouvelle collection Écrits personnels marque aussi le 40e anniversaire de la NRN qui réfléchit déjà à une deuxième édition d’un ego-document neuchâtelois de valeur d’ici à deux ans. Pour ce qui est du manuscrit original de Jonas Henri Berthoud, il sera déposé à la Bibliothèque publique et universitaire de Neuchâtel.
Gabriel Risold