Hommage
Marcel Garin : la vie d’un passionné
Il y a un mois, Marcel Garin nous quittait. Enseignant de géographie et un peu dʼhistoire, passionné dʼethnologie, ce natif des Verrières a marqué les élèves et les étudiants autant quʼil a contribué à la préservation et la redécouverte du patrimoine cantonal. Portrait posthume dʼun homme à la personnalité entière et authentique.
Il nʼest jamais évident de résumer une existence et celle de Marcel Garin fut riche et passionnée à lʼimage de sa personnalité enthousiaste et enthousiasmante, avide de découvertes et de nouveautés. Dʼabord, Marcel Garin, né aux Verrières en 1936, est ce « fils de pédzou », comme il le disait lui-même, devenu instituteur à Boudry, puis enseignant de géographie et un peu dʼhistoire et de français à Fleurier, puis au Locle, et enfin à lʼÉcole normale et à lʼÉcole de commerce de Neuchâtel. Avec volubilité, il réussissait à communiquer sa passion de la géographie à ses élèves. « Il vivait la géographie », sʼest rappelé un ancien élève.
Cette volonté de transmettre se retrouve dans sa défense et sa préservation du patrimoine bâti préindustriel et industriel du canton de Neuchâtel. Au début des années 1970, alors que la notion de patrimoine est balbutiante, il sʼengagea dans sa défense à la suite des « pionniers » de sa préservation et participa à la prise de conscience de sa valeur. Après la lecture dʼun conte dʼHans Christian Andersen qui mentionne un moulin souterrain au Col-des-Roches, Marcel Garin entreprit de redécouvrir ce lieu tombé dans lʼoubli et, avec quelques amis, créa la Confrérie des Meuniers. Avec son enthousiasme et son tempérament, il motiva ses proches pour désengorger le site obstrué de pierres, de terre et de matériaux tout en effectuant de nombreuses recherches historiques et historiographiques sur le sujet.
Le travail de désengorgement était rude et se faisait au seau, à la brouette et la truelle chaque jeudi soir. Marcel Garin convainquit même ses élèves retenus de passer leurs « heures dʼarrêt » à désenclaver les cavités le mercredi après-midi. Ceux qui ont aidé au chantier se rappellent parfaitement lʼexcitation à la redécouverte progressive de ces moulins souterrains où chaque progression de quelques mètres fait remonter le temps. Le labeur durera quinze ans pour que la Confrérie des Meuniers puisse rendre le site au public.
Cet élan à la préservation du patrimoine, Marcel Garin lʼappliquera également pour la réhabilitation des Moulins du Gor de Vauseyon. Il étudie les archives et recherche les documents relatifs au lieu pour permettre leur renaissance. Enfin, cʼest Marcel Garin qui soumettra lʼidée du parc didactique des roues du Moulin, voisin de la Maison du Prussien. Avec son expertise reconnue par tous des moulins à eau, il a notamment dressé un impressionnant inventaire des cent moulins autour de notre région.
Curieux et avide de découvertes, Marcel Garin se passionna pour les voyages. Comme enseignant, il travailla au Canada et au Zaïre et sillonna le monde avec son épouse, Rosemarie, au soutien indéfectible, attiré toujours par une volonté de découvrir dʼautres cultures et lʼartisanat du monde entier. Une volonté qui révèle sa passion de lʼethnologie. Enfin, Marcel Garin sʼimpliqua aussi dans la vie politique cantonale et fut, sous les couleurs du Parti radical, député au Grand Conseil durant plusieurs années. Personnalité entière et authentique, il ne laissait personne indifférent. « Vous connaissez mon tempérament », disait-il souvent. Cʼest avec ce tempérament et cette érudition que celui qui se disait plus « intellectruel » quʼ« intellectuel » lègue au canton lʼhéritage patrimonial des moulins du Col-des-Roches et du Gor de Vauseyon et la conscience de la valeur du patrimoine des vallées neuchâteloises.