Horaire TransN 2025
Qu’en pensent les chauffeurs ?
Dans la série relative à l’horaire de bus TransN 2025, nous vous proposons un nouvel éclairage cette semaine. Pour rappel, une levée de boucliers a eu lieu aux Verrières et aux Bayards qui se sentent lésés à la suite de l’annonce de la nouvelle offre. La ligne 590 entre Couvet et Pontarlier subira de nombreuses suppressions de courses faute d’un taux de couverture suffisant et donc de subvention fédérale. Comment les chauffeurs ont-ils vu évoluer la ligne ? éléments de réponse avec François Oppliger.
François Oppliger connaît, par le menu, les réalités de la ligne 590 pour y avoir travaillé durant 17 ans. Même s’il a pris sa retraite en décembre 2017, il continue de conduire des bus en qualité de chauffeur auxiliaire. Cela en fait un témoin privilégié des évolutions consenties ou subies depuis près de 20 ans. Alors, c’était mieux avant François ?
Des nuances et des « mais »
« Je ne peux pas vous dire que tout était parfait à l’époque ni que tout est à jeter aujourd’hui. Il faut garder des nuances car cette ligne reste assez à part. Les Verrières étaient desservies par des trains auparavant et il est normal que la population ait pris l’habitude de vivre avec des transports publics fréquents, jusqu’à tard le soir. Ce n’est pas le cas de La Côte-aux-Fées ou de La Brévine par exemple. » Je ne sais pas vous mais moi je sens arriver le « mais ». « Mais pour être honnête, je regrette beaucoup la perte du côté humain du métier. Petit à petit, tous les chefs de gare ont été supprimés et toutes les commandes ont été centralisées dans de grands axes urbains régionaux. Tout est télécommandé depuis La Chaux-de-Fonds pour le réseau TransN et même depuis Lausanne pour le parcours Travers – Neuchâtel. »
La force du symbole
Et si vous développiez encore un peu ce « mais » s’il vous plaît ! « Du coup, les informations ont de la peine à arriver jusqu’aux chauffeurs. Heureusement qu’il reste les clients. Moi, je suis de la vieille école. J’aime encore tailler le bout de gras avec eux. » Le Vallonnier de bientôt 70 ans souligne un point important. Dans ces villages, l’offre de bus est au moins aussi symbolique qu’utile. Voir des navettes disparaître c’est comme si leur village se mourait progressivement et beaucoup ne supportent pas ça. Pour certains, prendre le bus comporte une composante sociale à ne pas négliger. « Tailler le bout de gras » avec le chauffeur est un rendez-vous dans la journée et ils y sont attachés.
Abandon des courses à la demande
« Aujourd’hui, il y a de moins en moins de moyens investis sur cette ligne et les clients le ressentent. Cela leur fait mal. Je les comprends très bien car j’ai la même vision des transports publics qu’eux. Vous savez, ma période préférée a été celle du bus à la demande qui se faisait le week-end et le soir à partir de 20 heures. Nous étions à disposition des clients jusque vers 23 h 15 et on se déplaçait uniquement en cas de besoin. C’était même jusqu’à 0 h 15 les vendredis et samedis. On pouvait se déplacer pour deux ou trois clients et le contact était forcément favorisé. » Ces bus à la demande ont été supprimés il y a quelques années et le taux de couverture de la ligne a chuté sous les 20%.
Comprenez-vous donc que certaines courses, en soirée, ont été annulées dans l’horaire 2025, faute de « rentabilité suffisante » ?
Pétition : 2750 signataires
« Non, je ne comprends pas car c’est aussi un service public. Le soir, il faut accepter qu’il y ait moins de monde dans le bus car le coup de feu est passé. On parlait de ‹ gras › tout à l’heure. En l’occurrence, on peut dire qu’ils ont trop largement taillé dans ce gras et il n’en reste malheureusement plus beaucoup. La Confédération souhaite faire des économies sur le trafic régional, ce qui inclut une modification de la part cantonale et communale. La ligne 590 a toujours flirté avec les 20%. Sauf que maintenant, l’Office fédéral des transports met la pression sur les cantons et les entreprises pour réduire les coûts. Et cette fois, il a mis le paquet. » C’est ce qui a du mal à passer. Au dernier relevé, 2750 personnes avaient pris le temps d’apposer leur griffe sur la pétition contre cet horaire 2025. Saturés qu’ils sont, comme des acides gras ?
Kevin Vaucher
Du rail à la route, une carrière « en transit »
François Oppliger est conseiller général de Val-de-Travers. Il a fait partie de la commission régionale des transports. Détenteur d’un CFC de mécanicien agricole, il a fait ses débuts dans les chemins de fer en 1988 au RVT. D’abord à l’entretien des voies avant d’être bifurqué à la halle de marchandises. C’est là que « les courses du Vallon » étaient réceptionnées. « Plusieurs wagons de marchandises arrivaient chaque jour. La cadence était tenue grâce à différentes entreprises actives dans le bois, la ferraille, les citernes ou encore la Dubied. Puis, petit à petit, les chefs de gare ont disparu et les trains ne s’arrêtaient plus que dans certains nœuds régionaux. Les marchandises étaient ensuite livrées en région par camion. Au bout d’un moment, il ne nous restait quasiment plus rien à faire si ce n’était de nettoyer les gares. » C’est à ce moment-là que sa direction lui a demandé de passer le permis poids lourd pour devenir chauffeur. De fil en aiguille, il est arrivé devant le volant de car et de bus. Voilà comment il s’est retrouvé de service sur la ligne 590 entre Couvet et Pontarlier.