Ils ne manquent pas de toupins
Appelez-le l’écho de Solmon ou l’Amicale des sonneurs de toupins neuchâtelois, peu importe, le bruit restera le même. En revanche, ne confondez jamais une cloche avec un toupin. Dans ce cas, vous risqueriez de fâcher la petite cinquantaine de ces amoureux de folklore helvétique. S’ils embellissent les cortèges – notamment lors des désalpes – depuis 1992, ils répondent également à des sollicitations de privés pour des mariages par exemple. Pendant que vous chercherez à obtenir la main de votre partenaire, eux porteront leurs toupins sur les épaules. Mais soyez convaincant pour qu’elle dise oui assez rapidement car le poids des « sonnantes » peut atteindre trente kilos.
Moi, c’est avec le couple Lambercier que je me familiarise avec l’univers des toupins. Séverine et Patrick sont membres du groupe depuis le début des années 2000. Ils ont donc vu évoluer de près cette amicale qui fête son trentième anniversaire. Ils viennent du Locle mais le siège des sonneurs de toupins est resté à Noiraigue malgré les changements de présidence. Si deux jeunes enfants de 11 et 8 ans gravitent dans ce milieu, il est vrai aussi que la moyenne d’âge se fait vieillissante.
Le folklore n’est pas la première chose qui attire les jeunes,
reconnaît Séverine. La dame la plus âgée du groupe, qui sonne encore, vient de fêter ses 83 ans, ça en fait des coups de cloche donnés. Oups, pardon, on parle de toupins et non pas de simples cloches.
On nous appelle souvent à tort des sonneurs de cloches. Ce n’est pas vrai. Les cloches sont en bronze, fondues et coulées dans un moule alors que les toupins sont en tôle, réalisés à partir d’une « plaque plate ». Cette plaque est travaillée avec une presse et un marteau pour y donner sa forme. Il n’y a donc jamais deux pièces identiques. » Dont acte !
Objectif : imiter le troupeau montant à l’alpage
Les membres viennent de tout le canton mais aussi du Valais et de Berne. D’ailleurs, l’écho de Solmon aime se faire entendre au-delà des frontières neuchâteloises. Il participe à une quinzaine d’événements par année dans la région mais aussi partout en Suisse et même en France lors de la désalpe de Montlebon.
En 2008, une délégation a participé à un festival folklorique du monde à Prague. C’était une belle expérience aussi.
Sur le plan technique, les toupins sont portés sur les épaules du sonneur par un joug en bois.
Ensuite, c’est pas bien compliqué, il faut les balancer légèrement pour les faire résonner. Notre objectif est d’imiter au mieux le troupeau montant à l’alpage.
Original ! Et comment en vient-on à vouloir faire partie du « troupeau » ?
Patrick fait du cor des Alpes depuis 22 ans. En 2001, je l’accompagnais sur un événement où il y avait le groupe des sonneurs de toupins de Noiraigue. L’ancien président Max Calame m’a dit qu’il n’avait pas assez de membres et m’a proposé d’essayer. C’est comme ça que j’ai intégré « le troupeau » en cours de route.
Non seulement elle a fait une bonne action ce jour-là mais elle a aussi été courageuse. Porter deux toupins suspendus à un morceau de bois durant 1 h 30 de cortège demande une certaine condition physique.
Leur poids varie en fonction de leur taille. Ça va de 3 à 15 kilos par pièce environ. Les hommes les plus costauds peuvent donc porter jusqu’à 25-30 kilos.
Les fabricants de toupins ne courent ni les rues ni les alpages. Dans les alentours, il y en a un près de Berne et un autre à Bière.
Un toupin vaut mieux qu’une petite voiture…
Vu le prix d’une paire de toupins, certains membres prêtent ce matériel aux nouveaux et à ceux qui n’ont pas investi dans ce « trésor » qui coûte jusqu’à 1500 francs. Ce bien est si précieux pour ces passionnés que le toupin fait un parfait cadeau. à l’âge où certains reçoivent une petite voiture, d’autres déballent des toupins.
Pour les 20 ans de nos plus jeunes membres ou alors comme cadeau de mariage, c’est parfait. Il y a aussi possibilité de les recevoir lors de sa prise de retraite. C’est un présent qui marque. Nous, on a offert une petite paire à notre fils pour ses dix ans, car il a vraiment croché, et il était très content.
à noter que la taille de « l’instrument » agit directement sur les sonorités qui en sortiront.
Dans un groupe, il faut donc veiller à en varier au maximum. Pour se « caler » les uns sur les autres, il y a très peu de répétitions programmées.
En général, ça se résume à deux rencontres d’entraînement par an. Contrairement aux autres groupes de sonneurs, on n’a pas besoin d’être dans un rythme particulier puisque nous voulons avoir cet effet sonore de troupeau un peu désorganisé et puissant en même temps. La partie la plus importante est d’apprendre à marcher sur des largeurs différentes avec notre instrument sur les épaules.
Effectivement, lors des déambulations, les rues ne sont pas toujours très larges et il faut savoir passer de deux colonnes à une seule tout en maniant sa paire avec agilité.
Haie d’honneur de toupins
Les sonneurs multiplient les terrains en fonction des saisons.
Il y a les montées d’alpage, les désalpes (Lignières,…) et différents cortèges. On a fait les Vendanges à Neuchâtel, le cortège folklorique de Zermatt, les fêtes de lutte et d’autres festivals nationaux et internationaux. Les privés peuvent aussi nous contacter via notre site internet pour que l’on joue à leur anniversaire, mariage et ainsi de suite. On va également volontiers dans les homes, les mi-été ou les fêtes villageoises. Il n’y a pas de limite pour le toupin,
s’amuse Séverine. On peut même aller jusqu’à affirmer qu’il n’y a pas de limites terrestres pour le toupin. Certains membres ont souhaité qu’il résonne en rang d’honneur pour accompagner leur dernier voyage à leur enterrement. Les cieux seraient-ils sensibles au tintement de ces sonnantes ?
Kevin Vaucher