L’écolier à barbe grise
Jean-Jacques Rousseau et l’herborisation
Mort en 1778, Jean-Jacques Rousseau a laissé une empreinte profonde dans la pensée politique et pédagogique des siècles ultérieurs, et dans le développement de la littérature française. On ignore souvent l’impact plus sourd de son œuvre sur d’autres domaines, comme la musique et la botanique. À l’égard de la botanique, le souvenir de Rousseau, de ses herborisations, de ses écrits scientifiques et de ses herbiers a contribué à la popularisation de la « science aimable » dès la fin du 18e siècle. Les amateurs d’herborisations se multiplient et la figure du « botaniste herborisant » s’impose bientôt dans la littérature et dans l’iconographie sous les traits de Rousseau.
Pourtant, du vivant de Rousseau, l’image d’un philosophe qui parcourt les campagnes à tâtons pour observer les pistils et compter les étamines peut surprendre, parfois intriguer les contemporains. Ayant commencé d’apprécier la botanique tardivement, pendant son exil à Môtiers (1762-1765), l’auteur des Confessions se laissait alors gagner par le sentiment grandissant d’un complot ourdi contre lui. Il se méfiait du regard de ses prétendus amis qui, le voyant cueillir et sécher des plantes, estimaient selon lui qu’il préparait d’étranges potions, peut-être des poisons…
Aussi, Rousseau explique abondamment dans sa correspondance les motifs qui l’attirent dans la nature et il décrit volontiers les plaisirs que lui procure l’herborisation. Avec humour, il se compare à un herboriste qui récolte des spécimens pour confectionner des remèdes, quoiqu’il n’ait aucun intérêt pour les vertus médicinales réelles ou prétendues des plantes. Souvent, il se dépeint comme un écolier à barbe grise, avide de se plonger dans l’étude du règne végétal sans jamais prétendre la dominer. Parfois, Rousseau se rêve explorateur : le voilà qui gravit des montagnes à la recherche d’une flore méconnue ou qui envisage l’idée de s’exiler dans les îles grecques pour y faire fructifier sa passion scientifique.
L’herboriste, l’écolier et le voyageur naturaliste : telles sont les trois figures à travers lesquelles Rousseau dépeint son goût de l’herborisation. Sur le terrain, c’est toutefois en botaniste rigoureux que le philosophe s’adonne à l’étude du règne végétal, armé d’ouvrages de référence et d’herbiers soigneusement confectionnés.
Timothée Léchot
Pour en savoir plus : Timothée Léchot, « Jean-Jacques Rousseau et la figure du botaniste herborisant », Bulletin de l’Association Jean-Jacques Rousseau, No 78, 2019, 32 p.
Commande sur http://www.associationrousseau.ch ou sur place au MRM. http://cadsandria.synology.me/associationrousseau/fr/musee.html.