Joël Bütschi
Le manège du petit garçon aux culottes courtes !
Tout commence un jour de 1953 à Môtiers. Les manèges ont envahi la place de la Gare et le petit Joël Bütschi les regarde avec émerveillement du haut de ses 8 ans. Malheureusement, les temps sont rudes et ses parents n’ont pas de quoi le faire monter sur l’une de ces « machines tournantes ». Alors il se contente d’écouter la musique qui sort des orgues qui les accompagnent. Septante-deux ans plus tard, le vent a tourné et le manège avec…
Aujourd’hui, les culottes courtes ont disparu mais les notes de l’orgue résonnent toujours dans les oreilles de Joël Bütschi et ses près de 80 ans. Après plus de 3000 heures de travail, échelonnées sur dix ans, le Vallonnier a construit de ses mains son propre orgue de barbarie. Il s’affiche fièrement dans le salon de son appartement. Ses 30 kilos ont délicatement été posés sur une petite charrette en bois.
Une enfance à la dure pour ce jeune homme doué de ses mains
Même s’il n’avait que huit ans lorsqu’il a vécu ce moment marquant près des manèges de Môtiers, on sent que le souvenir est encore très présent dans son esprit. « Je me rappelle que j’avais des culottes courtes et des chaussettes en laine de mouton non dégraissée pour lutter contre le froid. Elles étaient chaudes mais qu’est-ce qu’elles piquaient. » Sa famille était agricultrice et la vie n’était pas facile tous les jours. « Mon frère est né à la ferme, une journée très enneigée où il a fallu venir le chercher en traîneau. » Joël, lui, était très doué en mécanique et en électricité, il a notamment étudié à l’école d’ingénieur de Lausanne. « Puis, j’ai travaillé à l’école technique (CNIP) en tant que maître de pratique durant plus de 15 ans. C’est durant cette période que j’ai été confronté une deuxième fois aux orgues de barbarie. »
Son deuxième rendez-vous inattendu avec l’orgue de barbarie
Soit dit en passant, ce nom « barbarie » viendrait de sa sonorité, jugée moins noble que celle des orgues d’églises. Un jour de 2007, Joël Bütschi est en voyage en Belgique du côté de Veurne. « Nous nous sommes endormis dans un camping-car sur un parking désert. Le lendemain matin, nous étions entourés de centaines de véhicules. Il y avait un festival d’orgue dans cette ville. Et je me suis retrouvé devant eux comme quand j’étais gamin, sur la place de la Gare de Môtiers. » Un moment forcément spécial.
Une puce électronique pour remplacer le carton
Cette « histoire d’amour » s’est intensifiée il y a dix ans. « J’ai commencé à esquisser des plans avec l’idée de créer mon propre orgue. Je peux dire qu’il m’a fait passer de sales nuits », rigole-t-il encore. Lors d’une de ses recherches, il tombe sur l’orgue Erman, du nom de son créateur Jean-Paul Erman. « Il a utilisé une puce électronique en lieu et place des cartons perforés. C’était la bonne solution ! » Une solution moins encombrante et plus écologique lorsque l’on sait que 2000 chansons tiennent dans une puce de 2 gigas. « À titre de comparaison, 2000 chansons en cartons perforés équivaudraient à une tonne de carton environ. » Il en faudrait des culottes courtes pour stocker tout ça…
Kevin Vaucher
Avec des restes d’érable de l’escalier d’espaceVal
L’orgue de barbarie de Joël fonctionne avec 63 flûtes qui chantent grâce à l’air propulsé par deux soufflets à double effet qui donnent donc quatre impulsions d’air par tournée de manivelle. Entièrement en bois, il a notamment été élaboré avec des restes d’érable utilisé pour les escaliers en bois d’espaceVal. Pour le moment, il le réserve à un usage exclusivement privé mais le Vallonnier est prêt à aller faire flotter ses airs de musique dans les homes, près de commerces ou lors de foires.