Rubrique Juridique
Psychiatrie – Relations adéquates avec les patients
Dame R., suivie de façon ambulatoire depuis six ans, a été hospitalisée dans un centre psychiatrique du 19 au 25 janvier 2018. Son infirmier référent était X… qui travaillait dans cet établissement.
Peu après sa sortie, dame R. a contacté X… par le biais d’un site de rencontre. Ils ont entamé une liaison. X… s’est posé la question de savoir si son comportement correspondant à l’éthique, envisageant éventuellement de démissionner avant d’y renoncer et de poursuivre cette liaison.
Alors que la santé de dame R. se péjorait et que cette dernière envisageait d’informer le centre de la situation, le 27 mars 2019 X… a parlé de sa liaison à l’infirmier-chef de son unité de soins en précisant que, pendant l’hospitalisation de la patiente, il avait observé la distance thérapeutique nécessaire. Et l’information est remontée jusqu’à l’employeur qui, lui reprochant d’avoir entretenu une relation avec dame R. à la suite de son hospitalisation, a rendu une décision le 9 avril au terme de laquelle il le suspendait de ses fonctions avec effet immédiat et envisageait de mettre fin à son contrat de travail avec effet immédiat également, après l’avoir entendu. Lors de l’entretien qui eut lieu le 23 avril, X… expliqua qu’après son hospitalisation pendant laquelle il avait été son référent, dame R. avait toutes ses capacités, qu’elle allait bien au début de leur relation et qu’elle n’était plus une patiente pour lui.
Par décision du 25 avril, le centre a résilié le contrat de travail de X… avec effet immédiat et pour les raisons déjà invoquées.
X… a recouru contre cette décision auprès du tribunal compétent concluant à l’annulation de la décision du centre et à sa réintégration en tant qu’infirmier. Cette juridiction « a retenu qu’il n’était pas admissible que le recourant ait entamé une relation intime avec une ancienne patiente à peine quelques jours après la fin de son hospitalisation, tout en sachant qu’elle bénéficiait encore d’un suivi ambulatoire au Centre.
Au vu des risques de dépendance notamment, ce comportement n’était ni compatible avec une pleine conscience professionnelle, ni avec une conduite personnelle honorant la profession d’infirmier en psychiatrie et ne renforçait pas non plus la confiance du public dans le personnel infirmier ». Le recours fut rejeté.
X… a formé un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral (TF) concluant à l’annulation de l’arrêt attaqué et à sa réintégration. Le TF s’est longuement penché sur les règles déontologiques qui pouvaient ressortir des dispositions fédérales, cantonales, de dispositions prises par de nombreuses associations professionnelles en matière de santé, de règles concernant la formation professionnelle du personnel médical, des directives médico-éthiques en vigueur et la relation entre le professionnel de la santé d’une part et le patient d’autre part. Dans un arrêt particulièrement fouillé du 28 janvier 2021, il a considéré que la juridiction précédente « n’était pas tombée dans l’arbitraire en considérant qu’en débutant une liaison avec une ancienne patiente peu de jours après sa sortie de l’hôpital et tout en sachant qu’elle présentait encore un état de santé psychique fragile, le recourant avait eu un comportement incompatible avec une pleine conscience professionnelle, lequel résultait d’une violation générale d’entretenir des relations adéquates avec les patients… ». Considérant ce comportement comme suffisamment grave, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de X… en mettant les frais de justice à la charge de ce dernier. (ATF 8C_667/2019)
Blaise Galland, avocat