La foire déballe ses secrets
Il y a une semaine, le Courrier vous présentait la foire de Travers et vous faisait part d’une grande inconnue entourant la manifestation : quelle est son histoire que personne ne semble connaître entièrement ? L’enquête a été rondement menée et je suis en mesure de vous en dire plus aujourd’hui. Il s’agissait de la 38e édition depuis que la foire d’automne a été établie annuellement le dernier vendredi de septembre. Avant cela, elle existait bel et bien déjà mais n’était simplement plus fêtée depuis belle lurette et aucun comité ne s’en occupait jusqu’en 1984.
En Suisse, les premières foires et les plus anciennes sont celles de Genève. Mentionnées dès le milieu du 13e siècle, elles ont atteint leur apogée vers 1450. Elles n’arrivent que plus tard au Val-de-Travers. à Couvet, c’est le roi de Prusse qui autorise deux foires par année en 1711. Elles ont lieu les derniers vendredis des mois de mai et d’octobre. Travers a suivi le mouvement vers la fin du 18e et le début du 19e siècle. Problème pour cette dernière, elle se tient à une date fixe qui ne change pas d’une année à l’autre. Elle peut donc tomber aussi bien un lundi qu’un samedi ou un jeudi. Autrement dit, la foire de Travers pouvait tomber en pleine semaine et comme les gens travaillaient, il n’y avait personne pour y prendre part. C’est ce qui l’a peu à peu effacée des écrits et des mémoires.
Un jour fixe plutôt qu’une date fixe
Puisque c’est le commerçant Marcel Jaccard – avec l’agriculteur Francis Blaser et l’enseignant Bernard Gogniat – qui a relancé la foire de printemps et celle d’automne dans la foulée, j’ai décidé de pousser sa porte pour en savoir plus. Aujourd’hui âgé de 82 ans et résidant de Fleurier, il a vécu avec sa femme Marylise à Travers entre 1962 et 2020. Ceux qui tenaient boutique dans l’ancien Hôtel Henchoz sont donc particulièrement bien placés pour me répondre.
Avant 1984, nous n’avions jamais entendu parler de la foire de Travers pour être honnêtes. Elle était complètement tombée en désuétude à cause de cette question de date fixe. Parfois, on se rappelle d’ailleurs que des forains entraient dans notre magasin pour nous demander où se trouvait la foire. Mais comme plus rien ne se faisait à cette date depuis très longtemps, on ne comprenait pas bien ce qu’ils venaient faire là,
évoquent-ils amusés.
En 1983, lorsqu’ils ont décidé d’entamer des démarches pour relancer les foires de printemps et d’automne l’année suivante à Travers, les trois (re)fondateurs se sont donc accordés sur un jour fixe plutôt qu’une date fixe.
Ainsi, les derniers vendredis d’avril et de septembre ont été privilégiés pour être un mois avant celles de Couvet et ne pas se marcher sur les pieds.
Tout en s’assurant de tomber chaque année sur un vendredi, un bon jour pour faire des affaires. Au printemps, la manifestation se tenait devant l’Hôtel de l’Ours et sur une partie de la rue de la Gare. Le champ du Breuil accueillait quant à lui bétail et machines agricoles.
Le village était le premier du canton à relancer la foire au bétail car cette tradition s’était perdue avec le temps. Et à la place du Tilleul, du petit matériel d’artisanat était échangé. Pour entourer tout cela, trois buvettes, tenues notamment par le FC Travers et la société des accordéonistes, étaient à disposition.
Des voitures au cœur de la foire !
Les premières éditions ont été de véritables cartons, il y avait beaucoup de visiteurs et un grand nombre de marchands. C’était la même chose en automne si ce n’est que la foire au bétail se déroulait au nord de l’ancien Café du Jura.
Ah oui, je me souviens aussi qu’il y avait un bal à l’Hôtel de l’Ours le soir et c’est la vedette Bouby Barbezat qui mettait l’ambiance à l’accordéon. Toute une histoire,
envoie Marcel avant qu’une série de souvenirs de l’époque rejaillisse soudainement. Après quelques années, la popularité des foires et des concours de bétail a diminué et ils ont peu à peu été abandonnés.
Ça a été un tournant important car cela a mis un gros coup de frein aux foires de Travers. Couvet a ainsi conforté sa position de village organisant les plus grosses foires du Vallon.
Malgré ses atomes moins crochus avec les Vallonniers, Travers a maintenu sa (nouvelle) tradition et la foire d’automne est toujours organisée aujourd’hui.
Dans le comité, les têtes se sont continuellement renouvelées et le fils de Marcel et Marylise y a passé la sienne. Claude Jaccard, qui tient le magasin d’alimentation Discount ABC, a été l’un des initiateurs d’un grand changement opéré en 2010 concernant la foire de printemps.
Il était urgent de repenser cet événement compte tenu de sa perte de vitesse,
expliquait-il à l’époque. Une nouvelle formule a donc été lancée et appelée « marché artisanal du Vieux Pont ». Ce marché est principalement axé sur les produits artisanaux du terroir. Il a lieu les premiers samedis de mai chaque année à la rue des Mines. Quant à la foire d’automne, elle a aussi migré de l’autre côté du pont pour des questions de circulation et de sécurité essentiellement.
Il est vrai qu’on devait fermer le trafic à certains endroits et le dévier à d’autres. Et les voitures passaient même à travers la foire en la coupant en deux. Donc oui, cela est devenu problématique avec le renforcement des normes de sécurité au fil des ans.
Plus d’excuse désormais, vous voilà incollables sur l’événement. Alors, vous y passerez une tête ?
Kevin Vaucher