Olivier Pianaro
La musique coule dans ses« Vienne »
Olivier Pianaro aura l’âge de la retraite à la fin de ce mois de novembre. Cet homme aux multiples casquettes a lâché ou en lâchera la plupart mais il gardera fermement la baguette dans les mains. Diriger des orchestres, c’est avant tout un plaisir pour lui. Un besoin aussi sans doute, comme il a pu s’en apercevoir sous pandémie lorsque la vie musicale s’est arrêtée comme le reste. Le résident de Saint-Sulpice, formé à Vienne notamment, retrouvera le bonheur de la scène les 4 et 5 décembre à l’occasion du 83e concert du Chœur des Rameaux à la salle de musique de La Chaux-de-Fonds.
Vif et chaleureux, ce sont les deux adjectifs qui résument le mieux Olivier Pianaro. Ces caractéristiques humaines se retrouvent aussi dans sa manière de diriger un orchestre. Avec lui, c’est à chaque fois une lecture tonique des grandes œuvres du répertoire choral qui est proposée. Ses partitions, il les scrute, les épluche et les annote pour être au plus près de ce qu’il recherche. Cela lui permet de guider efficacement ses musiciens et de déconstruire chaque morceau pour mieux lui donner vie. Intensité de chaque instrument, changement de rythme ou intensification d’un passage, tout est sous ses yeux. Ce travail « de chirurgien » effectué en amont, il « n’a plus qu’à » faire passer le message aux membres de son orchestre par les gestes.
Le samedi 4 (19 h 30) et le dimanche 5 décembre (17 h), c’est sur la fresque musicale « Beethoven habite à l’étage » ainsi que sur la Messe en do majeur (op.86) qu’il le fera à la salle de musique de La Chaux-de-Fonds.
Une cinquantaine sur scène
C’est quand même particulier car c’est la première fois en Europe que deux comédiens (Michel Favre et Romann Boubet) vont accompagner en direct la petite cinquantaine de membres de l’orchestre, solistes compris. On souhaitait marquer le coup en 2020 – repoussé pour cause de Covid – pour les 250 ans de la naissance de Ludwig van Beethoven.
Cette configuration permet également de présenter l’artiste d’une manière attractive et accessible aux familles.
C’est le groupe Symphonia Genève, qu’il dirige depuis 2016, qu’il aura à guider pour ce qui est de « Beethoven habite à l’étage ». L’histoire est simple. Un jeune garçon est bouleversé par la venue d’un homme excentrique dans l’appartement au-dessus de celui de sa famille. Cet homme, c’est Beethoven lui-même qui vient de débarquer dans son immeuble.
Beethoven a habité ici !
Comme il est sourd, il hurle fréquemment. Il se balade aussi tout nu, partition à la main, devant les fenêtres. Malgré tout, le jeune s’attache petit à petit à cet excentrique individu.
Il faut savoir que le compositeur a dû déménager vingt à trente fois à Vienne, c’est dire qu’il ne devait pas être un locataire si facile que ça,
pouffe Olivier Pianaro.
C’est simple, dans les rues de Vienne il suffit presque de lever la tête pour apercevoir un bâtiment « Beethoven a habité ici. Je pousse un peu mais c’est assez fréquent dans le centre-ville.
Cette première partie va durer environ 45 minutes avec les comédiens qui illustreront donc l’histoire au cours des 31 tableaux qui se succéderont. Après l’entracte, on reviendra à quelque chose de plus classique avec la Messe en do de Beethoven, interprétée par le Chœur des Rameaux et Symphonia Genève (40 minutes).
Les héritiers du Chœur des Rameaux
L’histoire de cette œuvre est belle car elle n’a pas été comprise immédiatement à l’époque. Le compositeur allemand a dû ruser pour la vendre à des éditeurs en l’incluant à d’autres créations. C’était le package complet ou rien, preuve qu’il y tenait à sa Messe.
Olivier Pianaro la connaît sur le bout des doigts grâce à son immense expérience à la baguette. Il a notamment dirigé durant 20 ans le Chœur mixte de Colombier, il a aussi créé celui de l’Eren et il est à la tête de celui des Rameaux depuis plusieurs années.
J’aime intégrer des jeunes qui sont en fin d’études à la Haute École de musique pour participer à leur formation. Le Chœur des Rameaux est un bon mélange d’anciens et de néophytes où les connaissances trouvent ainsi des héritiers au fil des ans.
L’année 2020 a été l’unique creux dans cette pyramide des savoirs.
C’était pas évident, il ne se passait plus rien. Cela m’a manqué même si j’ai bien d’autres activités à côté et que j’ai eu suffisamment à faire malgré tout.
Depuis le 1er janvier 2021, il est notamment président du centre culturel du Val-de-Travers.
Le talent c’est 10%, le reste c’est du travail
Il était également de la commission des finances du Musée régional et il a participé au succès de la récolte de fonds pour la restauration de la maison des Mascarons.
Depuis les neuf ans que j’ai passés à Vienne pour y passer deux diplômes (1975), je ne peux pas tout vous raconter ce que j’ai vécu car il y aurait tellement à dire. J’ai par exemple été dans la classe d’Otmar Suitner qui était le chef de l’opéra de Berlin-Est. Ensuite, j’ai parcouru le monde en tant que choriste dans le Chœur des jeunesses musicales de Vienne. Finalement, il m’a été donné de côtoyer le grand Leonard Bernstein. Je l’entends encore me dire avec sa grosse voix : « Vous avez du talent, c’est bien. Mais c’est seulement 10% du chemin, le reste c’est du travail ». J’ai toujours gardé ça bien en mémoire, croyez-moi, même si je n’ai pas fait une grande carrière selon moi. Je me suis pas mal dispersé on va dire.
Il a été chef de plusieurs chœurs, il a donné des cours de solfège mais il a aussi été directeur du centre d’accueil pour requérants dʼasile des Cernets durant vingt ans. Il a aussi dirigé la Fondation « Le Camp » de Vaumarcus et le Home Dubied de Couvet. Une bien belle partition !
Kevin Vaucher