L’assaut de l’Eigergletscher
Pierre-Alain Rohrer se régale à 2320 mètres d’altitude
Pierre-Alain Rohrer est bien connu au Val-de-Travers. L’ancien tenancier du restaurant des Six-Communes habite toujours dans une ferme sur les hauts de Riaux même s’il travaille désormais au château de Boudry. L’homme de bientôt 62 ans tient la forme et aime toujours autant courir de défi en défi. Il y a quelques jours, il s’est ainsi lancé à l’assaut de l’Eigergletscher, situé à 2320 mètres d’altitude. Ce magnifique décor a servi d’arrivée au marathon le plus haut du monde. Récit.
En ce 7 septembre 2024, le temps est immaculé de ciel bleu et de soleil du côté d’Interlaken. C’est dans cette petite contrée de l’Oberland que le marathon de la Jungfrau a lieu chaque année. Ce parcours n’est pas pareil aux autres. Il n’a rien d’un marathon conventionnel. Les 42.195 kilomètres de la distance reine sont agrémentés par 2000 mètres de dénivelé positif en direction du glacier de l’Eiger. « C’est un endroit magnifique et une expérience fantastique », relève immédiatement Pierre-Alain Rohrer qui s’est déplacé avec deux amis vallonniers. Alain Perrenoud et Walter Rutz sont deux fidèles compagnons de route de longue date. « J’étais très heureux de participer pour la première fois à cette course avec eux. Nous y avons aussi croisé d’autres coureurs du Vallon comme la famille Buchilly. » L’ancien Vallonnier Jonathan Raya était également de la partie. Il a terminé à une belle 22e place, après 3 h 40 d’effort.
Tombé en plein dans le piège…
Le vainqueur Vitaliy Shafar a gravi la montagne que représente ce challenge en un peu plus de 180 minutes. Beaucoup des 4000 coureurs ont mis au moins le double de temps pour en finir. Le sexagénaire Rohrer a arrêté le chrono après 5 h 02 (656e). « Je visais moins de cinq heures mais je ne pouvais vraiment pas accélérer sur la fin, c’était très dur. J’ai eu des crampes à partir de Wengen, situé au trentième kilomètre. Je dois avouer que je suis tombé dans le piège du mauvais équipement. » Au nez, qui dit course de montagne dit plutôt « équipement trail », vous en conviendrez ? Eh non ! C’était bien ça le piège. « Il y a 25 bornes de plat sur goudron depuis le départ avant de commencer l’ascension de l’Eigergletscher. Il fallait donc privilégier l’équipement de route. D’autant plus que le terrain était parfaitement sec. » Par conséquent, ses jambes étaient totalement grillées avant de s’attaquer à la grosse difficulté du parcours. « J’aurais peut-être dû m’entraîner un peu différemment », rigole-t-il maintenant.
Savoir combiner son temps entre entraînement et restaurant
Parlons d’entraînement justement. Malgré ses très bons temps pour son âge, l’ancien tenancier des Six-Communes ne suit aucun plan d’entraînement. « Avec la vie qu’on mène au commerce, je peux difficilement courir à un autre moment que le matin, de temps en temps », affirme celui qui fait défiler les kilomètres à pied et à vélo depuis qu’il a 17 ans. Cette longévité explique sa condition physique au-dessus
de la moyenne. « J’ai la chance d’être en bonne santé, c’est vrai ! Peut-être que j’aurais eu moins de crampes si j’avais suivi un entraînement avec mon ami Julot (Jacques Müller) mais je suis content de mon niveau quand même, surtout avec le métier que je fais. La restauration n’est pas vraiment une profession mais une façon de vivre et j’aime le faire avec rigueur. »
Pierre-Alain sait aussi se faire plaisir. « Une fois arrivé en haut de l’Eiger, on récupère nos sacs puis on redescend directement sur Grindelwald avec le téléphérique. Après la douche, on ressort directement dans le village marathon où il y a de la musique et un bel esprit de fête. On était partis pour y rester mais nos compagnes nous attendaient à Môtiers pour partager un repas alors on est sagement rentrés », plaisante-t-il. Brave décision ! Ce n’est pas la ligne d’arrivée mais la porte d’entrée familiale qui aurait été difficile à franchir dans le cas contraire…
Kevin Vaucher
Mieux vaut être devant son écran pour avoir un dossard
Le marathon de la Jungfrau est une course difficile mais unique. Il se court dans un cadre naturel exceptionnel. Aussi exceptionnel soit-il, le sommet de l’Eigergletscher n’est pas prévu et « conçu » pour accueillir une arrivée de course. Cela a poussé les organisateurs à limiter le nombre d’inscriptions. Quelque 4000 dossards sont disponibles à chaque édition. Et mieux vaut être réactif pour être parmi les élus. « Les dossards partent presque aussi rapidement qu’à Sierre-Zinal où tout a été vendu en 1 h 30. Le jour de l’ouverture des inscriptions, il faut donc être prêt. Moi, j’attendais devant mon écran pour être sûr de ne pas passer à côté. Ce nombre limité de coureurs permet de maintenir un degré d’organisation vraiment très élevé. C’était parfait, à la mode suisse allemande. L’ambiance était aussi sublime avec la présence d’orchestres lorsque nous traversions de petits villages de montagne. Cela change du marathon de Berlin que j’ai couru deux fois. Là-bas, c’est la grande foule », se souvient Pierre-Alain Rohrer. C’est d’ailleurs en Allemagne que le marathonien a réussi son meilleur temps : « J’ai couru en 2 h 59 (à 56 ans !). C’est la première et dernière fois que j’ai cassé la barre des trois heures sur la distance. C’est une belle satisfaction. » Le voilà dans le club fermé des « moins de 3 heures ». Bienvenue !