Le 1er mars par temps de guerre
Le 1er mars est un jour important dans le canton de Neuchâtel et, pourquoi pas, en Suisse. Mais comment était-il fêté quand l’Europe et le monde se sont embrasés, entre 1939-1945 ? Quand l’avancée allemande se voulait galopante et que la menace était de plus en plus présente, que restait-il de l’importance de cette journée commémorative par chez nous ? C’est la question à laquelle nous allons répondre dans cet éclairage historique.
En parcourant les archives du Courrier de ces années troubles, il est rapidement clair que la guerre, ses conséquences, ses peurs, ses rebondissements et ses actualités remplissaient très majoritairement chacun des journaux qui sortaient de nos presses. Il est vrai que le Courrier se voulait plus porté à l’internationale à cette période mais quand même. Tout tournait véritablement autour de ce sujet. et c’est « bien normal » serait-on tenté de dire puisqu’il s’agit d’un conflit mondial. Ainsi, en mars 1940, on apprend par exemple que la Russie envoyait de grosses quantités de pétrole à l’Allemagne. Les temps changent dit-on. Voilà que plus de 80 ans plus tard, ces mêmes Allemands se refusent à acheter la moindre goutte de pétrole à la Russie, en raison de l’invasion de l’Ukraine. Autre temps, autre guerre…
Le 1er mars a gardé une (petite) place médiatique
Malgré tous les événements liés à la Deuxième Guerre mondiale, le Courrier n’a jamais oublié de mettre ce qui restait de lumière sur la journée du 1er mars. Certes, ce n’était pas un cahier entier, comme aujourd’hui, ni même une page entière, mais plus sûrement une demi voire un tiers de page. Il est encore plus intéressant de se pencher sur les contenus de ce qui était publié. à l’époque, la mode était essentiellement à la « retranscription » d’une partie des discours qui avaient été prononcés lors des commémorations. Penchons-nous donc un peu sur ce qui était dit.
Des tentatives de « récupération politique »
Le discours est souvent le reflet des réalités qui prédominaient au moment où il a été prononcé. On remarque vite qu’une bonne partie des orateurs ne manquaient pas d’essayer de rapprocher leurs combats et leurs idées à la « grande » histoire qui se passait sous leurs yeux. Chacun « prêchait surtout pour sa paroisse ». Ainsi, le pasteur Lachat de Fleurier avait ces mots : « L’Église est au-dessus des partis. Son rôle est de proclamer les droits souverains de la politique de Dieu, d’annoncer la liberté de Dieu, la justice de Dieu et la paix de Dieu. Tient, une référence à la paix de Dieu, en temps de guerre… » « comme par hasard », diraient certains.
Deux conseillers communaux mobilisés pendant la guerre
Voyons voir si le hasard se confirme avec le discours du député neuchâtelois Louis Besson : « Nous avons une noble fierté nationale. C’est un sentiment que nous devons non seulement maintenir mais cultiver et défendre. Car il existe un ennemi : le communisme. Pour le moment, il se tait et se terre mais son heure viendra. La démocratie exige des élites. Et pour qu’elles soient prêtes à jouer leur rôle lorsque le jour viendra, elles doivent s’y préparer dès maintenant. » Ici, c’est un visage politique que le politicien tente de greffer sur le visage du mal. Celui de l’ennemi. à Couvet, la guerre a touché d’une autre façon la vie locale. En 1940, le président du Conseil communal prend la parole lors du 1er mars et rassure : « Les travaux publics ont été nombreux l’an dernier et tout s’est bien passé. Tout a bien marché aussi dans l’administration malgré l’absence de deux conseillers communaux, mobilisés pendant les premiers mois de la guerre. »
La guillotine coupe l’herbe sous le pied du 1er mars
Voilà un temps où les réalités de la guerre s’imposaient aux politiques et où ils mouillaient la chemise sur le terrain, pour la défense de leurs territoires. Ils ne se mettaient pas en scène en diffusant des vidéos sur les réseaux sociaux pour tenter d’influencer l’opinion. Autre temps, autre guerre… En parlant d’autre temps : le compte-rendu du Courrier sur le 1er mars 1942 avait été un peu raccourci par la force de la guillotine. Ou plus exactement, par la force de l’annonce de son interdiction en Suisse. De ce fait, l’espace non réservé à la Deuxième Guerre mondiale avait été en partie « grignoté » (pour ne pas dire entrecoupé) par cette nouvelle.
La décapitation, ça passait mal… certains jours
Voilà ce qu’on pouvait y lire : « Depuis le 1er janvier, et l’entrée en vigueur du Code pénal suisse, la guillotine a cessé de fonctionner dans notre pays. La plupart estiment que cela est bien. Encore que, à notre humble avis, certains crimes appellent le châtiment suprême. En 1792, le Dr Guillotine avait préconisé ce système de décapitation, le jugeant le plus humain. En Suisse, l’unique guillotine à disposition se trouvait à Lucerne. L’autre, celle de Schaffhouse, ne devant pas quitter le territoire du canton. à Lucerne, la guillotine fonctionna quatre fois en un demi-siècle. Le canton de Fribourg fit exécuter l’assassin Chatton, en 1902. Cette exécution souleva une vague d’indignation en Suisse. Non pas en raison de la sentence mais parce que l’exécution avait eu lieu… le 1er août. » Eh oui, il y a des traditions en Suisse et des jours qui se respectent. Le 1er août, comme le 1er mars, sont de ceux-ci !
Kevin Vaucher