Les quatre-vingts rutilants !
À 80 ans (bientôt 81 ans, me fait-il remarquer avec un clin d’œil), Joseph Della Ricca n’est toujours pas prêt à « se ranger ». Le Vénitien d’origine, qui a trouvé l’amour au Val-de-Travers dans les années 1960, a d’ailleurs décroché son 3e dan de judoka à 70 ans. Depuis 2010, celui qui a débuté le sport sur les terrains de foot italiens, parfois violents, donne des cours de gym douce chaque semaine à l’Avivo. Au contact des seniors, « Giuseppe » profite d’un repos « actif » mérité après une vie sans répit.
Ici, c’est sous le prénom Joseph qu’il est connu. Là-bas, c’est sous celui de Giuseppe qu’il était reconnu. Là-bas, c’est l’Italie et c’est Venise ! Né du côté transalpin le 29 novembre 1940, Monsieur Della Ricca – le nom de famille n’a pas changé, lui – est arrivé en Suisse à l’âge de vingt ans.
Je ne suis pas venu avec mes parents mais tout seul. Un ami venu en Suisse a insisté pour que je vienne le rejoindre à Travers et c’est ce que j’ai fait en pensant rester un ou deux ans, pas plus. Au final, j’ai trouvé du travail chez Dubied et j’y suis resté vingt-huit ans.
Pour être honnête, il est surtout resté pour les beaux yeux d’une Vallonnière avec qui il est toujours marié aujourd’hui. Lorsque l’avenir s’est assombri sur le sort de l’entreprise covassonne, il a pris la pirogue pour rejoindre l’unité hospitalière de Val-de-Travers. Responsable entretien, il y a « pagayé » durant une vingtaine d’années jusqu’à la retraite.
Le climat du Vallon le pousse au judo
À cette époque, il y avait encore un hôpital à Fleurier et un autre à Couvet.
Puis j’ai vécu le moment où celui de Fleurier a été commué en home les Sugits. Chacun avait une fonction propre mais je m’occupais des deux établissements. Toute l’organisation était à revoir puisque le linge était fait à Couvet et les repas à Fleurier. Il fallait être mobile pour combler tout le monde sous tous les plis.
Malgré les restructurations et les réorganisations, Joseph a toujours été celui qui donnait volontiers des coups de main. Cette caractéristique lui a permis de toujours garder un poste dans son secteur et il n’a fait que quatre jours de chômage dans sa vie. La retraite ? Ce mot n’était donc pas le premier à venir dans le vocabulaire interne de cet hyperactif qui a toujours garni ses journées d’une partie sportive qui plus est.
Le Vallonnier de Venise a débuté le judo en 1962 à Couvet et il a été président du Judo-Club Val-de-Travers pendant trente-deux saisons. Sous sa présidence, les salles de Couvet, Fleurier et des Verrières ont été regroupées au sein de la même structure. Sur ses terres italiennes d’origines, le 3e dan faisait plutôt du foot et du cyclisme (trente kilomètres par jour pour aller à l’école). C’est le climat de nos contrées qui l’a poussé vers un sport en salle :
Le froid est perçant ici et je ne voulais de toute façon pas continuer le foot puisque j’en ai fait durant longtemps mais il y avait beaucoup de bagarres dans les championnats italiens. Le judo était idéal car c’est un sport d’été comme d’hiver et la philosophie qui entoure sa pratique est enrichissante.
Aujourd’hui, ce sont les élèves à qui il a enseigné cette philosophie qui la diffuse en héritage à leur tour.
« Le sport, c’est comme les médicaments »
Aujourd’hui, le travailleur acharné et le judoka expérimenté s’est trouvé une nouvelle activité pour faire partager son savoir avec la même conviction qu’à vingt ans.
L’Avivo est une association qui œuvre pour le bien-être des retraités. Il y a beaucoup d’activités comme des sorties-visites, des cours d’anglais et des jeux pour faire travailler l’esprit par exemple. Et moi, j’ai constaté qu’il manquait quelque chose pour l’activité physique et j’ai proposé au comité d’enseigner de la gym douce en 2010. J’avais participé à des cours au niveau national (souplesse,…) et j’avais donc les connaissances nécessaires pour le faire.
Un premier cours est rapidement lancé le lundi matin (9 h-10 h) avec pour objectif de réunir au moins dix personnes.
On a donc fait paraître une petite annonce dans « Le Courrier » et il y avait déjà vingt participants à la première séance.
Pour combler la demande, un deuxième cours est agendé le mardi matin à la même heure.
Mais ça n’a pas suffi pour ravir tout le monde et un troisième créneau horaire a donc été créé le mardi en fin de matinée (10 h 15-11 h 15). Il y a eu jusqu’à 110 personnes inscrites et cela s’est un peu tassé à cause du Covid.
On est toujours une bonne soixantaine malgré tout. Pour beaucoup de retraités, c’est devenu un rendez-vous immanquable de leur semaine. Pour moi, le sport c’est comme les médicaments : dès que tu arrêtes, ça ne va pas ! à cet âge, faire du sport une fois par semaine est suffisant mais il faut être régulier et ne pas manquer plusieurs séances à la suite.
Joseph Della Ricca distille les trois cours lui-même avec l’aide de plusieurs bénévoles.
Et si un jour je remarque que je n’arrive plus à suivre le rythme, je dis toujours à mes élèves que je ferai un exercice sur deux avec eux et le reste du temps je les regarderai faire. Vous savez, on adore plaisanter ensemble et c’est aussi ça qu’ils viennent chercher je pense.
Pour l’heure, tout juste admet-il qu’il se laisse aller à une sieste de quinze minutes de temps en temps. Un quatre-vingts rutilant vaut bien quinze minutes d’endormissement.
Kevin Vaucher