Archives de la vie ordinaire
Les vies extraordinaires des frères Reymond à l’honneur à Saint-Sulpice
En 2023, les Archives de la vie ordinaire célèbrent leurs vingt ans. Pour cet anniversaire, l’association organise plusieurs événements, dont un au Val-de-Travers. Il se déroulera à Saint-Sulpice, le 10 juin prochain, et traitera des destins incroyables au 19e siècle de deux frères nés dans ce village vallonnier.
Depuis vingt ans, les Archives de la vie ordinaire (AVO) s’attèlent à conserver les archives, égo-documents et documents administratifs, de personnes dites « ordinaires ». « Ces documents ont une vraie valeur. Ils donnent accès au regard des gens qui vivent les événements, l’histoire, au quotidien », explique Françoise Bonnet Borel, conservatrice de l’association, en soulignant que, depuis une trentaine d’années, « les historiens ont appris à se pencher » sur ces sources. Pour célébrer leur anniversaire et montrer toute la richesse historique de ces archives personnelles, les AVO organisent une série de lectures et de « déambulations » dans le canton, dont un rendez-vous au Val-de-Travers, à Saint-Sulpice, le 10 juin prochain. Intitulé « Partir à l’aventure au 19e siècle », il sera consacré au destin incroyable, vers 1850, de deux frères originaires du village, Eugène et Alexis Reymond.
Le premier s’engage dans la marine marchande et deviendra un capitaine « au long cours », tandis que le second, horloger de formation, sera actif dans le commerce de l’horlogerie en Perse, devenant même l’horloger du shah. « Concernant Eugène, il y a comme un appel du destin », relate Françoise Bonnet Borel, en détaillant que l’envie de devenir marin naît chez le jeune Eugène à treize ans lors d’un aller-retour aux États-Unis avec son père, Charles-Auguste, car la famille hésite à l’époque à immigrer. Ainsi, à l’âge de seize ans, Eugène part pour le Havre après avoir trouvé une place de marin sur un navire marchand. La correspondance d’Eugène avec sa famille et son frère est une source extraordinaire sur la vie de marin, le commerce maritime et sur sa perception du monde. « Il y a un vrai plaisir à lire ses lettres, car il est très prolixe sur son quotidien. C’est un observateur fin et qui a de l’humour », indique la conservatrice des AVO en soulignant la richesse des détails de ses courriers. Amérique du nord et du sud, Shanghai, la vie d’Eugène tient presque de l’épopée.
« Fonds modèle » pour un archiviste
Cadet d’Eugène, Alexis Reymond a, lui aussi, un destin particulier. « Il a un tout autre tempérament que son frère », note Françoise Bonnet Borel. Et son histoire s’appréhende de manière différente, puisqu’en plus de sa correspondance, Alexis a laissé nombre de documents commerciaux et de récits de voyage. D’abord pour la compagnie neuchâteloise d’exportation du Locle, puis pour son propre compte, il va œuvrer dans le marché persan de l’horlogerie et se rapprocher du shah. « Alexis part pour le Moyen-Orient et la Perse à 19 ans. Pour lui, c’est la découverte totale du monde, un voyage initiatique », relate la conservatrice, en estimant que le jeune homme n’était pas vraiment préparé à cela. « Eugène n’a pas le choc du monde, contrairement à Alexis », poursuit-elle. Son récit de voyage et de ses années en Orient sont une source précieuse sur les manières de voyager au milieu du 19e. Même si Françoise Bonnet Borel qualifie l’expérience persane d’Alexis de « catastrophe commerciale », ce dernier s’établira durant seize ans à Téhéran, avec quelques séjours en Suisse entre-temps.
Si les vies des deux frères Reymond sont si bien documentées, c’est grâce au fonds Reymond famille qui a été versé en 2019 aux AVO. « Il a, lui-même, une histoire aventureuse », souligne la conservatrice.
Constitué en premier lieu par le père, Charles-Auguste, puis transmis de génération en génération, pour finir dans une maison de la famille à Corcelles. Après la vente de celle-ci, l’acquéreur, un professeur d’histoire, découvre les documents et décide de contacter les AVO. « Il y a un heureux hasard que ce fonds y soit arrivé presque intégralement », sourit Françoise Bonnet Borel, en estimant qu’il s’agit « d’un fonds modèle » pour un archiviste, tant il est diversifié, écrits personnels, documents administratifs, lettres, récits. « On y découvre, notamment au travers des lettres, un univers extraordinaire », avance-t-elle. Une découverte que les personnes intéressées pourront expérimenter le 10 juin prochain.
Gabriel Risold
« Partir à l’aventure au 19e siècle ». 10 juin, 10 h 30.
Rendez-vous en face du café du Moulin, Bas-du-Village 3, Saint-Sulpice
Entrée gratuite. Durée : environ 1 h et suivi d’un apéritif.