Sébastien Hirschy
L’homme qui vapote des merveilles
Sébastien Hirschy est celui qui fait tourner la tête des enfants avec ses locomotives, façon modèle réduit. Cʼest aussi le garant dʼune passion familiale pour les vieilles mécaniques. Passion quʼil a héritée de son père et quʼil transmet à son fils. Passion qui lui coûte facilement 10ʼ000 à 12ʼ000 francs par année mais pour laquelle il refuse mordicus de faire payer les enfants. Homme vrai et vrai passionné, le voilà lancé depuis quatre ans dans lʼélaboration dʼune nouvelle locomotive. Cette nouvelle machine à faire de la vapeur est aussi pour lui une façon de créer une machine à faire des merveilles.
En plus de tout ce que je vous ai décrit en introduction, Sébastien Hirschy est aussi un idéaliste. Cʼest un homme de convictions pour qui certaines choses ne sʼachètent pas. Pour lui, les étoiles quʼil voit dans les yeux des enfants, lorsquʼil les fait monter à lʼarrière de sa locomotive, nʼont pas de prix. En réalité, ce nʼest pas de la vapeur quʼil fait jaillir de sa machine mais un monde de merveilles qui enchante les gens le temps dʼune foire ou dʼun rassemblement. Ce mécanicien auto et poids lourd de formation travaille comme mécanicien de maintenance pour la Ville de Neuchâtel. Mais son monde merveilleux à lui, cʼest son atelier de Couvet où il planche invariablement sur ses « petites » locomotives. Enfin, « petites », il faut le dire vite !
« Trouvée en Angleterre à lʼétat dʼépave »
La première locomotive quʼil a sortie de gare remonte à il y a dix ans.
Je lʼai trouvée en Angleterre à lʼétat dʼépave. Il manquait pas mal de pièces et je nʼavais aucun plan pour la remettre en service. Il mʼa finalement fallu trois ans pour arriver à la faire repartir. Jʼai insisté.
Et avec quel résultat ! La bête fait 90 kilos et est capable de tracter environ 1000 kilos grâce à une pression maximale de six bars. Par comparaison, une vraie locomotive à vapeur monte à 12, 14, 16 voire jusquʼà 21 bars.
16 bars équivaut à 80 kilomètres heure environ. Mais ce nʼest pas un bon calcul car ce nʼest pas la pression qui fait la vitesse mais le diamètre des roues. Une machine avec des roues de deux mètres peut atteindre 160 km/h mais elle ne montera pas la pente pour aller jusquʼaux Verrières par exemple. Elle manquerait dʼadhérence. Dans une région vallonnée comme la nôtre, lʼidéal est plutôt de partir sur un diamètre de roue de 1m20 ou 1m50. ça permet de gagner en capacité de traction mais on perd en vitesse en contrepartie. Mais je mʼégare peut-être ?
Lʼatelier où tout se transforme
Non on ne sʼégare pas, on voyage Sébastien ! Cette expédition sans retour dans le monde des vieilles mécaniques, le Vallonnier la doit à son papa.
Lui, cʼétait plutôt les vieilles machines agricoles et les automobiles anciennes et moi jʼai pris le train,
sʼamuse-t-il. Un train dans lequel nʼa pas tardé à monter son propre fils de 12 ans.
Il adore ça. Il connaît déjà tout sur le fonctionnement des locomotives. Il aime traîner dans mon atelier pour me donner des coups de main. Cʼest génial.
Lʼatelier dont il parle se trouve à Couvet. Cʼest là, au milieu de souvenirs liés au monde du rail (même un énorme feu lumineux rangé dans un coin de la pièce) et de ses machines quʼil prend soin de ses créations.
Jʼai besoin de ces machines (fraiseuse, perceuse à colonne,…) car je fais toutes les pièces par moi-même. Jʼachète de la vieille ferraille et je la transforme. Jʼai deux classeurs fédéraux avec les plans quʼil me faut. Ce sont toutes des machines des années 1950. Elles sont inusables.
Une façon dʼapprocher le réel
Celui qui habite à la rue de la Gare à Couvet, ça ne sʼinvente pas, sʼapplique à construire sa nouvelle locomotive depuis quatre ans.
Il mʼen faudra probablement encore au moins deux pour la finir mais jʼavais envie de passer à une plus grosse machine. Et pourquoi ça ? Parce que cʼest une manière de se rapprocher un peu plus dʼune locomotive de taille standard. Je nʼai jamais conduit de réelle loco mais je mʼen suis occupé durant vingt ans au VVT (chargement du foyer, niveau dʼeau,…).
Aujourdʼhui, il prend du temps pour faire la même chose à Vallorbe (Swiss Classic Train) et sʼoccupe notamment dʼune machine américaine roulant jusquʼà 100 km/h. Mais le modèle que cherche à réduire Sébastien Hirschy, cʼest celui de la Tigerli 8511.
Cʼest celle qui est actuellement utilisée par le Vapeur Val-de-Travers.
Des essais à lʼair comprimé
La grande monte à 45 km/h. La réplique sur laquelle bosse actuellement le Vallonnier devrait pouvoir atteindre 10 km/h.
Cʼest déjà un beau bébé. Elle fera 220 kilos. Cette fois, jʼai eu de la chance car jʼai trouvé les plans déjà modélisés à la bonne échelle. Je sais que cʼest réalisable car je connais une personne qui lʼa déjà construite. Depuis lʼannée passée, la mienne tourne à lʼair comprimé. Je peux donc faire des tests car si elle fonctionne à lʼair comprimé, elle marchera aussi à la vapeur. La mécanique, le châssis et le roulement sont en ordre. Maintenant, je commence lʼétape de la chaudière. Jʼespère que je nʼaurai pas trop de mauvaises surprises avec les imprécisions du plan.
Sébastien Hirschy a déjà dû corriger plusieurs erreurs qui figuraient sur les plans dont il dispose.
Dans le modélisme, la précision est importante. Une approximation de quelques millimètres ou centièmes de millimètres et on passe à côté.
Un peu comme dans la vie, beaucoup passent à côté du monde merveilleux de Sébastien Hirschy, qui ne demande pourtant quʼà être partagé.
Kevin Vaucher