L’intérêt national
Le Conseil fédéral, les parlements et les cantons peuvent-ils décider de ce qui est dans l’intérêt de la nation ?
Lors des élections, pas même la moitié des électeurs décident qui doit entrer dans les parlements – un vrai problème pour une démocratie directe. En plus, un groupe considérable n’a pas le droit de vote, justement les générations futures : on décide au-dessus d’elles ; et dans cette question d’énergie, notre mère, la terre, est également concernée, mais on décide également au-dessus d’elle, comme toujours… comme si l’intérêt de la nation était aussi le sien, comme si elle se laissait volontiers sacrifier à des interventions non renouvelables.
Je ne doute pas un seul instant de la bonne volonté de ceux qui prennent les décisions. Mais la volonté, même si elle est bonne, ne suffit pas pour se muer en intérêt national, et encore moins lorsque notre plus grand patrimoine, la nature, est concerné.
Comme on le sait, les grandes organisations de protection de l’environnement se sont montrées réticentes à l’égard de la nouvelle loi qui sera soumise au vote ; elles ont cédé : mais celui qui donne le petit doigt se verra retirer toute la main.
Il y a d’autres voix. Il s’agit de personnes concernées ou qui se sentent concernées par les interventions, qui s’opposent aux comportements opportuns, qui pensent qu’il y a suffisamment d’autres possibilités de produire de l’énergie et surtout qu’il est possible de faire de puissantes économies. Mais ceci contredit énergétiquement l’idéologie de la croissance économique à tout prix, y compris la soif d’énergie. Et ce sont justement ces efforts honnêtes et authentiquement suisses, sans esprit de profit et à leurs propres frais, que la nouvelle loi veut étouffer, sous prétexte d’un allongement inutile des procédures, comme si des décisions rapides valaient mieux que des décisions détaillées et pesées dans les moindres détails. Il s’agit, dit-on, de garantir l’approvisionnement énergétique de la Suisse par la Suisse, afin d’assurer d’éventuelles pénuries hivernales. Que se passerait-il s’il y avait une pénurie de batteries, ou de leurs matières premières, ou de smartphones, de voitures et de motos ? Commencerions-nous à lancer la Suisse dans la production de ces objets ?
Ceux qui parlent de l’intérêt national, comment pourraient-ils l’assumer en cas d’erreur de décision ? Les décisions démocratiques exigent les voix de toutes les personnes concernées – y compris celle de la nature – surtout si ces décisions ont des conséquences, nommées souvent dommages collatéraux, des conséquences d’intérêt national. Cet intérêt est déterminé par ceux qui veulent en tirer profit au-dessus de la tête de plus de 50% de la population en plus de la nature.
Heinz Salvisberg, Buttes