Livre
Frédéric Mairy vous invite dans sa course
« Cours toujours », tel est intitulé le dernier ouvrage de Frédéric Mairy. Dans celui-ci, le Covasson et Butteran de naissance écrit et partage son plaisir de la course à pied en forêt et l’ouverture d’esprit sur le monde qu’elle lui apporte à chaque sortie.
« Avant les premières foulées, avant même de s’équiper, il y a l’idée », ainsi débute le quatrième ouvrage de Frédéric Mairy, comme si avant l’action, il devait y avoir l’envie, l’appel d’un désir. Ce désir, c’est celui de courir en dehors des chemins battus et des itinéraires fréquentés, des routes bétonnées et des courses ou compétitions institutionnalisées. Loin, aussi, de la performance, du dépassement de soi-même et du résultat. Ainsi, « Cours toujours » traite de course à pied, certes, mais plus de tout ce qui peut se nouer, se penser, se sentir et s’éprouver, une fois les baskets aux pieds sur un chemin forestier. « En dehors de ce champ de la performance, l’esprit peut vagabonder au gré », note Frédéric Mairy qui compare ce moment qu’il prend pour lui-même à ceux d’une lecture. « Ce sont deux approches qui, pour moi, se rejoignent », précise-t-il. Deux moments où les sens sont en éveil.
Des sens qui sont présents dans l’essai du Covasson. Premièrement, le toucher de la foulée, dans la terre durcie ou molle selon la saison, la vue, avec le paysage ou les rencontres fortuites avec les animaux des forêts neuchâteloises, puis l’odorat avec les senteurs variant au gré de l’année et l’ouïe, et les bruissements des feuilles ou les chants d’oiseaux. La course que nous offre Frédéric Mairy est celle d’une reconnexion et d’un émerveillement avec la nature qui nous entoure, et que parfois nous oublions. « J’ai la chance de vivre dans cette région, où en quelques minutes l’on peut se plonger dans la nature. Ce livre est aussi une petite ode à cette belle région du Val-de-Travers », relève celui qui a vécu deux ans à Paris et pour qui la course en ville est véritablement « autre chose ».
Pas « vider » mais remplir la tête
Au départ, Frédéric Mairy n’est pas un coureur, mais depuis une dizaine d’années, il « s’y est mis », allongeant patiemment les parcours, tout en restant loin « de l’addiction » pour que cela demeure un plaisir. Son essai alterne des instantanés de parcours et les digressions sur une course faite de réflexions, de pensées, de mémoires littéraires et artistiques, où il convoque auteurs et poètes pouvant exemplifier ce qu’est courir seul dans l’objectif diffus d’être juste attentif à la beauté du monde.
Comme il l’écrit, Frédéric Mairy ne court pas pour « se vider la tête », mais pour la remplir. Le natif de Buttes a depuis quelque temps délaissé les écouteurs pour entendre le véritable son de sa foulée, mais aussi raisonner. « Il y a un tas de problèmes pour lesquels j’esquisse des solutions en courant », reconnaît celui qui est également conseiller communal de Val-de-Travers. Presque à l’instar, comme il le souligne, des philosophes péripatéticiens de l’antiquité qui « réfléchissaient en marchant ».
« Cours toujours », se veut être une petite ode à la course en solitaire en forêt, celle qui offre, avant tout, l’envie de contempler ce qui nous entoure et le plaisir simple de l’émerveillement des perceptions du corps et de l’esprit. Un voyage rythmé et littéraire où l’auteur ne vous lâchera pas la main, et contrairement au titre, ne vous enverra pas balader.
Gabriel Risold
« Cours toujours », Frédéric Mairy, Essai, Éditions Alphil.