Michel Devaud est d’or, pas d’argent !
« Je ne suis pas le plus intelligent mais j’ai bon cœur ! » Cette phrase est celle de Michel Devaud. N’y voyez pas de la fausse modestie, il le pense vraiment. Et c’est précisément ce qui explique qui il est. Son œuvre ? C’est 42 ans d’investissement personnel et bénévole auprès de plus de 15 sociétés neuchâteloises, essentiellement vallonnières. Michel, c’est celui qu’on appelle quand on a besoin d’un coup de main, Michel, c’est celui qui va venir aider un club et malgré tout payer son entrée. Michel, c’est quelqu’un qui ne sait pas dire non quand il faut donner un coup de main. Quitte à se retrouver avec un livre d’or de 7 kilos sur le dos, à vélo, pour aller récolter des sous pour les autres. Voilà l’histoire de quelqu’un qui donne tout ce qu’il n’a jamais reçu durant son enfance.
Il ne veut pas en parler mais Michel Devaud a vécu une enfance singulière. Entouré qu’il était par des parents au bagage lacunaire (notamment pour ce qui est de la lecture et de l’écriture). Pour se construire, il n’a pas bénéficié des mêmes piliers que la majorité des autres enfants. Mais il a tracé sa route. Celle-ci l’a notamment mené à l’État où il s’est occupé de la conciergerie des salles de tribunal durant 26 ans. Sur sa route, il a eu la chance de croiser le regard de Doris. Cette Vallonnière allait devenir celle qui constitue encore aujourd’hui l’un des piliers de sa vie. Omniprésente, elle est toujours auprès de lui, 42 ans plus tard. Un peu à la façon d’un mur porteur qui ne le laissera jamais tomber.
Un bon cœur qui bat sur piles électriques
C’est rare, mais Doris doit parfois intervenir pour que le « père Michel » lève un peu le pied. « Comme cette fois où il voulait faire plusieurs kilomètres avec des bâches sur les épaules, à vélo. » C’est vrai que, parfois, sa générosité déborde. Il canarde un nombre de mots incalculables à la minute. À croire que son bon cœur fonctionne sur piles électriques. « N’oubliez pas de remercier tous les gens qui m’ont fait confiance et tous les donateurs qui m’ont aidé à récolter de l’argent pour les sociétés locales. » Encore une fois, Michel Devaud pense aux autres alors qu’on cherche à parler de lui. Devant nous, la table est couverte de souvenirs. Beaucoup de photos et surtout ses fameux livres d’or.
Jamais il n’a voulu toucher un centime
« Quand un club me sollicitait pour lui apporter un peu d’argent, je créais un livre d’or que j’allais faire signer à des sponsors en échange d’une somme d’argent. En contrepartie, l’entreprise signait ou mettait son logo dans le livre d’or, pour acter son acte de générosité », livre celui qui a toujours refusé de toucher un centime pour ce qu’il faisait. Cinquante francs, deux cents francs, mille francs, Michel Devaud en a vu passer du liquide en 40 ans de service. Une brève estimation de ce qu’il a récolté place le curseur vers la centaine de milliers de francs. Orphelinat en Roumanie, actions pour l’école, Carnavallon, Armée du Salut, clubs sportifs, Michel a rempli les caisses de bien des sociétés.
Le coup du car et le coût du cochon
« J’y allais parfois au culot. Pour Valtra, j’ai réussi à ce qu’un agriculteur me fournisse un cochon comme lot de concours. Les gens devaient estimer son poids et ils versaient de l’argent au club à chaque proposition. Le gagnant repartait avec le cochon. » Plus fou encore. En 1989, Michel a loué un car, sans savoir comment il allait pouvoir le payer, pour que les jeunes Vallonniers de l’école de foot puissent participer à un tournoi, à Tolochenaz (VD). Il a fini par trouver une solution pour s’acquitter de la facture du car et les petits Vallonniers sont repartis avec 5 coupes dans leurs sacs.
La vie lui vole ses deux frères, et lui, il donne tout !
Parmi ses « coups », il a rempli la salle Fleurisia à lui seul pour un souper de soutien. Il a aussi rempli les estomacs. Pour que les joueurs du CP Fleurier puissent manger chaud quand ils jouaient à l’extérieur, Michel a dégoté, ni une ni deux, un autocuiseur « portable ». Finalement, la seule chose que le Fleurisan a accepté de sacrifier, c’est une partie de sa vie. « J’étais un gardien de foot prometteur quand j’avais 15 ans. J’aurais peut-être pu percer. Mais j’ai perdu deux frères. L’un à 20 ans et l’autre à 28 ans. Et j’ai un peu perdu pied après ça. » Donner pour ce qu’il a perdu et donner pour oublier ce qu’il aurait possiblement eu. Avec lui, l’argent ne fait pas son bonheur mais celui des autres. Car il n’est pas fait d’argent, Michel Devaud est d’or !
Kevin Vaucher