Môtiers 2021 Art en plein air
L’Art à portée de pas
Dimanche s’ouvrira la huitième édition de Môtiers Art en plein air. Le millésime 2021, reporté d’une année en raison de la pandémie, propose aux visiteurs les œuvres de cinquante artistes, habitués ou non de la manifestation. Le Courrier du Val-de-Travers a eu le privilège d’une petite visite en avant-première.
Vendredi dernier, le ciel est radieux et l’atmosphère presque chaude : un temps radieux pour se laisser guider par Marie Delachaux, figure incontournable avec son mari Pierre-André, de Môtiers Art en plein air. Dès les premiers hectomètres dans le Parc Girardier et la Grande Rue, le ton est donné. Quatre barils bleus cabossés et réunis selon une explosion et le hasard, deux arbres scindés en deux qui s’élèvent vers l’azur, la fontaine du haut de la Grande Rue métamorphosée, une nouvelle fois, les artistes ont su laisser parler l’imagination et la créativité.
Cette fontaine, Markus Weiss l’avait déjà transformée en bains publics lors de la précédente édition,
explique Marie Delachaux.
Quelques mètres plus loin, c’est le moment de l’installation pour l’œuvre de Denis Savary. L’artiste d’origine vaudoise prend un peu de recul et se montre satisfait de la mise en place. En effet, une poésie émane de cette grenouille cuivrée et bleutée qui se prélasse dans les hautes herbes. Le batracien en bio-résine n’est pas l’unique animal de cette édition 2021. Sur le chemin de la Sourde, les visiteurs auront l’opportunité d’admirer un rhinocéros en béton de plusieurs tonnes suspendu ou une mouche géante imaginée par le dessinateur et illustrateur originaire de Fleurier, Martial Leiter.
Diversité d’œuvres
Le bestiaire n’est de loin pas l’unique source d’inspiration de la cinquantaine d’artistes choisis pour cette huitième édition.
La centrale électrique inspire beaucoup les jeunes artistes,
évoque Marie Delachaux, quelque peu dubitative. Deux œuvres y seront présentées. Par le passé, les artistes conviés à Môtiers ont puisé dans le charme du lieu, de ses alentours, le mythe de l’absinthe ou encore le passage de Jean-Jacques Rousseau dans le village môtisan pour leurs créations. C’est encore le cas pour cette édition, mais pas uniquement. Le « temple-cabane » exposé au lieu de la carrière a ses racines dans l’enfance de l’artiste par exemple. Le sens de la structure de bois brûlé n’est perceptible qu’en se rendant à l’intérieur de la construction.
Je suis sûre que vous allez ramper pour y aller !
m’invite Marie Delachaux, en me montrant l’étroite entrée à ras le sol. Après exécution, les contorsions en valent la peine, car la magie opère.
La beauté, l’émerveillement, l’étonnement, tels sont les sentiments qui parcourent l’esprit en arpentant les premiers kilomètres de la balade proposée par l’exposition 2021 qui fut reportée d’une année. Celle-ci a d’ailleurs « bénéficié » de la pandémie. « Le décalage d’une année a fait que quatre ou cinq artistes ont revu et changé leur projet, en mieux parfois », détaille l’ancienne enseignante. Quelques œuvres sont même directement inspirées de l’expérience du semi-confinement et l’éloignement des proches.
Cette édition est marquée par la pandémie et le sentiment d’enfermement !
estime Marie Delachaux qui souligne que le gigantisme et parfois le monumental des œuvres expriment le besoin de liberté des artistes.
« C’est notre dernière édition »
En raison de la situation sanitaire, aucun vernissage n’a pu, malheureusement, être organisé pour cette édition 2021, ouverte jusqu’au 20 septembre. Une édition qui sera la dernière en tant qu’organisateur pour le couple Delachaux après huit éditions et trente-six ans de promotion culturelle qui seraient impossibles sans l’investissement de la centaine de bénévoles.
Tous ces gens impliqués dans l’exposition, cela crée une ambiance particulière,
souligne Marie Delachaux. Ressent-elle un sentiment particulier à l’aube de cette « dernière » édition ?
Non pas vraiment. Nous n’y pensons pas, nous sommes dans l’instant présent,
avoue-t-elle avec philosophie.
Lancée en 1985, la manifestation a rapidement su convaincre les artistes. Ainsi, pour cette édition, près de la moitié des artistes exposés sont des « habitués » d’Art en plein air, comme Roman Signer qui signe l’affiche de cette huitième édition. Une fidélité qui met en valeur les qualités de l’organisation et la passion qui animent Marie et Pierre-André Delachaux ainsi que le comité d’Art en plein air. Aujourd’hui, la manifestation est certainement l’exposition de ce type la plus connue au niveau suisse et les artistes se bousculent pour être choisis par le jury.
Tous veulent y être exposés. C’est dingue,
avoue-t-elle. Reste de ces expositions, quelques stigmates artistiques dans les rues môtisannes comme cette phrase sur la route encore visible et datant de 2007 :
Certains vivent dans une telle routine qu’on a peine à croire qu’ils vivent pour la première fois.
La tenue de l’exposition dans les rues du village a pu fâcher certains citoyens, mais la cohabitation est la plupart du temps excellente.
Les habitants nous poussent à refaire,
sourit Marie Delachaux. Tant mieux, car la relève du couple est prête, mais la discrétion est encore de mise. Tant pis pour les ronchons…
Gabriel Risold