«Naissance» d’une doula de fin de vie
Dédramatiser la mort, en parler et accompagner un mourant et ses proches, c’est ce que fait une doula de fin de vie. En Suisse, on connaît davantage les doulas de naissances que celles de fin de vie. Si le moment de vie diffère, le principe reste le même : apporter un soutien physique et émotionnel. Et surtout… écouter! Or, parler de la mort n’est pas toujours facile en famille. On a rapidement fait de botter en touche quand une personne y fait référence. «Mais non, t’es increvable, comme la mauvaise herbe», est une phrase de parade typique. Présentation de la doula de fin de vie du Vallon!
Doula signifie «celle qui se met au service de». À l’époque, il y avait dans chaque village quelqu’un qui s’occupait des naissances, de la toilette des morts et de ce genre de choses. On peut dire que c’était les premières doulas qui ont existé. Si la pratique a perduré relativement au grand jour pour les naissances, celle du deuil a été de plus en plus cachée. Comme si la mort avait quelque chose de sale ou de honteux. En réalité, c’est souvent la peur qui pousse à vouloir se cacher pour mourir. Parler de la mort pour mieux l’accepter peut être aussi bien utile pour une personne mourante que pour les proches endeuillés.
40 ans au chevet des mourants
C’est le côté pile et le côté face du travail de doula. Geneviève Anderfuhren sait faire les deux. Cette femme de 64 ans s’est établie à Fleurier il y a quatre mois. Elle a pris avec elle toute son expérience dans le domaine: «J’ai veillé les mourants durant 40 ans car j’ai toujours été à l’aise avec la fin de vie. à la base, j’étais animatrice socio-culturelle dans les EMS.» La frêle mais généreuse néo-Vallonnière profite aujourd’hui de sa retraite tout en continuant à s’épanouir dans trois activités différentes. «Je cueille des plantes sauvages pour les cuisiner et les déguster. Je travaille la laine de mouton car je me suis occupée d’un élevage de brebis dans une autre vie. Et je suis praticienne en écorituels.» éco, quoi ?
50 doulas en Romandie
Un écorituel est un rite en pleine nature permettant de faire résonance avec elle pour soulager des douleurs et des peines. Une peine et une douleur comme le deuil par exemple.
C’est vrai que la nature est une bonne façon d’ouvrir la parole et donc de se libérer de poids qui vous pèsent. ça permet de se reconnecter. Personnellement, c’est quelque chose que j’utilise quand j’interviens en tant que doula de fin de vie.
Cette fonction de doula de fin de vie s’est d’abord répandue en Angleterre avant de se «démocratiser» en Suisse. En Romandie, la pionnière en soins palliatifs, Rosette Poletti, a joué un grand rôle dans ce domaine. à ce jour, elle a enseigné ses préceptes à environ 50 doulas, en Suisse romande. C’est l’association «Doulas de fin de vie Suisse» qui encadre désormais cette pratique et qui propose des formations pour entourer au mieux cette profession émergente.
L’impact du Covid sur le deuil
«L’accompagnement est en plein essor dans notre société en évolution. Le rapport au deuil a notamment été bouleversé pendant le Covid. Beaucoup de gens ont été privés d’adieu pour un de leurs proches et cela a engendré de grands troubles chez certaines personnes. Depuis ce moment, j’interviens plutôt auprès des gens endeuillés plutôt qu’auprès des mourants.» Et comme les doulas ne courent pas les rues, les sollicitations ne manquent pas. Parfois même depuis le Jura. à sa connaissance, Geneviève Anderfuhren est la seule doula du Val-de-Travers et l’une des trois praticiennes du canton. «On fait appel à moi grâce au bouche-à-oreille, via un réseau hospitalier ou via les pompes funèbres. Ici, je souhaite développer des rando-deuil ainsi que des café-deuil. Le principe est d’aborder un thème lié à la mort en randonnant ou autour d’un verre. Ces deux environnements permettent de créer un environnement moins formel et plus propice au dialogue.»
Attirée par la mort?
La doula du Vallon n’est pas spécialement attirée par la mort, elle souhaite que personne ne se retrouve seul au moment de « la bascule » d’un monde à l’autre. Cette volonté est presque un besoin pour elle. Il fait écho à ce qu’elle a vécu plus jeune. «Je suis née quand mon papa avait déjà 50 ans. J’ai donc rapidement été confrontée au deuil dans ma famille. Je me souviens que je n’avais pas pu assister mon grand-père dans la fin de sa vie et c’est un manque qui m’a poursuivie longtemps.» Pour l’anecdote, à 4 ans, elle avait eu cette belle phrase d’enfant lorsqu’elle a vu son arrière-grand-mère dans son cercueil: «Elle fait quoi vieille grand-maman dans un bateau?». Cela synthétise parfaitement l’une de ses devises qui est : la mort, on ne va pas mourir d’en parler! Et encore moins d’en sourire!
Kevin Vaucher