Noirvaux
Les secrets de la vallée noire !
Il fut un temps où Noirvaux était une zone industrielle très développée. Il fut un temps où moulins, forges, scieries, bistrot, poste, charbonnières et hauts-fourneaux se côtoyaient dans cet endroit escarpé, situé à l’équilibre entre le Pays de Vaud et le canton de Neuchâtel. Il fut un temps où on accédait à la partie haute de Noirvaux en escaladant plusieurs échelles instables. Il fut un temps où une ligne de diligence reliait La Chaux-de-Fonds à Yverdon, en passant par Noirvaux. En ce temps-là, le trajet était de 9 heures si tout allait bien sur la route. Et si nous partions à la découverte de ce temps-là ?
Certains ne font qu’y passer en voiture alors que d’autres s’y promènent de temps en temps en profitant du bruit apaisant des deux cours d’eau de cet endroit (le Buttes et le Dénériaz). Cet endroit, c’est Noirvaux. Ce nom signifie vallée noire. Une appellation que ce lieu doit au fait qu’il est entouré de montagnes, qu’il est souvent sombre, humide et truffé de brouillard. Il y a mieux comme caractéristiques pour attirer l’attention et la vie sociale.
Pourquoi la vallée noire attirait tant ?
« Pourtant, je vous promets qu’il y a eu une vie sociale tout à fait riche à cet endroit. Il y a eu un relais de diligence, un bistrot, une poste et on a même pensé y construire une école. C’est dire s’il y avait des familles dans le coin », assure Denis Flückiger. Cet habitant de La Côte-aux-Fées aime faire parler le passé à travers ses cartes et ses vestiges. Vous ne le saviez peut-être pas mais Noirvaux fait partie de la commune de La Côte-aux-Fées bien qu’il soit très éloigné du cœur du village. S’il y avait tant de vie à l’époque, c’est qu’il s’agissait d’une zone industrielle très développée. Alors comment et pourquoi l’homme est-il venu installer ses activités à la vallée noire, d’apparence austère et mystérieuse ?
La réponse coule des sources
La réponse ne coule pas de source. En revanche, elle coule des sources d’eau. « La réunion du Buttes et du Dénériaz offrait un débit d’eau tout à fait intéressant pour utiliser l’énergie hydraulique. Un grand nombre de moulins ont donc été construits à Noirvaux au cours des siècles. Certains n’ont pas fait très long comme le moulin des enfers par exemple. » Tiens, voici encore un joli nom, très accueillant. « L’énergie produite servait à moudre le grain, à battre le fer pour créer des outils, à couper du bois ou encore à battre du chanvre pour en faire des vêtements. » Pas étonnant donc qu’on y trouve des hauts-fourneaux pour le fer, des forges, des scieries et des charbonnières notamment.
Les mines de fer de L’Auberson et de La Côte-aux-Fées
« Le charbon permet de chauffer les fourneaux à plus haute température que le bois, ce qui facilitait l’extraction du fer », ajoute Denis Flückiger. Le fer venait essentiellement des mines de La Côte-aux-Fées ainsi que de l’Auberson. Avec le développement des activités humaines, il a fallu soigner petit à petit les accès très délicats à Noirvaux. « La route n’a été construite qu’en 1843 au prix d’un effort colossal, notamment pour percer les tunnels. Avant cela, c’était un simple sentier, essentiellement développé sur la partie haute car c’est depuis Sainte-Croix que les échanges s’opéraient. » C’était plus compliqué dans la partie basse. On dit même qu’un tronçon était équipé de trois échelles pour pouvoir grimper plus loin.
La communauté des cœurs brisés
« La route a donc constitué une révolution. Une ligne de diligence passait par Noirvaux et reliait La Chaux-de-Fonds à Yverdon. On prenait la route très tôt, vers 4 heures du matin car il fallait compter 3 h 15 de trajet jusqu’à Travers et 9 h jusqu’à Yverdon. » Aujourd’hui, il reste peu de choses du bouillonnement industriel de l’époque. « La poste a été ouverte de 1873 à 1940. L’une des scieries a brûlé en 1930, sans doute d’un incendie criminel. Aujourd’hui, la trace la plus visible reste le bâtiment en bord de route sur lequel est écrit Noirvaux. C’est un ancien moulin qui a ensuite hébergé une entreprise de claviers de boîtes à musique et une communauté de soixante-huitards déçus. » Ils devaient s’appeler les cœurs brisés puisque c’est ce qu’on peut toujours lire sur la façade, côté route. Broyer du noir dans la vallée noire, faut dire qu’il y a une certaine logique…
Kevin Vaucher