Nom de nom, quelle histoire !
Il y a différentes façons de remonter le fil du temps pour comprendre l’histoire d’un village. Denis Flückiger en a choisi une bien particulière pour retracer celle de La Coste des Fayes (vous comprendrez l’orthographe plus tard). Cet ancien maître de culture générale du CPLN est parti des 63 zones issues des registres cadastraux des années 1880 pour faire émerger 635 noms de lieux d’hier et d’aujourd’hui. Chacun de ces toponymes renvoie tantôt à une spécificité de terrain (champs carrés), tantôt à une famille ayant vécu sur ce lieu (Les Leuba) et tantôt à une activité humaine passée (sur les moulins). Au milieu de ses 530 pages de recherches et d’analyses, on découvre notamment que La Côte-aux-Fées ne fait pas écho à une légende mystique mais… à des brebis !
Le premier écrit faisant référence à La Côte-aux-Fées remonte à 1317. Ce bout de terre « en côte » a longtemps été rattaché à la mairie des Verrières qui comptait 5 bourgeaux. Ce n’est qu’en 1826 que la commune de La Côte-aux-Fées a été créée. Le nom du village a évolué au gré des siècles. « À l’origine, le village s’appelait Coste des Fayes, qui se rapporte à « faies » et donc aux brebis. C’était la côte des brebis. C’est ce qui explique la présence d’une brebis sur l’armoirie qui date de 1890. » Voilà donc cette énigme résolue.
Documents du Moyen âge
L’évolution d’un nom de lieu, comme Fayes en Fées, est appelée « remotivation sémantique ». Elle intervient sur plusieurs décennies lorsque la mémoire collective ne se souvient plus à quoi faisait référence le nom initial. Fan d’histoire, le Niquelet Denis Flückiger (installé au village depuis 2001) a effectué ce travail de recherche et d’analyse historiques sur plus de 630 toponymes durant plusieurs années. La mise sur papier de ses trouvailles lui a pris deux ans à elle seule. « Idéalement, j’aimerais qu’un ouvrage puisse être édité d’ici à 2026, pour célébrer le bicentenaire de la commune. »
C’est un véritable travail d’utilité publique qu’il a entrepris en allant fouiller les archives cantonales et communales, retrouvant des documents du Moyen Âge notamment.
Un intérêt archéologique
Comment s’y est-il pris exactement ? « Prenez l’endroit du village qui s’appelle ‹ Sur les moulins › par exemple. La supposition naturelle est de penser qu’il y avait des moulins par le passé. Mon rôle a été de vérifier cette hypothèse en m’appuyant sur des cartes et des récits anciens. Ce que j’ai pu confirmer. L’énergie hydraulique permettait de moudre le grain mais aussi de scier du bois. » Bien plus que de simples confirmations et découvertes, ses conclusions ont aussi une portée archéologique. Savoir quelle activité se déroulait sur un territoire permet de cibler les fouilles. C’est l’un des autres intérêts de son travail. « On trouve encore aujourd’hui des scories de minerais de fer à certains endroits du village où des hauts-fourneaux avaient été installés dans le passé. Il y avait notamment beaucoup de fours à chaux car on utilisait ce calcaire cuit sous forme de poudre pour crépir les écuries. »
Ras le « Bolles »
À travers ces centaines de pages, les histoires se révèlent les unes après les autres. Vous vous êtes peut-être déjà demandé pourquoi une rue s’appelait les Bolles-du-Vent et une autre les Bolles-du-Temple. Denis Flückiger vous répond : « Bolles est un nom de famille et, à l’époque, il y avait les Bolles qui habitaient près du temple et d’autres qui résidaient un peu plus loin. » Par ailleurs, savoir quelle famille habitait où, et avec quels biens, était souvent d’abord une question pratique pour faire payer les redevances (les impôts). Parlait-on déjà des impôts avec des noms d’oiseaux dans le passé ? L’histoire ne le dit pas…
Kevin Vaucher