Olivier Pianaro, c’était mieux avant?
Le chef d’orchestre et le chef de chœur Olivier Pianaro dirigera le 86e concert des Rameaux les 23 et 24 mars prochains, à la salle de musique de La Chaux-de-Fonds. Trois œuvres majeures de Charpentier, Schubert et Haydn seront jouées par le Chœur des Rameaux et Symphonia Genève. Volcanique, volubile, passionné, sympathique et captivant, le Vallonnier est la force tranquille, et un peu « agitée », de cette double soirée qui promet. Discussion à baguettes rompues avec Olivier Pianaro !
Lorsque l’on regarde le programme du 86e concert des Rameaux, on s’aperçoit que les trois compositeurs dont les œuvres seront jouées ont tous disparu depuis trois siècles. Alors Olivier Pianaro, il n’y a plus de bons compositeurs modernes et c’était mieux avant ? « Je ne crois pas que cela soit une question de talent. Vous savez, la planète est passée de 680 millions à 8 milliards d’habitants en quelques siècles. L’évolution a été folle. Je me rappelle que je disais toujours à mon grand-père qu’il avait vu les premiers moteurs se mettre en marche et qu’on marche sur la lune aujourd’hui. La musique a suivi la même logique. »
Quand le public criait « au fou »
Ce qui a conduit à une diversification continue des styles et des façons de faire. « Tout est allé très vite. Trop vite peut-être. Nous avions des moules qui donnaient forme à de belles compositions et nous les avons cassés. Et le public n’a plus compris ce nouveau langage ou du moins il ne l’a pas immédiatement compris et il est resté en retrait des compositions plus modernes. Quand Igor Stravinsky donna sa première du Sacre du printemps, les spectateurs hurlaient et quittaient la salle en criant au fou. » L’évolution a touché le spectre entier de l’environnement musical avec des conséquences très concrètes au cours de la période romantique par exemple.
Certains en venaient presque aux mains
« Les salles de concert se sont multipliées et sont devenues de plus en plus grandes. Par ricochet, il a fallu adapter les instruments en conséquence. Les cordes des violons, qui étaient exclusivement constituées de boyaux, ont été agrémentées de métal pour intensifier leurs puissance. » La salle de musique de La Chaux-de-Fonds peut accueillir jusqu’à 1000 personnes environ. Cette jauge a été atteinte l’année dernière lors du premier des deux concerts des Rameaux. « Nous avons même dû refuser l’entrée à deux cents spectateurs malheureusement. Certains en venaient presque aux mains pour entrer. » C’est peut-être à cet instant qu’il aurait fallu crier aux fous…
Une soirée en trois parties
L’année passée, il y avait 168 personnes sur scène pour interpréter le Requiem de Verdi. Ils seront quelque trois fois moins cette fois-ci. « Nous sommes presque sur de la musique de chambre. Cela convient très bien à un chœur en tout cas », souffle Olivier Pianaro en triturant sa partition. Ça me semble bien compliqué le passage que vous tâtez actuellement avec vos mains non ? « Non, pas du tout. Ce langage m’est plus que familier. Je cherche toujours à diversifier au maximum le programme des concerts. Pour résumer, nous pouvons dire qu’il y aura une partie chorale, une partie plus intime et une partie plus tumultueuse pour terminer. »
L’Eurovision, vous connaissez ?
Dans le détail, c’est le « Te Deum » de Marc-Antoine Charpentier qui ouvrira la soirée. Si vous ne connaissez pas le « Te Deum », vous connaîtrez peut-être le générique de l’Eurovision ? Eh bien sachez que c’est le prélude en ré majeur de Charpentier qui est utilisé par le concours européen de la chanson. « Te Deum » a été créé en 1692 et se caractérise par de nombreux changements de rythme. La deuxième œuvre sera le Magnificat de Franz Schubert. « On ne sait pas très bien pourquoi il l’a écrit à vrai dire. On sait juste qu’il écrivait beaucoup de messes pour une paroisse située un peu à l’extérieur de Vienne et que le texte est à la gloire de Dieu. » Finalement, c’est la Theresienmesse de Joseph Haydn qui conclura le concert. « Une œuvre brillante pour terminer en beauté. » Avant, maintenant ou plus tard, peu importe tant que l’on a la force d’avancer pour aller titiller les sommets de la virtuosité !
Kevin Vaucher