Groupe de soutien
Oser le tabou du deuil
À partir du 25 août et jusqu’à la fin de l’année, Véronique Tschanz Anderegg, pasteure-aumônière, et Anne-Laure Guenat-Badie, psychothérapeute, ont choisi de proposer un groupe de soutien au deuil, un sujet difficile, et encore souvent tabou dans notre société. Le groupe de soutien, en dix rencontres, ne cherche pas à le guérir mais à exorciser le silence et le repli sur soi liés à la perte.
Leurs univers sont différents, chrétien et laïc, mais leurs expériences du deuil et de l’empathie sont identiques. C’est riches de leurs expertises et à titre personnel que Véronique Tschanz Anderegg, pasteure-aumônière de l’EREN et Anne-Laure Guenat-Badie, psychothérapeute, ont élaboré la mise sur pied d’un groupe de soutien au deuil dont les dix séances se tiendront du 25 août au 15 décembre à Travers. Le lieu choisi, au 10a de la rue des Mines à Travers, se veut non confessionnel et accessible à chacun. Un espace accueillant pour mettre en confiance les personnes qui souhaiteraient se tourner vers ce groupe de soutien.
Les deux accompagnatrices n’ont qu’un seul souhait.
Nous demandons, mais ce n’est pas une exigence, que le deuil date d’au moins six mois,
expose Véronique Tschanz Anderegg, en soulignant que ce délai est nécessaire pour dissiper le « choc » de la perte. Anne-Laure Guenat-Badie ajoute qu’elle a souvent constaté qu’après six mois l’entourage est moins présent et que les personnes endeuillées se retrouvent seules.
Le parcours proposé par ce groupe de soutien se base sur les travaux de Jean Monbourquette, prêtre et psychologue québécois, et constitue une démarche spirituelle et de recherche de sens mais en dehors d’un cadre confessionnel. Véronique Tschanz Anderegg souligne l’importance du groupe dans cette approche.
Chaque personne peut constater que les autres ressentent aussi des sentiments similaires,
développe-t-elle.
Parler du deuil avec des personnes qui vivent la même chose a un aspect rassurant et bienveillant,
complète Anne-Laure Guenat-Badie. Afin de donner à chacun sa place dans ce parcours, le nombre de participants est, malheureusement, limité à dix personnes au maximum.
Partager et être entouré
Des groupes de soutien au deuil selon cette méthodologie, Véronique Tschanz Anderegg en a déjà proposé plusieurs dans sa précédente paroisse, au vallon de Saint-Imier. Elle en garde le souvenir de personnes soulagées de trouver un lieu où extérioriser les sentiments et de rencontrer un soutien grâce à des oreilles autres que celles de l’entourage. Depuis quelques années, Anne-Laure Guenat-Badie constate une certaine individualisation du deuil. Un élément qui s’oppose au besoin, pas toujours conscient, d’être entouré pour « valider la perte ». « Le groupe permet de sortir de cette individualité et de réintroduire une notion de partage », continue la psychothérapeute. Véronique Tschanz Anderegg fait le même constat. S’autoriser à vivre le deuil en groupe est essentiel.
La pandémie que nous vivons depuis une année et demie qui a rendu impossibles les célébrations funéraires habituelles et qui a démultiplié la brutalité et la violence de la perte a convaincu la pasteure-aumônière et la psychothérapeute de mettre sur pied ce groupe de soutien. Véronique Tschanz Anderegg a elle-même vécu des expériences difficiles en tant qu’aumônière remplaçante à l’hôpital Pourtalès durant la première vague.
Ne pas pouvoir dire au revoir et l’absence de cérémonie furent difficiles à vivre,
relève-t-elle. Anne-Laure Guenat-Badie abonde en ce sens en soulignant l’importance et le besoin des rituels pour les proches. Néanmoins, toute personne ayant vécu un deuil, même ancien, est la bienvenue.
Le deuil : toujours un tabou
De manière plus globale, la création d’un tel groupe de soutien pose la question de la place du deuil et de la mort dans notre société.
Certainement que la fin de vie et le deuil sont devenus tabous,
avoue Véronique Tschanz Anderegg dont ce constat est à la base de ce projet. Pour Anne-Laure Guenat-Badie, le nombre de jours accordés pour un décès démontre clairement l’importance que la société prête au deuil et à la mort. La psychothérapeute souligne que la diminution des rituels, de plus en plus dans l’intimité, pousse à l’idée que le deuil se fait rapidement. Hors, elle explique qu’une période de deux ans est généralement prise comme base pour penser la perte et le deuil.
Également, Véronique Tschanz Anderegg rappelle que la société autorise moins le « droit » au deuil. Alors qu’il y a un siècle, le deuil se « portait » littéralement dans l’espace sociétal, par le code vestimentaire notamment, aujourd’hui il est réduit à la sphère intime et privée et ne devrait pas excéder quelques mois pour la société.
L’idée de renvoyer l’image de ne pas se laisser abattre est très présente,
déplore quelque peu la pasteure-aumônière en donnant l’exemple du rapide retour au travail.
Il existe beaucoup de préjugés et de non-dits autour du deuil,
conclut Anne-Laure Guenat-Badie. La création d’un espace de rencontre, pour dépasser ceux-ci, est la volonté des deux femmes. Un parcours en dix séances pour oser parler du tabou du deuil qui revêt tout son sens dans la période actuelle et au Val-de-Travers où aucun accompagnement du genre n’existe…
Pour tout renseignement :
Véronique Tschanz Anderegg,
079 311 17 15,
veronique.tschanzanderegg@eren.ch
Gabriel Risold