Parc éolien de la Montagne de Buttes
Ultimes vents contraires pour le projet
En 2014, la population neuchâteloise acceptait en votation le plan directeur éolien cantonal, qui prévoit notamment l’installation du parc éolien de la Montagne de Buttes. Depuis, le projet est en attente, devant faire face à de nombreux recours. Dernier en date, celui de l’association Les Travers du Vent, soutenu par Helvetia Nostra, auprès du Tribunal fédéral (TF). état de la situation avec les protagonistes en question : Laurent Scacchi, chargé d’affaire éolien chez Groupe E Greenwatt SA, et Thierry Ray, président de l’association Les Travers du Vent.
Je pense que les gens ont un peu perdu le fil du projet avec toutes les procédures en cours,
déclare Laurent Scacchi. En effet, depuis juillet 2016 et la mise à l’enquête publique, le projet a dû affronter divers oppositions et recours. Recours rejetés par le Tribunal cantonal en décembre dernier. Toutefois, le chemin procédurier se poursuit : les associations Les Travers du Vent et Helvetia Nostra ont fait recours désormais au Tribunal fédéral ciblant le plan d’affectation cantonal (PAC).
Cela fait partie du processus démocratique,
reconnaît le collaborateur de Groupe E Greenwatt SA qui estime qu’un jugement sera prononcé dans les six à dix-huit mois. Ainsi, l’installation de 19 éoliennes sur les hauteurs de la Montagne de Buttes n’est pas pour tout de suite, le Tribunal fédéral ayant accordé l’effet suspensif aux opposants.
Une décision vue comme logique par l’association Les Travers du Vent qui lutte depuis le début contre les divers projets éoliens au Val-de-Travers.
Si cela est une victoire, c’est une toute petite victoire,
avoue Thierry Ray. Le président de l’association croit en la neutralité de la Haute Cour et évalue les chances des référendaires à du 50/50. Cet effet suspensif est également jugé compréhensible par l’autre camp. Laurent Scacchi précise qu’aucun travail n’aurait été entrepris avant toutes les différentes décisions de justice (PAC, permis de construire et autorisations ESTI, relatives aux installations à courant fort). Néanmoins, le chargé d’affaires éolien demeure confiant. Les derniers verdicts des tribunaux se sont prononcés en faveur de projets éoliens bien conçus et menés.
Des avis contraires
Pour Thierry Ray, il est fort probable qu’une nouvelle consultation de la population aujourd’hui découlerait sur des résultats plus serrés voire en faveur des référendaires.
Plus on va de l’avant, plus on constate que c’est une énergie controversée,
explique-t-il, mettant en doute l’efficience économique et écologique de l’éolien. Le président de l’association y voit même une « aberration économique ». Une opinion que Laurent Scacchi ne partage évidemment pas.
La Montagne de Buttes est un excellent site pour la production d’énergie éolienne. Ces 19 machines produiront 10% de la consommation totale cantonale,
explique-t-il, en précisant que Verrivent SA, la société d’exploitation, reversera 3.5% du chiffre d’affaires annuel aux communes du Val-de-Travers, soit environ 700’000 francs.
De plus, Laurent Scacchi insiste sur le fait que tout a été mis en œuvre pour limiter au maximum l’impact sur la faune, comme l’enterrement de plus de 36 km de lignes électriques aériennes, dont 16 existantes, ou l’arrêt des éoliennes en période de fauche d’entente avec plusieurs associations de protection de la nature.
À en lire son rapport de ses activités effectuées en 2020, Pro Natura Neuchâtel juge le projet de la Montagne de Buttes comme exemplaire en matière de développement de l’éolien,
ajoute-t-il, en insistant sur le fait que la conception du projet s’est déroulée en constante discussion avec les acteurs locaux et les principales associations environnementales. Également, un groupe de suivi environnemental sera constitué dès la construction du parc et œuvrera durant le temps d’exploitation. Des précautions qui ne rassurent pas Thierry Ray qui évoque en exemple certaines études allemandes ou autrichiennes plus critiques au sujet de l’impact des éoliennes sur l’avifaune.
Ultime procédure
Une des dernières pommes de la discorde, et non des moindres, est celle de l’impact sur le paysage qu’aura ce parc éolien de la Montagne de Buttes.
Je crains qu’aucune réconciliation ne soit possible sur ce point qui est très subjectif,
déplore Laurent Scacchi, en rappelant que les éoliennes doivent être installées où souffle le vent. Alors que des mesures compensatoires peuvent répondre aux problématiques écologiques, il est difficile de trouver un terrain d’entente sur l’argument paysager. Toutefois, Laurent Scacchi souligne que tout a été entrepris pour intégrer au mieux les machines dans l’espace. L’enterrement prévu de 16 km de lignes électriques aériennes actuelles constitue aussi une action bénéfique dans ce sens.
Surtout, l’association les Travers du Vent s’inquiète de l’émergence d’autres projets éoliens dans la région, comme au Mont de Boveresse, actuellement mis en attente, ou sur les terres vaudoises.
Si ces projets venaient à se réaliser, le paysage du Val-de-Travers serait fortement impacté,
regrette Thierry Ray.
Le recours de l’association Les Travers du Vent et de Helvetia Nostra auprès du TF constitue l’ultime voie de recours juridique. Si le jugement devait être en défaveur des opposants, seraient-ils prêts à recourir à d’autres moyens d’action, comme la constitution d’une « zone à défendre », par exemple ?
Je pense qu’il ne faut pas rechercher le conflit et rester dans la légalité. Nous prendrons acte de la décision de justice,
explique Thierry Ray, confiant dans la neutralité de l’institution. Si le recours devait être rejeté, le président de l’association les Travers du Vent espère que les promoteurs feront preuve de bon sens en considérant la forte opposition locale pour éventuellement raisonner le projet. Et, Thierry Ray ne ferme pas la porte :
En tant que président, si cela est possible, je suis prêt à revenir autour de la table des discussions.
Peut-être, une bonne nouvelle pour un projet qui veut s’associer aux différents acteurs du Val-de-Travers.
Gabriel Risold