Quand la conférence devient démonstration
Rendre accessible un texte sacré, au commun des mortels, c’est le défi auquel s’est confronté Olivier D. Barrelet, samedi, à espaceVal. En voulant revisiter la parabole du retour de l’enfant prodigue, à travers un voyage musical, le Môtisan a pris des risques. Celui de livrer une nouvelle facette de lui-même et celui de dénaturer un «must» de finesse psychologique. Comment faire comprendre cette histoire d’un fils qui trahit, qui tourne le dos à son père et qui est malgré tout accueilli comme un brave à son retour? Barrelet a essayé…
Un peu tendu et un peu serein, Olivier D. Barrelet était dans un entre-deux au moment où la grosse quarantaine de spectateurs terminait de s’installer dans la salle d’espaceVal. Paré dans son désormais traditionnel costume noir, le conférencier a rapidement donné les premiers indices de sa stratégie de vulgarisation de la parabole de l’enfant prodigue. « La musique nous accompagne à chaque moment de notre vie : amour, déception, exploit. Elle est celle qui magnifie, celle qui intensifie et celle qui marque. »
Se servir de « déclencheurs à émotions »
C’était dit, chaque membre de l’auditoire était invité à se laisser aller aux émotions qu’il a vécues dans sa propre vie pour faire écho à l’histoire qui allait lui être contée. Qu’elle passe par les mots de Barrelet et de sa complice du soir, Caroline, ou qu’elle soit projetée sur écran géant en images, cette histoire servait de toile de fond aux émotions. Puis, ce sont différents passages musicaux de grands compositeurs (Vivaldi, Bach, Mozart,…) qui ont servi de « déclencheurs à sensations ». Tel son permettant d’activer telle émotion. Tiraillement, déchirement, colère, apaisement, réconciliation, paix. Qui n’a jamais connu ça ?
Quoi, il parle en allemand ?
Ainsi, nul besoin d’être un père, un fils ou un traître pour comprendre cette histoire de trahison familiale et de retrouvailles inespérées. Il suffit que la musique active chez vous la bonne émotion au bon moment pour que vous vous identifiez à l’histoire de cette parabole. C’est excatement ce qu’ont fait Olivier D. Barrelet et sa comparse pendant près de deux heures de « voyage ». Lorsque le fils cadet décide de partir de façon si violente, c’est un fond sonore rythmé, intense voire agressif qui jaillit dans la salle. L’incompréhension et le désespoir passent quant à eux plus facilement par des sonorités légères et mélancoliques. Puis, lors des retrouvailles, Barrelet surprend son auditoire en utilisant quelques phrases en allemand pour illustrer son propos.
L’auditoire est divisé, la démonstration est faite !
Ah oui, l’allemand ça surprend toujours un peu les oreilles, surtout quand on ne s’y attend pas. Par ce procédé, il marque clairement une rupture de rythme dans l’histoire. Pas de doute, c’est son point de bascule. S’ensuit alors l’apothéose de ce retour à la vie du lien père-fils d’un côté et la froide colère du frère qui ne comprend pas pourquoi sa famille accueille « le traître » en pareil héros, de l’autre. Ce qui divise naturellement, par les émotions ressenties, ceux qui comprennent le père et ceux qui soutiennent le frère. La démonstration est faite : tout le monde n’est pas capable d’accorder son pardon. Cette parabole illustre justement l’acceptation, par Dieu, de tous les pêcheurs repentants. Barrelet a essayé, Barrelet a réussi. Rideau, merci pour lui !
Kevin Vaucher